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Kairouan: Abdelmajid Atallah, mémoire vivante de la cité…

Malgré son âge avancé (87 ans), Si Abdelmajid garde une mémoire intacte. Ce Kairouanais, faisant partie des plus anciennes familles de Kairouan, connaît l’histoire de la cité des Aghlabides sur le bout des doigts. Ses souvenirs intacts n’ont pas été gommés par le temps.


Avec ses mosquées, ses maisons médiévales, ses bassins, ses sites archéologiques de Sabra, de Rakkada et d’Al Abassiya, Kairouan est un véritable musée islamique.

En fait, la ville d’Okba avec sa grande densité historique est au-delà des images, car, en filigrane, c’est une civilisation bien riche qui nous est révélée à travers ses magnifiques ensembles architecturaux, ses vieux souks qui portent allégrement leurs sept siècles d’existence, outre ses monuments qui constituent les vestiges les plus marquants de l’école kairouanaise, qui a inspiré et servi de modèle aux édifices construits dans tout le bassin occidental de l’Islam pendant plusieurs siècles.

Malheureusement, cela fait plusieurs décennies que Kairouan est ignorée, oubliée, marginalisée, sous-développée par rapport aux villes côtières dont elle dépend dans beaucoup de domaines. En outre, la Médina, qui a pu séduire plus d’un écrivain, plus d’un peintre, est aujourd’hui défigurée, enlaidie et est en train de tomber en ruine. Cela n’a pas laissé indifférents les représentants de la société civile, les médias, et la plupart des citoyens qui ne cessent d’organiser des sit-in pour appeler les autorités à intervenir d’urgence afin de restaurer et entretenir les monuments de Kairouan et ses maisons traditionnelles.

Nostalgie du passé

Et parmi les personnalités qui regrettent la splendeur de la cité aghlabide qui n’est plus qu’un lointain souvenir, on prend comme exemple Si Abdelmajid Atallah, ancien directeur d’école et ancien imam de la Mosquée du Barbier pendant plus de 15 ans.

Malgré son âge avancé (87 ans), Si Abdelmajid garde une mémoire intacte.

Au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, il s’est révélé plein de connaissances, de poésie et de science. Il possède une dialectique convaincante et surtout un arsenal de détails précis concernant la ville de Kairouan durant les années 50-70.

De plus, il a des talents d’historien et il est doué de grandes qualités morales. Ses souvenirs, il ne les a pas gommés et il ne les a pas bourrés de produits importés par lui-même : «Il faut chercher l’originalité de Kairouan, mais aussi dans les souvenirs du passé : les caractéristiques de la ville, son grand honneur, ce qui l’a rendue célèbre, c’est son histoire. Quand j’étais jeune, il n’y avait pas de constructions modernes. L’architecture de la ville, typiquement musulmane, était d’une grande beauté. Les dédales des rues étroites évoquaient une chaleur humaine qui faisait que tout le monde se connaissait et une architecture asymétrique où les irrégularités des lignes sont homogènes. Les coupelles, les arcades et les voûtes étaient partout visibles…

D’autre part, dans nos maisons traditionnelles, tout était fonctionnel, rien n’est superflu : le puits, la citerne souterraine, la forme des portes aux petites arcades, les petites fenêtres avec leur ferrure, les petites lucarnes, la cour intérieure, le vestibule. L’architecture de nos habitations respectait les voisins dans leur intimité. Les maisons étaient introverties, et rares étaient celles aux fenêtres ouvrant sur l’extérieur».

Des chefs-d’œuvre d’architecture qui menacent ruine

Après un long soupir, notre interlocuteur regrette que beaucoup d’anciennes belles maisons, qui sont de véritables chefs-d’œuvre d’architecture, soient maintenant délaissées et menacent ruine et de poursuivre : «Ce n’est un secret pour personne si je vous dis que beaucoup de grandes familles kairouanaises ont quitté depuis  longtemps Kairouan pour aller s’installer à Hammam-Lif, au Cap-Bon, au Sahel et à Tunis. Je les comprends, car, à mon avis, la cité aghlabide est devenue de nos jours une ville livrée à son triste sort, trop paisible, une cité où les cafés et les salons de thé enfumés sont presque les seuls lieux de distraction possible. C’est une ville trop calme pour nos jeunes si ambitieux et avides de théâtre, de cinéma, de clubs d’animation…». En ce qui concerne les constructions modernes qui ont émergé dans beaucoup de quartiers, Si Abdelmajid Atallah trouve qu’elles n’ont pas respecté le cachet traditionnel car elles ont été élaborées, la plupart du temps, par des architectes étrangers : «De ce fait, les arcades qu’on voit actuellement à la cité commerciale, par exemple, sont romaines et non pas arabes. En ce qui concerne les vieilles demeures, beaucoup ont été reconstruites dans un style moderne avec l’utilisation de matériaux de construction non autorisés». En effet, les briques rouges ont remplacé les briques pleines fabriquées dans les gallalas, le ciment utilisé a succédé à l’argile mélangée à de la chaux et les dalles en béton ont évincé les toitures en bois…

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