Changer les choses pour le mieux est possible. Il suffit d’y croire et de s’y mettre. C’est une question de volonté avant tout et si les fonds colossaux font défaut, les moyens de bord, eux, ne manquent pas ! Un exemple édifiant.
Cette logique positive motive Karim Arfa, un jeune Tunisien pour qui l’amour de la patrie se traduit en actions salvatrices et salutaires. Promoteur et actif dans le tissu associatif, il a décidé, en 2018, de tenter de résoudre moult problèmes handicapant le parcours des petits écoliers vivant dans les régions défavorisées voire sinistrées par l’oubli…
En effet, sa première action pour l’amélioration des conditions de scolarité dans les régions défavorisées a été focalisée sur le lycée de Kesra, et dont les résultats avaient été un savoureux avant-goût de confiance en soi et de détermination à aller de l’avant dans sa stratégie personnelle, individuelle et participative à la fois. L’épidémie du Covid-19 a été pour lui une occasion propice de convertir la ferraille scolaire en de nouveaux équipements, parfaitement opérationnels. Des actions de réhabilitation et de recyclage de ferraille scolaire se sont poursuivies jusqu’au jour où une écolière décède, prise par le courant d’un fleuve.
Des ponts, il en faut !
Ce fut, bien, cette fillette, Maha Gadhgadhi, qui avait, en fait, mis à nu la frêle infrastructure de base dans les zones où l’accès à l’école ressemble à une descente aux enfers quotidienne. «J’avais remarqué, alors, que les habitants des régions intérieures et celles rurales vivent dans des conditions lamentables et se heurtent, à chaque pas, à des difficultés incommensurables, auxquelles les élèves font face, non sans peine. C’est que, pour aller à l’école, ils parcourent plusieurs kilomètres à pied, traversant des montagnes et des oueds. Leur arrivée quotidienne à l’école constitue, à elle seule, un challenge», indique Karim Arfa. Soit !
Néanmoins, la persévérance ne serait guère le point de force de tous. Selon Karim, 80 à 90% des élèves finissent par abandonner les bancs de l’école, à partir de la septième année de l’enseignement de base. «Ce résultat est plus que prévisible, en raison de la fatigue, des risques, mais aussi — voire surtout— l’absentéisme, vu que la régularité des cours dépend des mouvements de l’Oued et des intempéries», ajoute-t-il.
Partant de cet état des lieux chaotique, Karim a décidé de passer la vitesse supérieure et de contacter un bureau d’études spécialisé dans la construction des ponts, ainsi que des architectes avisés, pour réfléchir sur des solutions durables au profit des élèves. Depuis, une série de ponts a été réalisée, permettant ainsi aux élèves — et aux enseignants— de traverser les oueds en toute sécurité et en toute dignité. «Nous avons réalisé deux ponts à Balta Bou Aouane à Jendouba, deux autres à Fernana et un pont à Oued Meliz, un pont à Battan à La Manouba, un pont à Nefza à Béja. Ces réalisations, pourtant grandement salutaires, ne nécessitent pas des fonds exorbitants. La longueur desdits ponts, poursuit-il, oscille entre douze et quarante mètres sur une largeur d’un mètre et demi. Le coût d’un pont varie entre vingt-trois et 43 mille dinars».
Les institutions nationales font la sourde oreille !
Cet homme de cœur ne ménage aucun effort pour inciter les institutions nationales à mettre la main à la pâte, surtout que les dépôts de ferrailles ne manquent pas et il serait intelligent de les investir pour la bonne cause. Si certaines sociétés privées répondent favorablement à sa requête, à l’instar d’un supermarché qui dispose, pourtant, d’une modeste quantité de ferraille, les institutions nationales, elles, se montrent réticentes ! « J’ai sollicité le ministère de l’Education qui dispose de grandes quantités de ferrailles scolaires dans l’espoir de les recycler et de servir l’intérêt et du ministère et des élèves, sauf que sa réponse a été absurde : la ferraille revient aux domaines de l’Etat ! Quant aux responsables de la Société nationale des chemins de fer tunisiens, poursuit-il, ils n’ont même pas pris la peine de me répondre ».
La bureaucratie handicape tout !
En dépit des bâtons mis dans les roues, Karim Arfa continue son parcours de bienfaisance voire d’engagement pour les écoliers des zones défavorisées. «La majorité écrasante des écoles dans les régions intérieures souffrent, malheureusement, des conditions précaires. Beaucoup reste à faire… Je saisis, d’ailleurs, l’occasion pour lancer un insistant appel au Président de la République, afin qu’il réduise au mieux les obstacles administratifs qui jouent à nos dépens. La jeunesse tunisienne est capable de moult actions bénéfiques pour tous. Il suffit, parfois, d’un coup de pouce pour que tout un système de bénévolat s’active. La bureaucratie handicape tout ! Il est temps que cela change », souligne-t-il.
Entre-temps, Karim continue de réaliser son rêve et celui des écoliers. Il vient, tout récemment, de réhabiliter une salle délabrée depuis plus de trente ans à l’école Krib Gare, à Siliana, en une agréable bibliothèque scolaire. «Je m’engage à développer cette idée pour permettre à un plus grand nombre d’élèves de disposer d’une bibliothèque scolaire où passer les heures creuses, un livre à la main», ambitionne-t-il.