Fondateur et éditeur d’Arcadia, Walid Ferchichi a bravé les vents contraires pour créer une maison d’édition dans un contexte où la lecture semble en déclin. Au détour des allées de la Foire du livre, nous l’avons rencontré pour évoquer sa passion pour les mots et des sujets variés relatifs à l’édition en Tunisie.
Quelle est votre évaluation initiale de cette édition ?
Avant tout, l’évaluation de cette édition est complexe, car le salon n’est pas encore terminé. Cependant, dans l’ensemble, le fait que le salon a été organisé après avoir été annulé est en soi un événement. Il faut admettre que la fréquentation est relativement faible, car le salon vient juste après le mois de Ramadan, avec tout ce qu’il a eu comme impact sur le pouvoir d’achat. Par ailleurs, le point faible du salon est l’absence d’une stratégie de communication claire pour encourager les Tunisiens à visiter le salon. Le salon ne se limite pas aux livres, mais propose également des activités pour les enfants, des conférences et des rencontres entre éditeurs tunisiens et étrangers.
On a remarqué l’existence de ces activités, comme le théâtre pour enfants et autres…
Ces activités sont insuffisantes et semblent faites de manière très improvisée. Cela est compréhensible, étant donné les incertitudes entre l’annulation du salon et son maintien, ce qui a conduit à une planification précipitée des activités.
Il serait judicieux de soulever de vraies questions à l’occasion du salon du livre, telles que le livre numérique, les problèmes de piratage, les droits de propriété intellectuelle, les droits d’auteur et d’autres sujets importants et d’actualité. Par exemple, la question de la coédition entre les maisons d’édition tunisiennes et étrangères et arabes. Ce sont-là de vrais sujets à débattre.
En tant que fondateur et éditeur d’Arcadia, parlez-nous davantage de votre parcours. Quelle mouche vous a piqué pour oser créer une maison d’édition dans un contexte où on lit de moins en moins ?
Arcadia a été créée en juillet 2022, mais son activité réelle a commencé en octobre 2022, ce qui signifie qu’elle existe depuis environ un an et demi.
Dans ce secteur, on ne réfléchit pas uniquement en termes de profit, contrairement à d’autres domaines. La création d’une maison d’édition est un parcours naturel pour quelqu’un qui a commencé comme écrivain, puis s’est tourné vers la traduction et a interagi avec de grandes maisons d’édition arabes et tunisiennes. Le fait de rencontrer des difficultés et des obstacles a été le moteur de la création du projet Arcadia. Nous nous efforçons bien sûr d’obtenir un retour financier, mais nous ne comptons pas uniquement sur le marché tunisien. Nous visons à élargir notre marché aux pays arabes et au Maghreb. Arcadia a été créée en suivant l’exemple de grandes maisons d’édition arabes, telles que “Mada” et “Takween” et autres, qui sont considérées comme des références à suivre.
Est-ce du devoir de l’Etat aujourd’hui de soutenir financièrement les maisons d’édition ?
Absolument. Aujourd’hui, le ministère de la Culture soutient le papier, surtout après l’augmentation des prix du papier et de l’encre, notamment en raison de la guerre russo-ukrainienne.
En revanche, les éditeurs se plaignent aujourd’hui de la baisse considérable des achats du ministère. Pour moi, cela est compréhensible, compte tenu de la situation économique que traverse notre pays. Cependant, parfois dans ce dossier, il y a beaucoup de clientélisme et de zones d’ombre.
Le plus grand problème réside dans l’absence de communication entre les parties prenantes, à savoir les éditeurs, les propriétaires de librairies et le ministère, ainsi que l’absence d’approche participative pour aborder les questions sensibles. Par exemple, j’appelle à ce qu’il y ait une enquête sur la corruption et le manque de transparence dans la gestion du dossier de subvention.
Quels livres recommandez-vous aux lecteurs pour cette foire ?
Le roman “Zari’at Iblis” de la jeune romancière Sirine Meddeb, qui est nominé pour l’un des prix Comar.
Les deux livres qui ont fait sensation sont “Mémoires d’un censeur” d’Anas Chebbi, une œuvre de documentation sur la censure, où il partage sa propre expérience en tant que censeur.
Et “Journal d’un mouchard” . de Taoufik Ben Brik. Bien que je n’aie pas fait de promotion pour ce livre, ses ventes sont exceptionnelles. Il a été publié en 2001 sous le règne de Ben Ali, et cette édition est une traduction. C’est un livre qui redevient d’actualité.