Cela fait un mois que les Kairouanais supportent des pics de chaleur atteignant 49 degrés, avec des épisodes de sirocco très pénibles. Et c’est surtout les bébés et les personnes âgées qui continuent d’en souffrir le plus.
Et si beaucoup d’habitants affrontent cette canicule en recourant aux climatiseurs, aux ventilateurs, aux éventails et à l’eau fraîche, d’autres plus chanceux savourent la fraîcheur des maisons traditionnelles dont les vastes chambres, les skifas, les caves et la cour intérieure sont climatisés naturellement grâce à une architecture spécifique et à des matériaux de construction adaptés au climat semi-aride de la région.
Piscine municipale hors service
Ali Jemmali, 41 ans, obligé, pour des raisons professionnelles, de passer l’été chez lui, nous confie ses impressions : «Comme j’ai épuisé tous mes congés annuels, je me trouve obligé de supporter la chaleur torride de la cité aghlabide. C’est pourquoi je me réfugie très souvent chez mes parents dont la maison est située dans la Médina et qui me procure beaucoup de fraîcheur, sans aucun climatiseur. Il m’arrive également d’aller faire la sieste à Bir Barrouta et de flâner dans les vieux souks couverts et qui sont relativement frais». Quant aux jeunes qui vivent dans une ville où la piscine municipale est hors service depuis cinq ans, ils sont obligés d’aller se rafraîchir en plongeant dans les eaux saumâtres et verdâtres des Bassins des Aghlabides, avec tous les risques sanitaires et de noyade. Par ailleurs, les salles de jeux et les publinets sont devenus pour la classe juvénile un moyen d’échapper à la monotonie d’une ville où tout baigne dans l’ennui, la canicule et la poussière.
L’eau potable, une denrée rare !
En outre, le gouvernorat de Kairouan n’est pas épargné par les coupures d’eau en cette saison estivale. Et au manque actuel de ressources s’ajoutent des problèmes de raccordement au réseau et d’exploitation anarchique des canalisations existantes. Malgré tous les projets hydrauliques (lacs collinaires, forages, barrages, puits de surface et sources naturelles) réalisés jusque-là, plusieurs délégations du gouvernorat de Kairouan n’ont malheureusement pas accès à l’eau potable, en raison d’une absence de raccordement au réseau de la Sonede à cause de la dispersion géographique.
Egalement, le forage de puits anarchiques est un phénomène de plus en plus fréquent, outre celui de la rupture des canaux et des canalisations de la Sonede dans le but d’avoir de l’eau potable.
En fait, beaucoup de groupements hydrauliques connaissent des difficultés à cause du non-paiement des factures d’eau et du raccordement anarchique aux réseaux hydrauliques. D’où, il y a eu une aggravation de l’endettement des groupements dont certains ont abandonné les travaux de maintenance et sont dans l’incapacité de régler les montants de l’énergie et de l’achat de l’eau.
Privés de cette précieuse denrée, surtout en cette période estivale, les villageois souffrent de gale et d’infections intestinales et ne cessent d’organiser des sit-in pour revendiquer l’approvisionnement régulier de leurs zones marginalisées. Ils se déclarent lassés des promesses non tenues et de la lenteur des travaux entrepris pour renouveler les conduites vétustes.
A la merci d’une manne céleste
Dernièrement, nous nous sommes rendus dans certains villages des délégations de Nassrallah et de Sidi Amor Bouhajla où nous avons rencontré des villageois, lassés de faire le pied de grue devant les fontaines publiques pour remplir leurs bidons et puis de faire plusieurs kilomètres pour regagner leur domicile, sous une température dépassant les 44 degrés. D’autres s’approvisionnent en eau de sources polluées et certains ont recours à différents moyens pour assouvir leur soif comme l’exploitation des majels, l’achat de citernes et le recours à des puits appartenant à des privés.
Ils sont, de ce fait, à la merci d’un ciel peu clément et leur rêve est de voir un jour l’eau de robinet couler dans leurs habitations. Dans plusieurs douars et faubourgs, l’eau est une denrée rare comme nous l’explique Belgacem Miraoui, un fellah âgé de 52 ans : «Le plus proche des puits dont on se sert est situé à plusieurs kilomètres et nous fournit une eau d’un degré de salinité très élevé qui n’étanche pas notre soif». Et de formuler son espoir et celui de ses concitoyens : « Notre priorité actuellement est à l’évidence l’eau potable. L’Etat pourrait faire des sondages pour que nos villages deviennent verdoyants avec la création de périmètres irriguées».