L’historien Antoine Perrier, auteur de «Monarchies du Maghreb. L’Etat au Maroc et en Tunisie sous protectorat (1881-1956)», sera, aujourd’hui jeudi 11 janvier, l’invité de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (Irmc). Une présentation-débat autour de son ouvrage est prévue à 17h30. La rencontre sera animée par Leila Temime Blili, professeure émérite (UMA).
L’Irmc présente un résumé de cet ouvrage, qui est issu d’une thèse de doctorat. En imposant la signature de traités de protectorat aux souverains de Tunisie (en 1881) et du Maroc (en 1912), la France provoque le dédoublement de la structure de leurs Etats. Aux administrations de monarchies musulmanes déjà anciennes s’ajoutent les institutions d’un Etat colonial élaboré selon le modèle français. Antoine Perrier se penche sur l’histoire des institutions locales et des fonctionnaires marocains et tunisiens, pour restituer l’originalité du protectorat comme forme de colonisation et mettre en lumière la transformation des monarchies au contact de l’Etat colonial installé à leurs côtés.
L’émergence de la figure du fonctionnaire salarié et la croissance de l’administration se traduisent différemment au Maroc, où cet essor s’accomplit au profit du sultan, et en Tunisie, où le trône beylical disparaît à l’indépendance. Cet ouvrage explique ainsi la vie et la mort des institutions et les héritages contemporains du régime politique longtemps dominant au Maghreb : la monarchie.
Selon la plateforme OpenEdition Journals, «la recherche se focalise par conséquent sur les administrations du beylik (tunisien) et du makhzen (marocain), ainsi que sur le droit public de ces monarchies polycentriques, en particulier sur les serviteurs de ces systèmes qui, sans être réellement reconnus par le colonisateur, continuaient à exercer des fonctions traditionnelles, générant à la fois des espoirs (modernisation de l’Etat, reconnaissance personnelle) et des désillusions (inégalités de traitement). Non seulement ces monarchies perdurent ainsi durant toute la durée du protectorat, mais c’est tout un système institutionnel complexe qui se maintient avec elles. Cette imbrication institutionnelle (fondations pieuses, universités-mosquées, judicature religieuse, caïds et cheikhs…) explique leur maintien, par-delà la diversité des contextes locaux et nationaux.
Pour saisir les évolutions de ces deux protectorats depuis leur création et jusqu’à leur disparition conjointe, Antoine Périer propose un découpage chronologique en trois grandes périodes : une première appelée « Cohabiter » qui va des dates de signatures des grands traités (1881, 1883, 1912) jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale ; une seconde appelée «Réformer» qui couvre la période de l’entre-deux-guerres ; et une troisième appelée «Triompher» qui va de 1940 à la fin des protectorats en 1956.
Pour comprendre la mise en place des protectorats, l’auteur commence par évoquer le contexte général dans lequel ces Etats ont été amenés à accepter le protectorat et en quoi cette formule apparaissait alors comme une forme de colonialisme rationalisé. Elle permettait en effet de faire cohabiter deux puissances, avec la conservation d’une souveraineté interne et la délégation de la souveraineté externe.