Accueil Economie Figue de barbarie: Une filière à remettre sur les rails

Figue de barbarie: Une filière à remettre sur les rails

La Tunisie est le premier pays exportateur dans le monde de figue de Barbarie biologique, une aubaine pour l’économie par les rentrées de devises et par la publicité que cela rapporte au pays, a indiqué Faouzi Zayani, expert en politiques agricoles et en développement durable.


«La cochenille qui attaque la figue de Barbarie est un problème majeur que l’on peut qualifier de ‘‘catastrophe nationale’’ », c’est ce qu’a déclaré Faouzi Zayani, expert en politiques agricoles et en développement durable. La figue de Barbarie occupe une superficie de 600.000 hectares sur un total de 5 millions, ce qui représente 12% des terres agricoles en Tunisie, d’où l’importance de la filière qui emploie des dizaines de milliers de femmes et d’hommes et particulièrement en été. Avec 100 entreprises, cette filière place la Tunisie en première position par rapport à l’exportation de figue de Barbarie biologique, « une aubaine pour l’économie en termes d’entrée de devises et en termes de publicité pour le pays », indique Zayani.

Lorsque les choses se compliquent !

Malheureusement, depuis octobre 2021, date du début des infestations qui se sont déclarées dans le gouvernorat de Mahdia (précisément à Chaara), les choses ont commencé à se compliquer pour cette filière. « À peine 1.500 mètres de superficie infestée que l’on n’a pu encercler et traiter à temps. Les responsables régionaux de l’époque  n’ont pu mesurer les dégâts que cet insecte peut causer. Ils ont même refusé l’aide proposée par un expert tunisien qui a supervisé un projet de lutte contre la cochenille au Maroc. L’initiative d’importer des coccinelles a été un peu trop tardive, elle aurait pu être réalisée depuis au moins deux ans et demi », note Zayani.

L’expert fait savoir que la Tunisie aurait pu collaborer avec les Marocains, dès le début de la catastrophe, et importer les coccinelles, « hélas, les autorités n’ont pas jugé utile d’opter pour cette solution ».

D’après lui, les coccinelles représentent une possibilité de traitement biologique pour remédier à la cochenille. « Il s’agit, certes, d’un moyen efficace, mais ce n’est pas la seule méthode disponible. Cette coccinelle, utilisée au Mexique depuis longtemps, a été importée au Maroc depuis 2017, et elle a montré de bons résultats. Il existe, par ailleurs, d’autres options conventionnelles de traitement en cas d’infestation avancée », développe Zayani.

L’expert regrette que le problème en Tunisie a pris beaucoup de temps avant qu’une solution soit adoptée.  « À partir de la découverte du premier foyer, chaque jour compte. Agir dès les premiers jours permet de mieux prévenir la propagation de la cochenille et particulièrement assurer un meilleur traitement biologique avec les coccinelles importées et d’autres insectes locaux ».

Se fier aux expériences du monde

Zayani indique que des mesures doivent être prises avant d’importer les coccinelles. « Que ce soit scientifiquement ou techniquement, la solution des coccinelles a fait ses preuves, notamment au Mexique, berceau de la figue de barbarie. Là-bas, la recherche scientifique est au service de l’agriculture et des agriculteurs. C’est pourquoi il n’y a pas de crainte à ce que les coccinelles deviennent invasives. Cela étant, il faut toujours que les scientifiques poursuivent leurs recherches pour découvrir d’autres espèces et suivent l’évolution des espèces existantes en prenant compte des changements climatiques que le monde subit depuis des dizaines d’années », analyse l’expert.

Selon lui, « la procédure impose que les coccinelles importées doivent être en quarantaine. Ensuite, les services compétents du ministère de l’Agriculture doivent précéder à leur multiplication pour, enfin, être déployées dans plusieurs zones touchées et des zones limitrophes. Ce moyen de traitement biologique doit être adopté contre tout type de ravageurs ».

