L’exposition affiche les deux principaux aspects de son travail, évoqués par le commissaire de l’exposition qui a signé le texte du livre : le premier lié à son travail d’archiviste, qui est dans le documentaire sans intention esthétisante avec un regard porté sur les cultures, les traditions, l’architecture, la mode vestimentaire et les coiffures de l’époque et le deuxième qui fait écho à sa pratique de la photographie de studio.
Le 32Bis présente jusqu’au 31 mars l’exposition «L’histoire de demain» du photographe sénégalais Adama Sylla.
C’est la fresque monumentale intitulée «Les bâtisseurs» et réalisée en 2022 par Atef Maâtallah sur la façade de ce centre d’art, qui nous accueille en premier. Au rez-de-chaussée de l’imposante bâtisse située en plein cœur de Tunis à l’ancien immeuble Phillips, l’exposition «La Villa Baizeau à Carthage de Le Corbusier et Jeanneret, actualité d’architecture simple», inaugurée en janvier dernier, continue d’occuper les lieux par le son, l’image et autres plans, croquis et maquettes.
«L’histoire de demain» d’Adama Sylla, quant à elle, investit un espace supérieur avec un éclairage adapté aux œuvres photographiques. Un livre éponyme accompagne l’exposition, fruit d’un important travail sur les archives de l’artiste mené par Marc Monsallier, galeriste à Paris, et Ange-Frédéric Koffi, commissaire d’exposition. Un travail qui a donné lieu en février 2023 à deux expositions à Paris, à la galerie Talmart et la galerie La La Lande, puis, une année après, à l’actuelle exposition au 32Bis à Tunis.
Cette dernière nous dévoile une opulente sélection de clichés en noir et blanc réalisés de 1960 à 1980, par cet «infatigable photographe qui a, durant quarante ans, documenté et archivé la vie de son pays et plus abondamment celle de l’ancienne capitale du Sénégal, Saint-Louis», comme le note Ange-Frédéric Koffi. On peut y voir aussi la vidéo d’une interview menée avec l’artiste chez lui au Sénégal.
L’exposition affiche les deux principaux aspects de son travail, évoqués par le commissaire de l’exposition qui a signé le texte du livre: le premier lié à son travail d’archiviste, qui est dans le documentaire sans intention esthétisante avec un regard porté sur les cultures, les traditions, l’architecture, la mode vestimentaire et les coiffures de l’époque et le deuxième qui fait écho à sa pratique de la photographie de studio. Le portrait et la photographie en studio étant des genres définissant à l’époque le propre des photographes africains, explique Koffi dans un texte intitulé «Mécanique poétique». Son studio, il l’a installé, au début des années 60, au village de pêcheurs à Get Ndar où il habite. Il y travaille le soir et les jours fériés après avoir quitté le musée. Les habitants s’y précipitaient pour se faire portraiturer. «Même dans cette pratique lucrative, le doyen Sylla conserve méticuleusement ses négatifs, sachant parfaitement qu’ils contiennent une dimension de témoignage que la postérité jugera utile d’interpréter», note encore Koffi. Conservateur de musée, collectionneur de photographies, peintre, Adama Sylla est né en 1934 en Casamance, dans la ville de Kolda, de parents saint-louisiens qui partent s’installer à Saint-Louis trois mois après la naissance du futur photographe.
En 1956, il étudie l’architecture à Saint-Louis puis suit une formation professionnelle à Dakar. La même année, il devient assistant du conservateur au service de muséologie et muséographie du Musée de la Mer-Gorée. En 1957, il est assistant du conservateur à l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) à Saint-Louis. Il commence la photographie, à la Maison des jeunes et au labo du musée.
A partir de l’indépendance du Sénégal, en 1960, Adama Sylla documente les manifestations culturelles (1er Festival des arts nègres) et les événements politiques à l’initiative du Président de la République sénégalaise, Léopold Sédar Senghor. Il rencontre plusieurs personnalités politiques africaines et européennes : Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Mobutu, Assane Seck (Ziguinchor)…
En 1964, il suit une formation polyvalente au musée de l’Homme à Paris comprenant la muséologie, la muséographie, l’ethnologie, l’ethnographie, le dessin, la photo (dont il apprend les techniques de la photographie de mode, de macro, de presse, etc.) et l’ethnomusicologie. Il y fait la découverte déterminante du «cinéma-vérité» auprès de Jean Rouch. La même année, de retour au Sénégal il devient conservateur au Crds (Centre de recherche et de documentation du Sénégal à Saint-Louis, ex. IFAN). En 1966, il est le photographe pour le 1er Festival mondial des arts nègres. Il prend, en 1992, sa retraite de conservateur des archives du musée du Crds de Saint-Louis et contribue quatre ans plus tard à «L’Anthologie de la photographie africaine» (Prix Nadar, 1998), publié par «La Revue Noire», à l’initiative de Frédérique Chapuis.
«L’œuvre de Sylla donne aux personnes qui s’y intéressent l’occasion de compléter une connaissance parcellaire de la photographie en Afrique. Car oui, Sylla est l’une de ces personnalités importantes de l’histoire de la photographie africaine. Il apporte à l’édifice la compréhension du continent et met en lumière les sophistications de la culture sénégalaise», écrit le commissaire de l’exposition.
A découvrir jusqu’au 31 mars 2024.