Ils étaient trois. Et à eux trois, pour reprendre la sentence de l’un d’entre eux, ils cumulaient plus de deux siècles d’existence. Deux d’entre eux ne s’étaient jamais rencontrés auparavant tandis que deux autres se connaissaient de longue date. Oui. Deux et deux font quatre et pourtant ils n’étaient que trois. Il ne s’agit pas là d’une charade. C’est tout simplement que l’un des trois connaissait les deux autres de longue date et a été à l’origine de cette rencontre a priori improbable mais qui a pourtant eu lieu au début de cette semaine à Dahmani.
Pourquoi cette rencontre pourrait-elle paraître improbable ? Parce que, toujours a priori, les préoccupations de ces acteurs ne se recoupent apparemment pas. L’un est dans le domaine de la plongée sous-marine, l’autre dans les arts plastiques et le troisième, qui a servi de lien entre ceux-là, est peut-être le seul à pouvoir justifier sa présence dans le trio : un communicateur. Et ce qui les a réunis est un projet de livre. «Normaal», dira-t-on en dialecte tunisien d’aujourd’hui et dans le texte. C’est que Abdelkrim a mis en chantier un ouvrage consacré à sa ville natale dont la fondation se perd dans la nuit des temps et qu’il a besoin de l’imagination et du talent d’un illustrateur pour restituer des scènes remontant à la préhistoire, et que Ammar est l’un de nos meilleurs en la matière tandis que Tahar est là pour mettre les deux précédents en présence l’un de l’autre.
Cette rencontre aurait été un non-événement si les trois lurons ne partageaient pas un autre trait: un grain de folie. Ammar, l’«homme de la caverne» au sommet d’une butte au voisinage du magnifique site archéologique d’Altiburos, à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Dahmani, et qu’il a surnommée la Grotte des arts a tenu à faire les honneurs des lieux à ses visiteurs. Ayant montré une copie du certificat du mérite culturel qu’il avait décerné à l’ânesse de son voisin Laaziz qui l’avait aidé à aménager sa «Réserve pour espèce en voie d’extinction, en l’occurrence les créateurs», il a excité l’imagination de son nouvel ami qui l’a interrompu sans ménagement pour lui suggérer l’édification d’un monument en l’honneur de cette bête sous forme de buste sur piédestal. Et, tant qu’à faire, pourquoi ne pas lui consacrer une fête annuelle pour célébrer son mérite ? Ainsi en a-t-il été convenu avant de conclure la rencontre par un accord sur l’illustration devant figurer dans l’ouvrage projeté.
Aux dernières nouvelles, un atelier du côté de Sidi Thabet s’est attelé à la fabrication du buste tandis qu’un site consacré aux ânes a été mis en ligne. En attendant un événement qui sera célébré au printemps prochain.