Zayani assure qu’il est important de tirer des leçons de l’expérience de la cochenille du cactus et d’élargir le champ de la recherche scientifique en matière de risque de ravages et en matière de traitement biologique.

« L’impact de ce fléau est à la fois économique et social. La majorité des plantations de cactus ne sont plus exploitables. Au moins 10 gouvernorats sont infestés, et certains gouvernorats, comme Mahdia, sont touchés à 100 %. Il est regrettable que le premier perdant soit le consommateur tunisien. Comme d’habitude, celui-ci peine à trouver ce fruit sur le marché à des prix abordables », explique Faouzi Zayani.

Il dévoile, d’autre part, que ce fléau de cochenille a créé une situation sociale inédite, puisque les femmes qui travaillent dans ce secteur pour assurer la cueillette quotidienne sont privées de cette activité et se trouvent dans une situation critique, à savoir oubliées du système et sans emploi ».

Pour l’expert, il est difficile d’avancer des chiffres puisque la majorité de l’activité est familiale. « Une chose reste sûre, la Tunisie exporte beaucoup de produits issus du cactus et cela la place aux premiers plans mondiaux ».

Zayani rappelle, d’autre part, que le monde s’oriente de plus en plus vers la consommation biologique, ce qui permet à notre pays la possibilité de mieux se positionner dans le domaine des exportations par rapport à d’autres pays concurrents. « Il est à rappeler que la Tunisie est le premier pays sur le plan mondial dans l’exportation de l’huile d’olive biologique ainsi que pour la figue de Barbarie biologique. Mais la grande question qui se pose actuellement serait est-ce que la Tunisie a pensé à indemniser ces femmes qui sont de vraies actrices économiques et qui ont perdu leur gagne-pain ? Même si cette indemnisation n’est que symbolique, elle peut avoir un important impact sur cette classe sociale vulnérable. Cette indemnisation peut être faite sous forme de couverture sociale qui permet à ces travailleuses l’accès aux soins, chose qui leur garantirait un minimum de la dignité.

Pour de nouvelles variétés de figues

L’expert en politiques agricoles et en développement durable confie que la filière de la figue de Barbarie est stratégique pour la Tunisie vu l’importance des exportations. Elle impacte plusieurs secteurs comme l’agroalimentaire (huiles essentielles, produits cosmétiques, confiture…), le secteur agricole avec l’exportation de la figue de Barbarie biologique, d’une part, et le nombre important de la main-d’œuvre qu’elle emploie, d’autre part. C’est pourquoi, il faut remettre la filière de nouveau sur les rails et permettre aux agriculteurs ayant perdu leurs activités de recommencer à planter des cactus résistants à la cochenille.

«Le ministère de l’Agriculture a annoncé qu’il est en train de travailler sur de nouvelles variétés de figues de Barbarie résistantes qui seront multipliées à grandes échelles pour que les agriculteurs puissent s’en approvisionner», fait savoir Zayani.

Il poursuit : «Il existe des solutions complémentaires comme les traitements conventionnels et particulièrement chimiques. Dans le cas de la figue de Barbarie, ces traitements n’ont pas été efficaces pour plusieurs raisons. La raison la plus importante est le retard du traitement, une fois que le problème a été diagnostiqué à Mahdia. Une autre raison, importante  celle d’éviter les traitements chimiques et les effets néfastes sur l’environnement et sur les êtres humains. La culture de la figue de Barbarie représente un intérêt économique très important pour la Tunisie en matière d’exportation et en matière de création d’opportunités d’emploi ».

D’après Zayani, cette plante est omniprésente sur nos terres, que ce soit en culture chez les agriculteurs ou ailleurs. La figue de Barbarie, connue aussi sous l’appellation de «roi des fruits», est bien ancrée dans nos traditions culinaires. Elle a une valeur sentimentale chez la majorité des consommateurs. « Les autorités concernées doivent impérativement tenir compte de cet attachement et faire le nécessaire afin d’accélérer le processus de multiplication de variétés de cactus plus résistantes et permettre aussi aux agriculteurs de s’en procurer », conclut l’expert.

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