Rencontré en marge de la conférence de présentation des résultats du baromètre 2024 de EY qui s’est tenue récemment dans les locaux de l’entreprise, Mounir Ghazali, associé chez EY, revient sur les éléments marquants de cette enquête et apporte son éclairage par rapport aux attentes et perceptions des entreprises en Tunisie.
Les résultats du baromètre soulignent l’importance de la résilience en tant que caractéristique salvatrice des entreprises en Tunisie. En même temps, les incertitudes, notamment au niveau du contexte international, persistent voire s’accentuent. Est-ce que cette résilience suffira à l’entreprise pour assurer la continuité ou même de développer son activité ?
Je pense que les interventions des représentants des différents patronats qui étaient présents aujourd’hui, notamment la Connect ou autres organisations patronales, ont justement passé ce message-là pour dire: oui, on était résilient, oui on s’est adaptés. Mais cela avait un coût. Cette résilience a été aux dépens de notre capacité d’investir plus, de faire de la recherche et développement, aux dépens de notre capacité à monter en gamme dans notre activité. Ce coût, on le subit depuis plus de dix ans. Et donc, il commence à devenir lourd. Et les chefs d’entreprise sont en train de dire qu’il faut agir dans l’immédiat, parce que cette période-là n’a que trop duré.
En comparant cette édition du baromètre avec les deux précédentes, on constate que l’optimisme des entreprises a gagné du terrain, et ce, malgré leur appréhension de la situation économique et sociale du pays. Comment peut-on expliquer ce paradoxe ?
En gros, les résultats font ressortir des signaux d’optimisme perçus par les entreprises. On a vu que la part de dirigeants d’entreprise qui jugent que la situation économique, sociale et politique est en amélioration a augmenté en comparaison avec les résultats obtenus en 2023, et surtout par rapport à 2021. Quand on leur pose la question sur leur anticipation par rapport à l’évolution de cette situation-là, c’est là où ils envoient un message en estimant que la situation évoluerait vers une détérioration plutôt que vers une amélioration.
Je pense qu’ils sont en train d’envoyer le message selon lequel ils ne sont pas en train de voir des signaux présageant une amélioration de la situation.
Quelles sont les solutions, selon vous, pour assainir le climat des affaires et stimuler la relance des entreprises, l’une des plus grandes priorités pour ces dernières ?
La relance économique nécessite forcément l’investissement. S’il n’y a pas d’investissement, il n’y aura pas de relance économique. Quand on dit investissement, ce sont deux secteurs qui sont concernés : le public et le privé. Si le chef d’entreprise privé a besoin de confiance dans l’avenir et d’une stabilité pour investir, le secteur public est souverain, il peut prendre la décision d’investir sans avoir besoin de confiance. Et je pense que, dans ce cadre, il a un rôle de locomotive. Mais les marges budgétaires du secteur public sont limitées pour qu’il puisse investir. C’est pourquoi il est nécessaire qu’il procède à une priorisation tout en envoyant des messages très forts.
Ce qu’on a vu lors de la présentation des résultats du baromètre c’est que l’investissement public dans le secteur des énergies renouvelables peut envoyer un message très fort au secteur privé. En fait, nous avons parlé de différents sujets. Nous avons abordé le sujet de la Steg qui est un acteur important dans ce secteur, parce que c’est elle qui gère le réseau de distribution de l’électricité et du gaz dans le pays.
Si la société va étendre son réseau pour couvrir des zones concernées par les régimes de l’autoproduction ainsi que de l’autoproduction déportée — qui est par ailleurs, un excellent régime, avec un texte de loi très encourageant — et si elle arrive à concrétiser ces régimes-là, épaulée par l’Etat qui appuie le financement des projets, l’investissement privé va suivre.
Il est, par ailleurs, important de rappeler que l’investissement dans les énergies renouvelables permet premièrement de réduire la facture énergétique pour les entreprises et donc d’améliorer leur compétitivité et, deuxièmement, il permet de réduire les importations énergétiques et, par conséquent, le déficit de la balance commerciale. Ce qui revient à diminuer nos besoins en devises consacrées à ces importations énergétiques. C’est une chance historique qui s’offre à la Tunisie. Je pense que le secteur public a un rôle important à jouer et je suis sûr que le secteur privé sera au rendez-vous.