Par Abdoulaye BA *
En 1973, le sommet arabe à Alger approuve implicitement l’idée d’une démarche progressive vis-à-vis d’Israël en évoquant la libération prioritaire des territoires occupés en 1967. L’OLP est désignée par le sommet comme seul représentant des Palestiniens dans le but de faire adhérer Arafat à cette idée, ce qu’il finit par accepter.
Cette nouvelle orientation politique va davantage diviser l’Organisation. Les opposants à Yasser Arafat durcissent leurs positions et sont déterminés à poursuivre la lutte armée afin d’empêcher toute tentative de rapprochement avec les Etats-Unis et par conséquent la reconnaissance de l’Etat d’Israël. Mais, pour le Leader palestinien, désormais favorable à un règlement politique du conflit, les combats doivent obligatoirement cesser. Son engagement à œuvrer fermement pour la négociation et la reconnaissance mutuelle lui confère une notoriété internationale. En 1974, l’ONU reconnaît l’OLP en tant que représentant du peuple palestinien et elle est admise comme membre observateur de l’institution. En 1976, elle devient membre à part entière de la Ligue arabe qui s’engage à lui apporter son soutien total et sans la moindre ingérence. Toutefois, ces succès politiques et diplomatiques, loin de consolider l’unité organique de l’OLP dans sa lutte contre l’ennemi sioniste, vont causer et semer la discorde dans les rangs des fedayin. Yasser Arafat est de plus en plus contesté et son autorité est remise en question. Il va « avoir du mal » à convaincre les partisans de la poursuite de la lutte armée d’arrêter les combats. Du coup, il devient un leader discrédité, incapable de « tenir ses troupes » et de respecter les engagements pris. Il va vivre cette situation ambivalente jusqu’à son dernier souffle, c’est-à-dire celle d’un dirigeant politique « déterminé d’une part à lutter jusqu’à la victoire finale contre un ennemi qui occupe son pays et opprime son peuple et d’autre part prêt à faire la paix et à cohabiter avec celui-ci sur le même territoire ». Encouragé et soutenu à l’échelle internationale pour ses efforts en vue d’une solution politique du conflit, il s’engage dans une démarche diplomatique dont la finalité est d’expliquer et de convaincre que l’OLP renonce à la lutte armée, reconnaît l’existence de l’Etat d’Israël et est favorable au partage de la Palestine en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe. Pendant ce temps, sur le terrain, les affrontements continuent entre l’armée israélienne et les combattants palestiniens dissidents opposés à la direction de l’OLP.
Yasser Arafat était pour une solution politique du conflit
C’est dans ce contexte particulièrement difficile où le pouvoir politique en Israël est « entre les mains » des sionistes radicaux déterminés à « en découdre » avec des fedayin tout aussi radicaux, que Yasser Arafat ne ménage pas ses efforts pour une solution politique du conflit. Il va, au péril même de sa vie, continuer à défendre avec acharnement ses convictions, échappant plusieurs fois à des tentatives d’assassinat, comme par exemple en 1985 lors de son exil en Tunisie. Contraint de mener une vie austère, mouvementée et instable, il ne peut pas avoir de domicile fixe et est constamment sur ses gardes. Isolé, discrédité et affaibli politiquement (il est devenu minoritaire au sein de l’OLP), il ne doit son salut qu’avec l’arrivée au pouvoir en Israël des sionistes modérés, favorables à une solution pacifique. Le 13 septembre 1993, Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin signent à Washington les accords de paix d’Oslo. Cet important événement survient 6 ans après la 1ère Intifada, surnommée « la guerre des pierres », en 1987. C’est un soulèvement populaire à Gaza et en Cisjordanie et aussi une révolte contre l’occupation israélienne. C’est exactement pendant ce soulèvement qu’est créé le mouvement islamique Hamas qui refuse la moindre légitimité à l’Etat hébreu. Mais cette « éclaircie politique » sera de courte durée. Arafat, de retour à Gaza et élu président de l’Autorité palestinienne, va être confronté à la dure réalité du terrain. Les sionistes radicaux, ennemis jurés du Leader palestinien sont de retour aux affaires. Les relations entre la direction palestinienne et le Hamas, qui multiplie ses attaques contre le régime israélien, sont de plus en plus conflictuelles. