Les perspectives économiques de la Tunisie offrent un tableau complexe, mêlant promesses encourageantes et obstacles à surmonter.
La récente baisse de l’inflation à 8,1% en décembre 2023 émerge comme une bouffée d’oxygène pour l’économie de la Tunisie. L’inflation, souvent ressentie dans le porte-monnaie des citoyens et comme une secousse pour la stabilité économique, semble trouver une trajectoire plus maîtrisée. Cette réduction pourrait alléger les tensions sur les ménages et les entreprises, ouvrant ainsi la voie à une croissance plus sereine.
L’augmentation mesurée de 0,6% des prix à la consommation en un mois mérite également une attention particulière. Bien que ce chiffre soit modéré, il souligne la nécessité de garder un œil vigilant sur l’évolution des prix, évitant ainsi une escalade potentiellement préjudiciable à la stabilité économique.
Une gestion habile
Côté réserves en devises, l’ascension de plus de 3,5 milliards de dinars signale un virage positif. Ces réserves, équivalant actuellement à 121 jours d’importation, confirment une gestion financière habile et un rétablissement de la balance des paiements.
Cependant, les négociations en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un accord de crédit de 1,9 milliard de dollars soulèvent des interrogations. Bien que les réformes agréées par le FMI aient le potentiel de renforcer la stabilité économique à long terme, le retard dans la présentation du dossier au conseil d’administration du FMI crée une incertitude persistante. Mais fait encourageant, les négociations et les tractations avec le FMI n’ont jamais cessé.
Le rapport des Nations Unies prévoit une croissance économique tunisienne passant de 1,5% en 2023 à 1,8% en 2024. Bien que cette amélioration soit louable, elle met en lumière la nécessité de mesures politiques et économiques ciblées pour dynamiser davantage l’économie.
Dans ce contexte économique complexe, l’analyse de Mohsen Hassen, économiste et ancien ministre du commerce, contacté par le journal La Presse, offre un éclairage précieux. Côté positif, l’économiste souligne les succès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) dans l’implémentation d’une politique monétaire restrictive. Cette stratégie, combinée à la résorption du déficit commercial et à l’augmentation des réserves en devises, a apporté une stabilité significative, contrastant avec des pays voisins comme l’Egypte avec un taux d’inflation exorbitant de près de 40%.
Néanmoins, Mohsen Hassen met en garde contre des signes inquiétants, tels que le taux d’investissement historiquement bas à 12,8%, une détérioration de l’environnement d’investissement, et une baisse du taux d’épargne. L’impératif de concentrer les efforts sur l’amélioration du pouvoir d’achat et la réduction de la pauvreté est souligné de manière urgente. «Le financement extérieur reste une nécessité cruciale pour les quatre prochaines années, avec un besoin estimé à environ 5 milliards de dollars en 2024, partiellement alloués au remboursement du service de la dette et à l’importation de produits essentiels», insiste Mohsen Hassen. Il note, par ailleurs, l’importance de préserver la souveraineté nationale dans des choix stratégiques, notamment sur le maintien ou pas du système de compensation et les privatisations des entreprises publiques.
Diversifier les sources de financement
L’économiste suggère également des alternatives pour diversifier les sources de financement, précisément en encourageant les transferts en devises des Tunisiens résidents à l’étranger. «Il est possible notamment de proposer aux TRE des emprunts obligataires, de faciliter le transfert de l’épargne en Tunisie», explique-t-il. L’économiste et ancien ministre recommande de tirer profit des exportations, notamment du phosphate dont les prix augmentent mais dont la production reste limitée. Il met l’accent sur la nécessité de soutenir les exportations, de travailler sur l’attractivité des investissements étrangers directs (IDE) et de créer de la croissance pour résorber un taux de chômage élevé, dépassant les 15%. Bien que la Tunisie ait réalisé des progrès notables, des efforts continus et des choix stratégiques s’imposent pour garantir une croissance durable, la stabilité financière et la réduction du chômage. Les négociations avec le FMI, la diversification des sources de financement et le renforcement des secteurs clés de l’économie apparaissent comme des axes prioritaires pour assurer un avenir économique plus solide.