Souad Ben Slimane, autrice, comédienne et interprète du One-Woman-Show «Deadline», à La Presse : «Le besoin de dire m’a motivée pour reprendre la scène»

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Après plusieurs représentations dans différents espaces, la librairie «El Kitab», «Be Actor», le Palais du Théâtre de Halfaouine, Souad Ben Slimane, comédienne et autrice, donnera, le jeudi 13 juin, à 19h00, à l’Agora-Marsa, son nouveau one-woman-show, «Deadline». Quatorze ans après «Forsa la Tou3ad», son premier spectacle du genre, on retrouve, dans une certaine continuité, le même personnage : une femme, qui se raconte et conte son quotidien, entre soucis et addictions, rêves et aspirations, désenchantement et désillusion sur l’état du monde. Drôle et plaisant, «Deadline» fustige, par l’humour et la dérision, les travers et les aberrations de notre existence. L’autrice, que nous avons approchée, nous en dit plus sur le fond et la forme de son spectacle. Entretien.

Pourquoi avoir attendu 14 ans pour retrouver la scène avec un nouveau one-woman-show ?

En tant que comédienne, je n’ai pas attendu 14 ans. La dernière fois que j’ai joué devant un public, c’était dans «Les hommes de Sabra», une performance théâtrale, présentée en 2015 dans le cadre de Dream City (Festival international d’art contemporain qui a lieu dans les espaces publics). Nous étions 7 comédiens. Mais en tant qu’autrice, j’ai signé, en 2016, la dramaturgie de «Echkaf» (le radeau) du Théâtre El Hamra, puis la traduction en arabe dialectal de «Jules César» pour le compte d’une compagnie française qui devait se produire à Tunis; outre mes activités en tant que script-doctor et en tant que coach en développement personnel et en développement de la créativité. Cela dit, quand on pense à moi en tant que comédienne, on se réfère surtout à «Forsa la Tou3ad» ou «Bonne Occas’» le one-woman-show présenté en 2010, au 4e art, sur une scène classique à l’italienne.

Est-ce que les planches vous ont manqué ?

Jouer, oui ça m’a manqué ! Mais pas forcément sur les planches. Parce que j’ai appris à jouer dans des espaces non conventionnels. A titre de rappel, la première de «Deadline» a eu lieu au sous-sol d’une librairie.

Votre personnage central dans «Deadline» est-il une continuité de celui de «Forsa la Tou3ad», les deux femmes souffrant d’addiction, la première étant dépendante de la friperie et la deuxième de la fiction ?

Il n’y a pas de personnage central dans «Deadline». Il y a une seule femme, toujours la même, qui raconte, simplement, naturellement comme dans la vie réelle. Quand elle évoque quelqu’un, elle se met à sa place, se positionne… Elle ne joue pas d’autres personnages. Mais pour répondre à votre question, il y a une certaine continuité. Comme vous dites, cette femme qui était accro à la fripe est devenue accro à la fiction. D’ailleurs, je le dis dans le texte. Il s’agit donc du même personnage qui vit toujours un malaise, mais pas pour les mêmes raisons…

Justement quelles sont ces raisons pour chaque personnage ?

Dans «Forsa la Tou3ad», le personnage vit un malaise professionnel mais, dans «Deadline», le malaise est dû à un état général.

«Deadline» est une critique acerbe de la société, par le rire et le sarcasme, outre une vision crue de la réalité où la fiction est utilisée comme un élément d’addiction, pourquoi ce parti pris de la fiction ?

Parce que chacun a sa façon d’échapper à sa réalité ou à la réalité qui est parfois insoutenable. Cette femme trouve que la fiction est moins compliquée que la vie, ce qui est vrai. Quel que soit le film, il y a toujours un dénouement. Dans la vie, et dans tous les contextes, ce n’est pas évident. Et puis cet élément d’addiction, comme vous dites, me permet, à moi l’autrice, d’aborder certains sujets que je considère pertinents avec humour et dérision. Sans parler du fait que moi-même je suis accro à la fiction.

Pourquoi ce choix d’un dispositif scénique simple, sans recours à un metteur en scène, est-ce parce que le besoin de dire est, ici, le plus fort ou est-ce pour des raisons liées au financement ?

Vous l’avez dit. C’est le besoin de dire et c’est d’ailleurs ce qui m’a motivée pour reprendre la scène. Le propos de «Deadline» ne supporte aucun embellissement, aucun ornement. C’est donc un spectacle pas coûteux que j’ai financé de ma propre poche. Pour ce qui est du metteur en scène, l’urgence de dire a fait que je n’ai pas pris la peine d’en chercher un. Et puis j’ai abordé ce spectacle comme une performance, sans compter que j’ai l’habitude de mettre en scène moi-même mes performances. Côté jeu, je considère que plus je suis comme je suis dans la vie, mieux c’est. Pas besoin d’en faire plus.

De la librairie «El Kitab», où vous avez donné votre première représentation, à l’Agora, un espace plus conventionnel, qu’est-ce qui va changer dans le dispositif scénique ?

Au sous-sol de la librairie, à l’espace «Be Actor» ou au Palais du théâtre de Halfaouine, le public était installé en fer à cheval. A l’Agora, ce qui va, donc, changer, c’est ce rapport avec le public. Il y aura ce qu’on appelle le quatrième mur qui sépare le public de la scène et que je vais, quand même, tenter de briser.

Enfin, votre spectacle sera-t-il donné sur les scènes de nos festivals d’été ?

Je ne pense pas. Je suis sur un autre projet pour lequel je dois consacrer du temps cet été.

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