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour faire échec aux efforts de paix. La seconde Intifada, déclenchée en 2000, va compromettre définitivement les « chances » de réussite d’une solution négociée. C’est la guerre ouverte qui s’installe et Yasser Arafat voit pratiquement ses espoirs d’une issue pacifique du conflit anéantis. Acculé de tous les côtés, abandonné par ses soutiens et alliés, combattu par ses ennemis sionistes et ses adversaires politiques palestiniens, il va passer le reste de sa vie retranché dans son quartier général à Ramallah en Cisjordanie. Il meurt officiellement le 11 novembre 2004 à Clamart en France. Les causes de sa mort restent toujours énigmatiques et divisent les experts. Pour certains, le Leader palestinien est mort de vieillesse, alors que pour d’autres, il a été empoisonné…
+ Le Hamas, mouvement de résistance islamique, voit donc le jour en 1987. Sa charte affirme que la terre de Palestine est une terre islamique. Il est principalement actif dans la bande de Gaza qu’il administre seul depuis 2007, après sa victoire aux élections législatives de 2006 et l’éviction de l’Autorité palestinienne à la suite d’une brève guerre civile, et faute d’élections depuis. Il prône la destruction de l’Etat d’Israël et l’instauration d’un Etat islamique sur tout le territoire de l’ancienne Palestine mandataire. Selon le Hamas, le massacre et l’exil des juifs de Khaybar (l’actuelle Arabie Saoudite) évoqués dans le Saint Coran se reproduiront contre Israël. Néanmoins, il considère que l’établissement d’un Etat palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières d’avant juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, pourrait aboutir à une trêve. Pour atteindre ses objectifs, il prévoit de concentrer ses efforts sur trois axes: une activité d’aide sociale en vue de renforcer le soutien de base à l’organisation, une activité politique en s’opposant à l’OLP, une organisation laïque, et à l’Autorité palestinienne et enfin des attaques de guérilla ciblées contre les soldats et les civils israéliens. L’Iran, le Qatar et le Hezbollah (ainsi que les rebelles houthis du Yémen) sont ses principaux soutiens et alliés.
Le Hamas mène une guerre totale contre l’entité sioniste
Avant sa fondation en 1987 par le Cheikh Ahmed Yassine, le Hamas, en tant que bras armé des frères musulmans de Palestine, s’est donné le temps pour jeter les bases de sa future organisation. En gestation dans les années 1970 sous la forme d’un large réseau de mosquées, d’institutions caritatives, d’écoles, de jardins d’enfants et autres organisations à vocation sociale, il va gagner au début la confiance des autorités israéliennes, tous les deux opposés à l’OLP et à l’Autorité palestinienne, ce qui a fait dire à Yasser Arafat et à de nombreux experts qu’il est « une création de l’Etat hébreu ». La suite des événements va très vite prouver le contraire. Le but du Hamas est très clair, prendre l’ascendance sur l’OLP et s’imposer comme étant le véritable défenseur de la cause palestinienne et l’ennemi juré d’Israël. Tous les efforts et tentatives de coopération, d’alliance ou d’union entre le Hamas et l’OLP furent vaines, le mouvement islamique se focalisant surtout sur un déploiement de ses forces pour assurer sa mainmise totale sur la bande de Gaza et accroître son influence en Cisjordanie. Rejetant catégoriquement les accords d’Oslo, le Hamas mène depuis plus de 30 ans une guerre totale contre l’ennemi sioniste, dont la première attaque remonte au 16 avril 1993. La dernière est celle du 7 octobre 2023, un conflit en cours et qui se déroule sous nos yeux. Comme on peut le constater, l’armée israélienne a pour objectif d’éliminer le Hamas et de massacrer le peuple martyr de Gaza. C’est ni plus ni moins un crime et un génocide commandités par l’Etat terroriste d’Israël.
Il n’est pas possible actuellement de dresser un bilan d’un conflit qui dure depuis plus de 75 ans et dont l’issue est incertaine. Toutefois, nous nous limiterons à une esquisse tout en nous interrogeant sur les possibilités d’une solution finale. Selon l’historien français Henry Laurens, spécialiste du Proche-Orient, qui s’appuie sur des sources onusiennes, le nombre de morts, depuis l’année 1948 début du conflit jusqu’à nos jours, est globalement plus de 25.000 Israéliens et 100.000 Palestiniens, des chiffres approximatifs censés augmenter au fil du temps. Ce bilan, même provisoire, en dit long sur les sacrifices énormes consentis par le peuple palestinien.
(À suivre)
A.B.
(*) Citoyen mauritanien, observateur politique