Financement direct du Trésor par la BCT | Une autorisation exceptionnelle pour rectifier le tir

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Il est vrai que nous assistons, durant le dernier quinquennat, à une succession d’événements, aussi bien sur le plan national qu’étranger, qui évoquent une phase de crise permanente. L’économie nationale a été fortement affectée par une série de chocs internes (pressions inflationnistes, sécheresses à répétition) et externes (tensions sur les cours mondiaux de matières premières). En Tunisie, le contexte actuel ne pas manque de complexité et rend la mission de réduction du déficit budgétaire particulièrement ardue et érigée en priorité absolue.

La conjoncture actuelle demeure difficile en raison du taux d’endettement élevé, du taux de croissance faible, la régression de l’investissement et de l’épargne et la hausse des importations qui a entraîné un déficit au niveau de la balance des paiements. Pour cela, un projet de loi a été proposé par le gouvernement autorisant la Banque centrale tunisienne à accorder des facilités au Trésor public tunisien. Tout pour en venir au fait que le gouvernement se devait d’explorer d’autres pistes en choisissant de se tourner vers la dette intérieure.

Ce projet de loi comprend un seul article qui prévoit une dérogation aux dispositions de l’article 25 de la loi numéro 35 de l’année 2016, en date du 25 avril 2016, régissant le statut fondamental de la Banque centrale. Cette dérogation vise à financer une partie du déficit du budget de l’Etat pour l’année 2024. Elle autorise exceptionnellement la Banque centrale tunisienne à accorder des facilités au Trésor public tunisien, dans la limite d’un montant net estimé à 7.000 millions de dinars, remboursables sur une période de dix ans, dont trois de grâce et sans application d’intérêts. Ces facilités seront accordées en fonction des demandes du Trésor public. Un accord est établi entre le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale tunisienne pour réguler les modalités de retrait et de remboursement de ces facilités.

Selon le rapport justifiant la demande d’examen de ce projet de loi, la loi de finances pour l’année 2024 prévoyait une mobilisation de ressources d’emprunt d’un montant de 28,188 millions de dinars, dont environ 10,300 millions de dinars provenant de ressources non spécifiées. La mobilisation des ressources d’emprunt s’étale sur l’ensemble de l’exercice financier, selon des procédures dont les délais varient d’un emprunteur à l’autre.

L’investissement, solution efficace pour créer la richesse

Le rapport a souligné que des pays similaires à la Tunisie, tels que le Maroc, l’Egypte, la Jordanie, la Mauritanie et Madagascar, autorisent leurs banques centrales à fournir des facilités au gouvernement.

Le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, a déclaré lors de la séance d’audition consacré à l’examen du projet de loi autorisant exceptionnellement la Banque Centrale de Tunisie (BCT) à accorder des facilités au profit du trésor public, que le prêt de 3.000 millions de dinars que le gouvernement compte contracter auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) n’exacerbera pas l’inflation mais entraînera une baisse des réserves en devises, outre le fait qu’il aura une incidence sur le taux de change.

Abassi a souligné que ce prêt reste conjoncturel, faisant remarquer que les facilités accordées par la BCT, au titre de 2020, ont été consacrées essentiellement à la consommation, ce qui a favorisé l’inflation.

Tout en reconnaissant que le remboursement des dettes est l’un des attributs de la souveraineté nationale et permet de renforcer la confiance des investisseurs, le gouverneur de la BCT a insisté, néanmoins, sur l’investissement en tant que solution «efficace» à même de créer de la richesse.

Le Conseil d’administration de la BCT, qui s’est réuni le 2 février 2024, note, par ailleurs, l’importance d’assurer la stabilité macroéconomique et financière afin de renouer avec une croissance saine et durable, et ce, en entamant les réformes qui s’imposent. Le Conseil considère que le niveau actuel du taux directeur soutiendrait, toutes choses étant égales par ailleurs, la décélération de l’inflation dans la période à venir. Il décide de maintenir le taux directeur de la Banque Centrale de Tunisie inchangé à 8%.

Mise en garde contre les répercussions du projet de loi

De l’avis de l’expert-comptable Amine Ben Gamra, « le financement direct de l’Etat a été pratiqué par de nombreux pays en période de crise».

Et d’ajouter : «L’urgence de la situation actuelle exige l’accélération de l’adoption de la loi», rappelant que «le budget de 2024 prévoit un besoin de financement de 28 milliards de dinars dont 18 milliards de dinars en endettement, soit un déficit de 10 milliards de dinars».

L’expert-comptable a espéré, par ailleurs, que «le financement direct de l’Etat soit limité aux besoins d’emprunt de l’année 2024 et qu’on puisse dépasser rapidement cette période de crise».

De son côté, le spécialiste en risques financiers, Mourad Hattab, précise que  l’autorisation de la Banque centrale de Tunisie à financer directement le trésor public n’aggravera pas l’inflation liée principalement à deux causes, à savoir la demande saisonnière et le cercle vicieux de la hausse des prix et des salaires. Il a estimé que la nouvelle décision met fin à une époque qui a coûté très cher à la Tunisie au niveau de l’élargissement des dépenses du service de la dette intérieure.

Selon la ministre des Finances Sihem Namssia, « malgré les contraintes, la Tunisie est déterminée à honorer ses engagements dans les délais impartis, et ce, en comptant sur ses propres ressources, dans l’optique de préserver sa souveraineté nationale», indiquant que les discussions avec des bailleurs de fonds se poursuivent actuellement, mais pourraient ne pas aboutir à un résultat durant le premier trimestre de 2024.

Par ailleurs, la ministre a reconnu que son gouvernement est confronté à des difficultés en matière de mobilisation de ressources financières externes mais reste déterminé à diversifier ses sources de financement, tout en respectant la loi.

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