Entre défaillance de matières techniques, logistiques, dérèglement, production délicate, le premier port commercial tunisien tente de sortir la tête de l’eau…
Dans ce contexte, Mohamed Montassar Ben Mahmoud, responsable en exploitation de la zone portuaire de Radès, nous a expliqué que le port de Radès est le principal port en Tunisie avec plus de 75% des échanges extérieurs. Ce port est composé de sept postes à quai dont cinq sont capables de recevoir les navires RoRo et deux à quai pour les porte-conteneurs. Ce dernier reste incapable de traiter les flux avec la CE (Marseille, Genès, Livourne et Barcelone) avec un départ et une arrivée quasi journalière.
Lenteur des traitements
Pour une journée de pic, le port est amené à traiter au minimum quatre bateaux RoRo. Selon lui, il y a un manque flagrant de matériel de manutention de la Stam, et ce, en plus de la vétusté du matériel. D’autre part, la lenteur du traitement par les agents de la Stam ne fait qu’accentuer le stationnement des navires. «Durant ces journées de pic, la Stam affecte un ou au maximum deux mafis (RoRo track) pour débarquer les remorques. Imaginons alors le temps de débarquement avec un seul mafi pour un navire qui transporte 220 unités roulantes. La surface reste donc limitée au port de Radès avec l’encombrement des conteneurs. Nous ne sommes pas en mesure de débarquer plus de 600 remorques en une journée», assure Ben Mahmoud. La lenteur à l’intérieur du port, surtout lors du passage au scanner, est considérée aussi parmi les problèmes vécus au quotidien. Il est à noter que toute remorque que ce soit à import comme à l’export, pleine ou vide, doit passer par le scanner. Le passage par scanner pour une seule remorque peut prendre entre 10 à 15 min, et ce, sans compter les attentes.
A mentionner qu’autour du port, des «magasins cales» (entrepôts sous douanes) ont été développés pour traiter les remorques groupages et les Magasins Avancés Fournisseurs (ces derniers permettent au fournisseur de servir son client depuis un stock situé à proximité du lieu de destination des produits) pour servir les opérateurs économiques et les grands industriels en matière première.
Des phénomènes de fraude
Mohamed Montassar Ben Mahmoud ajoute, que suite au retard et au manque de matériel de la Stam, certaines compagnies font le débarquement et l’embarquement de leurs unités roulantes avec leurs propres moyens et continuent à payer les Shift de la Stam. «Il ne faut pas non plus oublier les phénomènes de fraude dans le secteur maritime et le manque de législation douanière en matière de pénalités. Il faut savoir que nous sommes toujours dépendants de l’évaluation et la qualification faite par les inspecteurs de douane et ceci laisse la porte entrouverte pour les arrangements afin de minimiser le montant du procès verbal».
Selon Ben Mahmoud, le système actuel permet d’entrer en contact direct entre le transitaire ou tout intervenant avec les inspecteurs de douane ce qui accentue le gré à gré, les arrangements sans passer par des PV. Le but de la mise en place de la Tunisie TradeNet (TTN) est d’établir des déclarations sans être amené à entrer en contact avec le service de douane et sans être amené à se déplacer au bureau des douanes objectif qui encore pas atteint. Il est à rappeler que la TTN gère, depuis sa création en février 2000, un réseau informatique qui relie les différents intervenants dans les procédures du commerce extérieur et du transport en Tunisie (Banques, Administrations, Douanes, Autorités portuaires …
Le responsable en exploitation de la zone portuaire de Radès explique par ailleurs, que durant la période de la crise sanitaire Covid-19, les échanges de certains produits ont été également ralentis suite aux exigences en matière de sécurité. «Le côté transport de conteneurs a été frappé en plein fouet. Vu les restrictions sur les échanges avec l’Extrême Orient, le prix du transport a subi une hausse exorbitante. Le fret d’un conteneur a augmenté, son prix s’est multiplié par trois et même par 4 et les grands armateurs ont fait des marges bénéficiaires colossales. Le retour au prix de fret habituel s’est fait de manière progressive et nous sommes revenus en 2023, aux prix de base», analyse Ben Mahmoud.
Améliorer la performance logistique
Le responsable propose des solutions afin de remédier à certains problèmes. «Il y a lieu d’implanter des “magasins cale” au Sahel et à Sfax. Mais cela ne s’est pas développé significativement vu qu’il faut charger au départ de l’Europe des remorques groupages destinées aux clients de la zone du Sahel et Sfax. Parmi les mesures nécessaires pour un bon fonctionnement c’est d’améliorer l’infrastructure du port tel que le terrassement, les installations, le système de repérage des unités roulantes. Il est inconcevable qu’en 2023, les transitaires et les agents portuaires recherchent toujours d’une manière arbitraire leurs unités roulantes. Il est également nécessaire de faire un ou deux accès au port de Radès : il est étrange de voir que le plus grand port Tunisie ait un seul accès.
Ben Mahmoud propose, d’autre part, de rendre le port spécialisé dans le traitement des unités roulantes seulement. Il est important selon lui, de déplacer l’activité des conteneurs vers un autre port.Pour conclure, le responsable suggère d’autres alternatives non moins importantes. «Il est obligatoire également d’assurer la manutention avec plusieurs aconiers et supprimer le monopole de la Stam sur le port de Radès et la Goulette. Nous devons faire du zoning au port pour faciliter le repérage des unités roulantes pour différencier les zones consacrées à l’importation et celles destinées à l’exportation. Il faut aussi améliorer le rendement des équipes de manutention afin de réduire au minimum le temps de stationnement des navires à quai et éviter les attentes en rade des bateaux, car l’objectif premier est d’améliorer la fluidité des trafics».