Le Global Institute For Transition (GI4T) a récemment publié un ouvrage collectif autour des perspectives de l’économie tunisienne en 2024, avec une question centrale « Quel avenir pour la résilience économique ? ».
La résilience, c’est cette capacité qu’a eue la Tunisie, et pas seulement d’ailleurs (l’économie mondiale s’est également montrée résiliente), de résister aux chocs multidimensionnels successifs, souvent exogènes. Et ces dernières années, il y en a eu des chocs. De la crise sanitaire à la guerre en Ukraine, en passant aujourd’hui par la guerre au Proche-Orient, l’économie tunisienne, déjà acculée à une crise budgétaire majeure, a tout de même su résister. Dans le premier chapitre de l’ouvrage écrit par l’économiste Hakim Ben Hammouda, on revient justement sur les chiffres qui prouvent effectivement qu’il y a eu « résilience » en 2023.
« Une économie est résiliente si elle est en mesure de réagir rapidement à une situation critique et à surmonter les désordres créés… La résilience doit donc comprendre deux niveaux importants, le premier est statique et concerne le sauvetage des grands équilibres et les politiques à mettre en place pour éviter une dérive plus importante de l’économie. Le second niveau est dynamique et concerne la capacité de l’économie et des politiques économiques mises en place à assurer un rebond lui permettant de retrouver son sentier de croissance potentielle », écrit Hakim Ben Hammouda.
Sur plusieurs pages, les auteurs reviennent sur «les manifestations de la résilience », passant en revue un ensemble de données macroéconomiques. La réduction du déficit budgétaire, l’amélioration des chiffres des déficits jumeaux, la réduction du poids de la subvention dans le budget, ou encore la solvabilité de la Tunisie vis-à-vis de ses créanciers, sont autant de preuves de cette « résilience ».
Toutefois, c’est sur la seconde composante de la résilience que les auteurs ont été les plus critiques. En effet, c’est le « rebond » nécessaire au retour à la croissance qui ferait défaut pour l’instant. Les auteurs déplorent à titre d’exemple la baisse de l’investissement public, locomotive de l’investissement privé. Hakim Ben Hammouda, qui appelle à un «choc de l’investissement », regrette que l’investissement public soit devenu ces dernières années «une variable d’ajustement» pour la maîtrise des comptes publics. C’est «une politique de maintien de la tête hors de l’eau», note l’auteur. Une situation qui ne facilite pas la sortie de l’économie tunisienne de «la trappe des pays à croissance faible est fragile».
Par ailleurs, les travaux du professeur d’économie Habib Zitouna démontrent qu’il y a eu certes une maîtrise des dépenses de subventions et des compensations, mais que cette maîtrise a été en deçà des prévisions. En 2023, les dépenses de compensation ont dépassé 11,4 milliards de dinars, « bien loin des 8,8 milliards de dinars annoncés». Le plus inquiétant, selon l’auteur, est que 7 milliards de dinars sont des dépenses d’énergie. L’urgence est donc claire, accélérer notre transition énergétique.
Un ouvrage riche en enseignements, indispensable aux décideurs publics, mais également à la portée des étudiants et des non-initiés. Notons enfin que le Global Institute for Transitions est un «Think Tank» indépendant regroupant des intellectuel-le-s, universitaires, entrepreneurs, artistes, acteurs de la société civile et activistes. Le « G14T » affirme avoir pour objectif principal de contribuer au développement « d’une masse critique de recherche et de réflexion afin d’alimenter et appuyer les politiques publiques ainsi que de contribuer au succès des transitions en cours pour une société démocratique, plurielle, ouverte et inclusive.