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Solidaires avec nos confrères palestiniens

Editorial La Presse

 

Que ce soit en démocratie, en autocratie, en temps de guerre ou de paix, les journalistes sont mal-aimés. C’est leur destin. En cause, la nature de leur métier. Ils importunent leurs mondes et bousculent l’ordre établi pour dénicher la vérité. Ils sont les témoins «fiables» appelés à « décrire fidèlement les faits et donner au lecteur les moyens de se faire sa propre opinion ». Les définitions se comptent par centaines, mais il y en a une que nous affectionnons particulièrement : «affliger les puissants et réconforter les faibles». C’est ce que font en ce moment nos confrères palestiniens. A ce détail près, quand on les laisse faire. Le nombre de journalistes tués depuis le 7 octobre s’élève à 122, selon le bureau des médias de Gaza.

Israël assassine les civils et élimine méthodiquement les témoins. Les journalistes étrangers sont interdits d’accès à Gaza, sauf quelques-uns qui se comptent sur les doigts d’une seule main. Ce sont donc les locaux isolés et martyrisés qui continuent de faire leur métier, en se demandant quand viendra leur tour.

Wael Dahdouh, chef du bureau de la Chaîne Al-Jazeera, est devenu une icône pour avoir été frappé dans sa chair, perdu plusieurs de ses enfants et sa femme, en continuant de travailler, lui-même blessé, jusqu’à dernièrement. Il représente le drame existentiel des journalistes palestiniens qui se savent entre la vie et la mort, et continuent d’envoyer au monde entier leurs rapportages, en réalité, les dénonciations des crimes d’Israël, depuis le vaste champ de ruines qu’est devenue Gaza.

Reporters sans frontières n’a cessé depuis le début de la guerre d’appeler à la protection des journalistes, évidemment sans résultat. A tel point que l’organisation a alerté sur cette grave menace d’«une éradication du journalisme à Gaza».

Le silence assourdissant des journalistes occidentaux, hormis quelques-uns qui ont osé défier l’omerta, est lâche et honteux. A contrario, les Sud-Africains, encore eux, ont organisé, dimanche dernier, une veillée à Johannesburg, honorant la mémoire de nos confrères tués.

A l’annonce de la mort de ses proches, Dahdouh a prononcé ce mot ; «maalich» (ce n’est pas grave), devenu culte et résumant à lui seul la résignation mais aussi la détermination des journalistes palestiniens, reporters de guerre en sursis. Là où ils sont, leur statut ne les protège guère, pas plus que n’avait protégé Shereen Abou Akleh, la célèbre journaliste palestinienne exécutée de sang-froid, le 11 mai 2022, par un soldat israélien à ce jour protégé et impuni. Israël n’en est pas à un crime de guerre près. Parce que tuer un journaliste en est un.

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