Le parlement des écrivaines francophones (PEF) est né en 2018 à Orléans pour répondre à l’appel lancé par la romancière et journaliste tunisienne Fawzia Zouari. L’Organisation internationale de la francophonie qui le soutient depuis sa création précise qu’il «nourrit l’ambition de rendre plus audible la voix des femmes en leur offrant un espace de prise de parole destiné à donner le point de vue des femmes sur les débats ou les crises de nos sociétés». Entretien.
Fawzia Zouari, fondatrice et présidente actuelle, est docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne, auteure d’une vingtaine d’ouvrages et lauréate de nombreux prix, dont le Prix des cinq continents de la francophonie. Elle a réuni des femmes courageuses et combattantes dans le domaine de l’écriture et de l’édition qui disposent du pouvoir des mots pour débattre des bouleversements du monde, ses violences, mais aussi ses richesses et ses opportunités. Le français est la langue qu’elles ont en partage pour véhiculer leurs valeurs et leurs rêves. Elles ont annoncé dans leur tribune vouloir «être écoutées sur nous-mêmes, sur notre propre sort, sur le monde où nous vivons et qui n’est pas si tendre avec nous». Le manifeste qu’elles ont rédigé exprime leur engagement fondé sur les principes de «Liberté, égalité, féminité». Des commissions de travail ont suivi autour de grandes thématiques, comme les migrations, l’éducation, la paix ou l’environnement.
Le PEF ambitionne également de «constituer un trait d’union entre le Nord et le Sud afin de faire circuler les idées et les auteures. Il s’exprime sur ce qui porte atteinte à l’intégrité morale ou physique des écrivaines et défend la liberté et les droits humains partout où ils se trouvent attaqués».
Nous avons rencontré Fawzia Zouari lors de la série d’évènements et de rencontres littéraires que le PEF a organisés entre Tunis et Sousse. Nous lui avons posé quelques questions pour comprendre davantage les objectifs et les enjeux de cette association.
Comment avez-vu créer cette plateforme ?
En 2017, j’étais invitée en tant qu’écrivaine dans la ville d’Orléans. A la fin de mon intervention, j’ai dit cette phrase : «Je rêve de créer un parlement des écrivaines francophones» et le Maire de l’époque, Olivier Carré, a approuvé immédiatement cette initiative. A partir de ce moment, le projet fut lancé. Lors de notre première séance plénière tenue en 2018, la mairie a invité 70 auteures du monde entier. Nous avons créé notre charte et publié un manifeste. Aujourd’hui, notre plateforme compte 184 écrivaines originaires d’une trentaine de pays. Nous sommes fières de l’adhésion de nombreuses femmes de lettres tunisiennes comme Emna Bel Haj Yahia, Myriam Garaali, Wafa Ghorbel, Hella Feki et bien d’autres.
Quels sont les objectifs de votre parlement ?
C’est d’abord une plateforme de connaissance et d’échange entre les écrivaines. Nous visons à mettre en valeur la littérature féminine en général et soutenir les auteures et les journalistes femmes menacées dans leurs pays. Mais nos plumes soutiennent aussi le combat des femmes en général. De plus, les écrivaines portent un regard particulier sur les problèmes internationaux et réclament d’avoir un regard sur les affaires du monde. Il faut considérer, une fois pour toutes, que la voix des femmes est plus que jamais nécessaire pour lutter contre les crises et les dérives actuelles et que cette voix ne peut qu’être apaisante et conciliatrice. C’est cet objectif et cet «écrire ensemble» qui renforcent leurs liens où qu’elles se trouvent et réaffirment leur rôle dans le dialogue civilisationnel. Nous avons organisé de nombreuses manifestations culturelles : festivals, événements, salons et rencontres. Côté livres, nous avons publié l’Anthologie des écrivaines francophones en quatre volumes, et publié aux éditions des Femmes deux ouvrages collectifs : Corps de fille, corps de femme et Toi, ma mère.
Est-ce qu’il y a une tension particulière associée au choix d’écrire en français quand ce n’est pas votre langue première et qu’elle est rattachée au passé de colonisation ?
Notre approche de la langue française rompt avec l’ancien discours de guerre et de colonisation. Nous réinventons un rapport nouveau avec le français qui est notre langue d’écriture et qui nous appartient même si ce n’est pas notre langue première.
Le Parlement des écrivaines francophones ne compte parmi ses membres que des femmes. Peut-on y voir une confrontation indirecte avec les hommes?
D’abord, comme son nom l’indique, le PEF est un collectif de femmes écrivaines. Mais cela ne signifie en rien une opposition aux auteurs masculins, ni un conflit avec les hommes en général. Même si nous avons le devoir de dénoncer des auteurs misogynes ou qui relaient les idées du patriarcat.
Au même titre que nous dénoncerons les femmes qui perpétuent ou soutiennent l’aliénation de leur propre genre. Pour le reste, nous sommes dans une dynamique féminine porteuse de valeurs et d’optimisme qui compte sur la littérature pour un monde meilleur.