L’alimentation des adolescents de nos jours manque de qualité. Dès que les enfants prennent leur envol, leur comportement alimentaire change au gré du «in». Le fast food ou —disons-le— la malbouffe devient l’alimentation de prédilection des grands enfants.
Plus qu’une question de goût, il s’agit d’une tendance sociétale internationale qui s’appuie sur la consommation promotionnelle, la consommation vue ! Souvenons-nous de l’émergence du fast-food en Tunisie. Il avait pris un sérieux saut quantitatif notamment dans les années 90. En ces temps-là, la société tunisienne avait bien changé, passant du modèle de consommation traditionnelle à celui d’une société de consommation par excellence.
Manger facile quand on n’a pas le temps
D’après M. Abdessattar Sahbani, sociologue, tout ce chamboulement avait commencé avec l’introduction de la publicité dans le paysage audiovisuel, et autre, urbain. «La publicité, qui était véhiculée par la télé, n’était point conforme aux normes. Elle était diffusée inopportunément, interrompant les programmes et surprenant le téléspectateur qui cotisait pourtant pour les frais de transmission…Au début, les spots promotionnels avaient gagné la sympathie d’une catégorie sociale bien particulière. Mais l’effet boule de neige n’avait pas tardé à venir, poussant ainsi les pères de famille à adhérer au concept en jouant le rôle de l’hyper-consommateur, d’où la genèse de la société consommatrice», explique-t-il. Allant de pair avec cette nouvelle vague, les sandwicheries et les pizzerias poussaient alors comme des champignons, créant ainsi une dynamique à la fois commerciale ainsi qu’une ambiance effervescente. Les familles prenaient du plaisir, notamment durant les week-ends et les jours fériés, à délaisser, de temps en temps, la tradition du «couscous du dimanche» pour sortir manger des repas consistants, délicieux, mais pas pour autant à grande valeur nutritionnelle ! Peu à peu, le fast-food a réussi à gagner du terrain pour s’avérer être, désormais, une alternative à la marmite familiale. «Il faut dire que le rythme de la vie moderne y est pour beaucoup. Faute de temps et de tonus, les parents actifs ont tendance à opter pour le rassasiant plutôt que pour le nutritionnel. On sacrifie, semble-t-il, la qualité de l’alimentation et le goût, quoique les saveurs des repas de fast-food sont tout de même assez élevés en raison de leur forte teneur en sel et en gras», explique le Dr Zoubaïr Chater, nutritionniste.
Les élèves : clients ou proies ?
Inconscients de la gravité du phénomène, les parents se laissaient glisser vers la solution de facilité. Et voilà que, sans même le savoir, ils ont intégré la malbouffe dans le quotidien de leurs enfants. Ces derniers trouvent dans les sandwichs, les hamburgers, les pizzas et autres, un repas de choix, facile à manger, qui ne demande ni couvert ni temps de pause. Et c’est ainsi que les adolescents suivent la tendance consommatrice à l’instar de la quasi-totalité de la société. D’autant plus que les occupations des parents entravent au déjeuner familial quotidien. Du coup, les adolescents n’ont d’autres solutions que de se rabattre sur le premier restaurant fast-food qui s’offre à eux : un resto qui leur propose des repas rassasiants et à moindre coût.
Pour ce, d’ailleurs, nul besoin de trop chercher, vu que ces espaces pullulent autour des établissements scolaires, incitant à la malbouffe au quotidien. Le résultat de tant de sel, de gras et d’aliments hypercaloriques engloutis par des adolescents en pleine croissance est plus que redoutable. «L’obésité chez les enfants et chez les adolescents prend de l’ampleur, ce qui en dit long sur un sérieux problème de santé publique. D’autant plus qu’il est important de vérifier la qualité des ingrédients utilisés dans la préparation de ces repas rapides. Le contrôle économique et sanitaire est vivement souhaité pour éviter le pire», poursuit M. Sahbani.
Question d’image sociale
Source de problèmes de santé infantile, les fast-foods impactent sensiblement sur l’intégration sociale des adolescents, renforçant même une certaine disparité sociale. Il est facile de constater que certains ados recourent à certaines enseignes de fast-food pour s’afficher en tant que faisant partie de la classe sociale plus ou moins aisée. En revanche, une autre forme de fast-food, plutôt populaire, prolifère à vue d’œil, au grand bonheur des ados dont les moyens sont limités. L’on parle, en effet, des fast-foods proposant des «casse-croûte» aux coûts nettement plus abordables, préparés à base de pains traditionnels comme le mléoui et le chapati. Ainsi, deux poids deux mesures s’offrent-ils à nous : si chacun trouve son plaisir gustatif dans l’un ou l’autre fast-food, ces mêmes restos de malbouffe séparent les grands enfants, les adultes de demain. Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans ces deux mondes qui se ressemblent, la convivialité y est! «Je pense qu’il faut réviser cette question surtout que, rongés par le déclassement social, certains ados à faibles moyens finissent par donner libre cours à leurs pulsions négatives, d’où la violence y compris dans le milieu scolaire», renchérit le sociologue.
Et pour d’autres raisons, cette question est à revoir aussi pour le nutritionniste. «Le rôle des parents est fondamental dans l’alimentation de leurs enfants. Il est, certes, permis voire légitime de manger dehors une ou deux fois par semaine.
Néanmoins, sensibiliser les ados sur l’alimentation saine s’impose, afin qu’ils apprennent à mieux développer leur palais et être regardants quant à leur santé», évoque Dr Chater. Pour ce, «il est possible de les impliquer parfois dans la préparation des repas et de leur apprendre à savourer et les aliments et les repas en famille», recommande-t-il, en conclusion.