La cinéaste allemande et présidente du jury du FIFAK, Monica Maurer, à La Presse : «Le cinéma peut contribuer à changer le cours de l’Histoire»

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Journaliste et metteur en scène allemande, Monica Maurer rejoint Beyrouth en 1977 et s’engage dans la résistance palestinienne en réalisant, avec l’unité du cinéma palestinien au sein de l’OLP, une série de documentaires sur le quotidien des Palestiniens dont «Children of Palestine» (1979), «The fifth War» (1980) avec Vanessa Redegrave, «Née de la mort» (1981), «Why ?» (1982) et «Palestine en flammes (1988). Aujourd’hui, elle consacre son temps à la sauvegarde des archives filmiques et photographiques de la Palestine. Présidente du jury de la 37e édition du Fifak, elle a bien voulu répondre à nos questions.

Que représente pour vous la cause palestinienne ?

La question palestinienne est fondamentalement une question de justice. Il n’est pas admissible qu’un peuple, qui dispose d’une civilisation ancienne de 4000 ans et une grande culture qui a apporté beaucoup au monde, soit à la merci d’un autre peuple ou une agglomération de réalités qui prétend comme l’a dit Golda Mayer : «Un peuple sans terre pour une terre sans peuple». C’est, bien sûr, un mensonge historique monumental parce que la Palestine et notamment Gaza, carrefour des cultures du Moyen-Orient, ont toujours existé. Cette guerre contre le Hamas est une solution finale pour exterminer le plus possible de vies palestiniennes. Le but de cette guerre est de déporter comme l’ont fait les Américains qui ont exterminé les indiens d’où d’ailleurs leur compassion avec les Israéliens. C’est un exemple classique de colonisation.

Quel est le déclic qui vous a décidé à prendre la défense des Palestiniens ?

La clé de ma politisation dans une empathie anticoloniale remonte à 1967. J’ai eu la chance de connaître des familles palestiniennes de ne pas être droguée par l’hystérie de masse en Allemagne d’aller combattre aux côtés des Israéliens qui ont usurpé la terre palestinienne avec les excuses qu’ils étaient attaqués, mais en fait c’était dans le but d’une extension du territoire en expulsant  la population locale. J’ai vécu cela à travers les Palestiniens, qui étaient déchirés et abimés dans cette catastrophe, cela m’a donné une raison ultérieure de m’inscrire dans ce mouvement de solidarité et en plus j’ai eu des contacts avec d’anciens amis ce qui a en plus consolidé ma position.

Je suis d’origine allemande et l’holocauste est le prétexte prioritaire d’occuper la Palestine. Mes compatriotes et les Américains m’ont reproché d’être aux côtés des Palestiniens. Je leur ai répondu que c’est parce que je suis allemande et anti-fasciste que je défends un peuple palestinien hétérogène composé  de juifs, chrétiens et musulmans qui ont cohabité ensemble durant des siècles. Il faut reconstruire cette convivialité pacifique sur la base d’un statut démocratique et non pas d’une théocratie comme celle d’aujourd’hui.

Un élément de racisme qui exclue une partie de la population privée de ses droits civiques.

En quoi l’art, en particulier le cinéma, peut-il contribuer dans la promotion de la cause palestinienne ?

Je ne suis pas naïve. Je ne pense pas que le cinéma peut changer l’histoire. L’art et en particulier le cinéma peuvent contribuer pour contraster une narration fausse et raciste. La déshumanisation consiste à faire des Palestiniens des misérables qui n’existent pas. On peut montrer une culture palestinienne comme toutes les autres cultures qui a le droit d’être appréciée et estimée et non violée et détruite comme le font actuellement les Israéliens.

C’est basique. On ne peut pas pour ses propres intérêts éliminer d’autres vies.

On ne peut pas accepter qu’un groupe de racistes et de fascistes tuent des milliers d’enfants. Je pense qu’en tant qu’antifasciste et internationaliste c’est tout à fait logique.

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