Les députés estiment que le projet de loi relatif à la clôture du budget de l’Etat représente un des principaux outils de contrôle permettant d’exercer le contrôle du pouvoir législatif sur la gestion des affaires de l’Etat et des dépenses publiques.
L’adoption des projets de loi clôturant les budgets de l’Etat des exercices 2017, 2018, 2019 et 2020 a constitué le fait majeur de ce début de semaine, d’autant qu’elle a eu lieu en présence de la ministre des Finances, Sihem Nemsia Boughdiri, qui a présenté la vision de l’exécutif.
La séance plénière a été marquée par des critiques acerbes adressées par bon nombre de députés. Ils pointent le retard conséquent accusé par ces budgets, qui aura, selon eux, un impact patent sur les relations de la Tunisie avec les bailleurs de fonds, sur sa notation par les agences internationales et sur l’investissement, en général.
Contrôle du pouvoir législatif sur la gestion des dépenses publiques
Les mêmes députés ont relevé, également, que l’adoption de projets de loi clôturant les budgets, dont ils ne connaissent pas la teneur, pourraient porter un coup sérieux à leur mandat, tout en lançant un appel à leurs prédécesseurs pour qu’ils rendent des comptes et font la lumière sur les dépenses effectuées dans le cadre de ces budgets.
Les députés ont estimé que le projet de loi relatif à la clôture du budget de l’Etat représente un des principaux outils de contrôle permettant d’exercer le contrôle du pouvoir législatif sur la gestion des affaires de l’Etat et des dépenses publiques.
Réagissant aux critiques des élus, la ministre des Finances a précisé que le ministère avait transmis lesdits projets de loi à l’ARP dans les délais impartis, avant d’ajouter que le retard devrait être imputé, plutôt, au parlement. Quant au projet de loi clôturant le budget de l’Etat de 2021, la ministre a fait remarquer que le retard pris dans l’adoption de ce texte est dû à la dissolution de l’ex-ARP, ajoutant que l’adoption de la loi clôturant le budget ne signifie nullement la régularisation définitive du dossier, ni la cessation des éventuelles poursuites judiciaires à l’encontre de tout contrevenant ou auteur de crimes ou tout autre préjudice.
71 sites industriels ont baissé le rideau
Pour faire la lumière sur la question, notre journal a contacté Skander Ounaïes, professeur universitaire en économie et ancien conseiller économique au Fonds souverain du Koweït (KIA), qui a bien voulu donner l’avis du connaisseur : « En effet, les retards d’adoption d’un projet de loi de budget entraînent un manque de visibilité des sources de financement, surtout au moment où le pays doit mobiliser autour de 27 milliards de dinars (16 externes, soit près de 5 milliards d’euros) et 11 internes, avec la difficulté que l’on connaît de la Tunisie pour mobiliser des fonds externes ».
En outre, les dépenses sont prévues dans la LF 2024 et estimées à 71 milliards de dinars, dont près de 33% sont non pourvues. Notre interlocuteur estime qu’il y a un problème d’application pratique de la LF avec des moyens humains et techniques limités et un plafond de taxation déjà atteint. Nous sommes le pays le plus lourd en taxation pour les entreprises de tout le continent africain, a-t-il mis en garde.
Autre aspect soulevé par Pr Ounaïes, le processus de désindustrialisation de la Tunisie très inquiétant, selon lui, ne risque-t-il pas d’être accéléré par cette LF ? En 2023, 71 sites industriels ont baissé le rideau, a-t-il argumenté, avec les impacts désastreux sur l’emploi et la production globale. En 5 ans, ce chiffre s’élève à 671 sites fermés (données de l’Apii). Et qu’en est-il de l’investissement, dont Fitch Ratings vient de sortir un rapport très inquiétant en date du 22 février 2024, notamment sur la baisse drastique de l’investissement en Tunisie, alors que la LF 2024 ne donne pas de vision claire pour redynamiser l’économie, particulièrement à travers la variable investissement.
En tout état de cause, le retard signifie qu’il y a des «choses pas claires dans la LF, que les députés veulent comprendre. Ils seront tenus pour responsables, s’ils votent un texte non précis…», conclut Skander Ounaies.
Il s’agit, donc, d’une affaire de plus démontrant qu’il faudra clarifier les rapports entre le Parlement et l’exécutif pour pouvoir gérer les affaires du pays en toute transparence et sérénité.