Commerce Parallèle: Qui arrêtera le fléau ?

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Aujourd’hui, il faut reconnaître que le commerce parallèle, ennemi juré de l’économie nationale, a —qu’on le veuille ou pas— la peau aussi dure que celle d’un rhinocéros. En ce sens que plus on lui assène des coups, plus il se défend, quand il ne repart pas à l’attaque. Cela ressemble drôlement à un boxeur mis K.O. sur le ring, mais qui se remet ensuite debout pour aller, revigoré, poursuivre crânement son combat.

Le ministère du Commerce et du Développement des exportations, qui s’occupe de ce phénomène, lui a pourtant mené la vie dure au cours de l’année dernière, celle-ci s’étant traduite par le recensement de quelque 87,286 mille infractions concluant 589 mille visites d’inspection effectuées dans tout le pays, aussi bien dans les points de vente (marchés, magasins, grandes surfaces…) qu’à l’intérieur des dépôts et centres de stockage. Plus concrètement, ce bilan supplante celui de l’année 2022, ce qui laisse deviner que ce fléau se porte encore comme un charme ! Fatalité ? 

Mais, loin de tout défaitisme, on peut dire que bien malin celui qui pourrait en dénombrer les causes réellement palpables.

Et en l’absence d’études et d’enquêtes crédibles, et jusqu’à nouvel ordre, une seule arme reste utilisable, à savoir la lutte sur le terrain par descentes et saisies interposées. La politique du bâton, à défaut d’une politique de la carotte qui s’est avérée, jusqu’ici, un feu de paille. 

God bless us.. 

Loin de fléchir, ledit phénomène poursuit aujourd’hui allègrement son expansion. Tenez, ces chiffres :rien que pour les deux mois de l’année en cours, ont été saisis 15 tonnes de semoule à Sbeitla, 14 tonnes de blé à Borj Touil (Ariana), 195 mille litres de lait à Béja et 7 tonnes de farine à Bizerte. Au mois de décembre dernier, la douane a mis la main, lors d’une descente dans un dépôt clandestin situé à Grombalia sur 620 kilos de beurre et 1,5 tonne de fruits et de chocolat. Toutes ces marchandises saisies affichaient tristement des dates de consommation périmées ! 

Le plus grave est que ce fléau fait mal non seulement à l’économie et à la trésorerie de l’Etat (un manque à gagner estimé par les experts à quelque cinq milliards de dinars) mais aussi et surtout à la santé des citoyens. Une bien pâle illustration : savez-vous que, sur les 87,286 mille infractions enregistrées en 2023, pas moins de 34,122 mille ( soit environ 40%) concernent les denrées alimentaires, avec notamment 11,216 mille tonnes de céréales et dérivés, 8,736 mille tonnes de fruits et légumes et 462 mille litres d’huile végétale. Excusez du peu ! 

Usines à microbes 

Dans certaines rues commerçantes et plus particulièrement dans les souks hebdomadaires et devant les marchés municipaux, « le ballet des abus» ne fait pas entracte.

Un non-stop endiablé, quatre saisons sur quatre, avec des denrées de consommation, connues pourtant pour être facilement périssables, carrément exposées à ciel ouvert : fruits, chocolat, harissa, malsouka, pain, poisson et tout le bazar.

Voulant coûte que coûte se faire du fric, ces vendeurs à la sauvette n’hésitent pas à franchir le Rubicon de l’inconscience, en allant jusqu’à écouler du fromage blanc et gouta à base de lait non bouilli, alors que l’on sait qu’une partie du cheptel tunisien est malade ! 

Toutes ces «usines à microbes ambulantes» fonctionnent encore à plein régime, dans le rôle assassin de deverseur de venin dans le couffin de la ménagère, c’est-à-dire dans les veines du citoyen.

Paradoxalement, certains n’en ont cure, aimantés qu’ils sont, par ces temps durs, par l’offre très populaire des prix. «Je dois m’en foutre, pourvu que je fasse nourrir mes enfants», gémit Brahim. J, 51 ans, ouvrier de bâtiment assure que «cela ne m’a jamais causé un seul problème de santé».

Ce n’est en tout cas pas l’avis de Haiha. S, 46 ans, femme au foyer, qui s’insurge contre ce qu’elle qualifie de «pratiques criminelles», en affirmant qu’elle ne fait ses emplettes qu’à l’intérieur des marchés et grandes surfaces. «Au moins là, note-t-elle fièrement, c’est du solide, c’est plus sûr». 

Non aux campagnes conjoncturelles 

Et dire que Ramadan, mois de la frénésie par excellence et de tous les tristes records en termes d’abus commerciaux, est à nos portes. Bizarrement, c’est seulement lorsque ce dernier pointe le bout du nez que les canons de la lutte contre les contrevenants se mettent à rugir. Les ministères concernés (Commerce, Santé et Intérieur) et l’ODC annoncent, tambour battant, le déclenchement des hostilités ! Pourquoi ne le font-ils pas tout au long de l’année ? «Non, on n’a jamais chômé avant Ramadan», se défend, sous le couvert de l’anonymat, une source du ministère du Commerce qui ajoute que «de tradition, on redouble de vigilance durant le mois saint». Sans plus de détails…

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