La Tunisie en a eu de toutes les couleurs. Or, argent et bronze. Trois médailles, mais rien de transcendant. Sans vouloir lorgner les grandes puissances sportives et géants démographiques qui ont récolté le plus grand nombre de médailles: les Etats-Unis et la Chine. Et même si l’on rapportait le nombre de médailles gagnées au nombre d’habitants, la Tunisie, représentée par 26 athlètes dans 13 disciplines, resterait très loin derrière.
De plus, les médailles sont décrochées dans des sports individuels et non collectifs, comme c’est souvent le cas des pays en voie de développement. Ce sont davantage des attributs physiques et prédispositions naturelles d’un athlète encore méconnu, qui ont rencontré au gré d’un hasard heureux le bon entraîneur, une équipe dévouée, le soutien des proches, accessoirement celui des autorités officielles. Il s’agit donc d’une singularité, d’un parcours extraordinaire, d’un destin, et non pas le fruit d’une politique publique avec une stratégie, des objectifs et les moyens pour les atteindre, dans un modèle étatisé.
Le cas du champion olympique de javelot Arshad Nadeem en est la parfaite illustration. Nadeem a remporté une médaille d’or orpheline pour son pays, le Pakistan, 235 millions d’habitants. Le joueur de 27 ans, désormais héros national doublé d’une stature internationale, a établi un record olympique avec un lancer de 92,97 m à son deuxième essai, pulvérisant le record olympique de plus de deux mètres. Pour la petite histoire, le lanceur pakistanais, avec ses sept frères et sœurs et un père maçon, s’entraînait, à ses débuts, dans son village, à travers les champs de blé, avec des lances artisanales fabriquées par lui-même.
Confrontés à des enjeux majeurs comme la sécurité alimentaire, la raréfaction de l’eau, la lutte contre le chômage et la sécurité nationale, les pays émergents sont contraints d’investir beaucoup moins dans le sport, n’étant pas une priorité absolue. Ces choix se répercutent directement sur les performances de leurs sportifs, contraints et forcés assez souvent de changer de nationalité pour développer leurs talents, bénéficier de meilleures conditions d’entraînement et financières et réaliser leurs rêves. Les pays africains subissent ainsi une véritable hémorragie avec l’exode massif de leurs athlètes. On parle désormais de la «fuite des muscles» vers des pays prospères, comme les Etats du Golfe. Aux JO de Paris, qualifiés par la presse mondiale de succès «populaire », «sportif» et «esthétique», le Bahreïn a récolté un total de quatre médailles, deux en or, une en argent et une autre en bronze, grâce aux exploits de quatre sportifs méritants néanmoins naturalisés.
Leçon à tirer. La Tunisie n’est ni un réservoir d’athlètes exportables, ni un aimant pour attirer les sportifs potentiellement naturalisables, mais devra disposer de suffisamment de ressources pour devenir une nation sportive. Pour ce faire, il faudra réorganiser la gouvernance sportive à l’échelle nationale, construire et rénover les équipements, créer certaines académies sportives pour repérer et recruter des jeunes et en faire, par exemple, des footballeurs professionnels, mettre en place des formations diplômantes pour entraîneurs et cadres sportifs, et restructurer les fédérations un peu livrées à elles-mêmes. Les Tunisiens se doivent de mettre en place une stratégie structurante pour soutenir le développement du sport professionnel et de haut niveau, mais également scolaire où des perles peuvent être dénichées. C’est pour le moment un rêve… qui peut devenir réalité.