Bien que campant, jusqu’ici, sur leurs positions, les deux parties en conflit semblent désormais près d’un accord… En dépit de la persistance de quelques poches de résistance.
Le 6 août 2024, la ministre de l’Education rencontre une délégation composée de représentants du syndicat et des enseignants suppléants auteurs dernièrement d’une série de communiqués virulents et d’annonces de rassemblements, abondamment relayés par les réseaux sociaux.
Privilégiant le dialogue au mutisme et à la confrontation indirecte, la locataire dudit département a, hélas, vite déchanté, ce jour- là, à cause de la rude opposition manifestée par « ses invités »!
Six jours après, ceux-ci décrètent l’escalade, à travers l’organisation d’un bruyant sit-in. Suffisant pour voir les syndicalistes de la Fédération générale de l’enseignement secondaire relevant de l’Ugtt monter au créneau pour enfoncer le clou. En effet, partie dans le but de défendre les droits des enseignants suppléants, la manifestation de colère a été mise à profit pour plutôt allonger la liste des revendications. Selon le secrétaire général de ladite fédération, Mohamed Essafi, «celles-ci vont de la non-application des accords conclus depuis le 12 avril dernier, aux sept mille postes encore vacants à ce jour, en passant par les promesses restées lettre morte depuis un certain… 8 juillet 2011 et relatives à l’amélioration de la situation professionnelle des directeurs et surveillants des établissements scolaires». M. Essafi ira plus loin dans son «procès», en évoquant une tentative de saboter l’action syndicale, tout en brandissant la menace d’un boycottage de la prochaine rentrée scolaire.
100 dossiers de corruption !
Pour revenir à la première étincelle des hostilités, à savoir la régularisation du dossier des enseignants suppléants, il s’est avéré que les négociations se heurtent sur l’établissement de la liste finale de ceux qui peuvent y figurer. Si les représentants de ce corps avancent le chiffre de 2700 candidats à devoir absolument en bénéficier, le ministère, lui, place la barre beaucoup plus bas, ne reconnaissant que 500 dossiers dits réglementaires. En effet, d’après une source de ce département, « il est impossible de traiter des dossiers qui manquent d’informations nécessaires à toute décision de régularisation.» Après avoir indiqué que « seuls 500 dossiers répondent, pour le moment, à toutes les conditions», notre interlocuteur tient à rappeler que « cette question épineuse est plutôt l’héritage des gouvernements qui se sont succédé au lendemain de la révolution.»
De toute façon, la ministre de l’Education, ex-inspectrice au même département, a été on ne peut plus directe, en soulignant, lors de la récente cérémonie tenue à l’occasion de la célébration de la Journée du savoir, que «le recours à la numérisation nous a permis de traiter le dossier des enseignants suppléants, selon des critères objectifs et sur la base de l’égalité des chances entre tous». D’ailleurs, la ministre a, de nouveau, tendu la main à ce corps, à travers un communiqué officiel appelant cette catégorie d’éducateurs à s’empresser d’actualiser leurs dossiers selon les normes en vigueur. En parallèle et dans un autre geste d’apaisement, un autre communiqué vient de faire le tour de la Toile pour mettre à jour les barèmes des salaires, primes et promotions dont bénéficient les enseignants, tous grades et spécialités confondus. Avec la politique de la carotte, il faut compter aussi avec celle du bâton, quand on sait que «quelque cent dossiers sont parvenus à la cellule de la gouvernance et de la lutte contre la corruption», a annoncé la ministre, réaffirmant, à l’occasion, la détermination à poursuivre inlassablement le combat contre la corruption et les défaillances ».
Je n’y crois pas !
En face, l’opposition semble faiblir. Trois signaux, au moins, l’illustrent. Primo, les déclarations fracassantes faites conjointement par le syndicat et «la coordination nationale des enseignants suppléants » créée par ces derniers, se font de plus en plus rares. Secundo, on n’a plus enregistré, ces jours-ci, de sit-in, ni aucun autre mouvement de protestation. Tertio, on peut dire que la majorité des membres de la famille de l’éducation nationale ne croit pas en un éventuel boycottage de la rentrée scolaire 2024-2025. «Personnellement, je parie qu’il s’agit d’un pétard mouillé», avoue Amel Zaalani, enseignante du secondaire, qui justifie son pronostic par «la persistance des tentatives de clochardisation de la profession, d’une part, et par l’impuissance de ses forces vives et leur désunion, d’autre part.» Pour Hamed Salhi, instituteur, « les syndicalistes sont responsables de tous les maux dont nous souffrons, car ils se plaisent, via les incitations aux mouvements de grève et de sit-in, à nous mettre dans la gueule du loup, tout en faisant en sorte de garantir leurs propres intérêts au détriment des droits légitimes des travailleurs ».
Ali Hsouna, surveillant dans un collège, lui, est contre toute fuite en avant. « Ce n’est pas, dit-il, la première fois que nous sommes lésés, et cela perdure depuis les années 90, et ne changera pas demain ou après-demain. Alors, prenons notre mal en patience, n’allons pas au boycott, en attendant des jours meilleurs.»
Dès lors, peut-on parler de désescalade ? « Oui, la sagesse le recommande », estime Mouldi El-Faleh, proviseur de lycée à la retraite qui lance un appel à la retenue, mettant en garde contre tout enlisement.
« Les problèmes de l’enseignement vieux de plusieurs décennies ne doivent, en aucun cas, occulter cette vertu sacrée et noble : inculquer le savoir à nos enfants pour les préparer aux défis de l’avenir.»