Une loi scélérate, mais…

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Editorial La Presse

 

LA Tunisie est en pleine révolution législative. Il ne se passe pas un jour sans que des projets d’amendement de loi ne soient discutés, soumis aux conseils ministériels ou ne passent à l’Assemblée des représentants du peuple. En effet, pour libérer l’esprit d’initiative, faire sauter les verrous qui bloquent la réalisation des grands projets ou pour booster l’investissement et rendre le site Tunisie plus attractif, on passe au crible un arsenal juridique qui est devenu lui-même un facteur de blocage. Il s’agit aussi de moderniser et d’adapter les textes de loi aux mutations qui s’opèrent dans le monde à un rythme vertigineux.  
L’examen, hier au Palais de Carthage, du projet d’amendement de l’article 96 du Code pénal s’inscrit dans ce cadre. Cet article, qui fait débat depuis des années, a servi, entre autres, à masquer un règlement de comptes avec les symboles de l’ancien régime. Presque tous les anciens ministres et P.-d.g. ayant exercé sous le régime de Ben Ali ont comparu en justice aux termes de l’article 96. Ce qui a réduit la marge de manœuvre au sein de l’administration au point que plus personne ne veut assumer seul la responsabilité d’une décision qui relève du domaine de ses prérogatives. Ainsi pour chaque décision, on convoque une commission ou un collège pour finalement ne rien décider et renvoyer aux calendes grecques les demandes des citoyens, des investisseurs. Du coup, la machine a fini par s’enrayer. Rien ne va plus. Mais aussi cet article est devenu une arme politique pour phagocyter l’administration et condamner l’économie à l’immobilisme et provoquer ainsi les crises.

C’est pourquoi le projet de révision dudit article vise à alléger les frêles épaules des fonctionnaires de l’épée de Damoclès qui plane sur leurs têtes, à conjurer la peur qui bloque l’administration mais aussi cherche à atteindre un équilibre entre les objectifs de la politique pénale de lutte contre la corruption, d’une part, et à criminaliser, d’autre part, ceux qui parmi les responsables administratifs cherchent à entraver le service public par des entourloupettes au nom de cet article. Il s’agit de rallumer les moteurs de l’administration et de lui rendre son lustre.

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