Alors que plus de 25 cas de suicide ont été enregistrés au cours du troisième trimestre 2024, les mesures de prévention prises par l’Etat s’enchaînent, outre le partenariat stratégique avec les organismes onusiens.
Un chef de poste de la Garde nationale de Douar Hicher s’est donné la mort, mercredi dans son bureau, en se tirant une balle dans la tête. Sept de ses camarades l’ont précédé, cette année. Dans l’ensemble, entre le mois dernier et les dix premiers jours de septembre, quelque huit cas similaires ont été recensés dans les régions de Bousalem, le Kram-ouest, Radès, Tibar, Zarzis et Mateur. Les victimes ont choisi de passer de vie à trépas, soit par pendaison, soit en s’immolant par le feu, soit en se jetant dans les eaux profondes.
Trois suicides toutes les 48 heures
De prime abord, ces chiffres pourraient paraître effrayants. Faux, quand on sait que le taux en référence à la même période est autrement plus élevé dans la plupart des pays arabes et africains. Les récentes statistiques de l’OMS font état de quatre suicides pour 100 mille habitants, plaçant la Tunisie au 6e rang d’un classement où traînent dans les dernières positions plus de 13 pays, dont certains accusent la moyenne catastrophique de trois suicides toutes les 48 heures ! Si l’on va encore plus loin dans la comparaison, on découvrira aisément que la situation est beaucoup plus dramatique en Asie et en Amérique du Sud. Toujours selon l’organisme onusien qui précise que «globalement, les clignotants sont au rouge un peu partout dans le monde, y compris dans les nations civilisées et hautement industrialisées, et non plus seulement dans les pays pauvres ou en voie de développement.»
Une succession de faits négatifs
Qu’est-ce qui pousse au suicide ? Pour Hafedh Damergi, psychologue et maître de conférences : «Cet acte est naturellement un signe de fragilité mentale doublé d’un sentiment de désespoir longtemps accumulé et contenu. Un sentiment alimenté, généralement, au cours d’une longue période, par une succession de faits négatifs vécus par la victime. Et là, tout dépend de la force mentale dont on dispose».
Rien qu’en se rappelant les exemples d’auteurs de suicides parmi les célébrités de la politique, des affaires, du cinéma qui ne manquaient pourtant ni d’argent, ni de notoriété. Et notre interlocuteur de poursuivre : «Cela résume ce que j’ai dit. Car, au moment de l’acte, on oublie tout, on faiblit, même après avoir pris sa dose de tranquillisants. Et là, la sagesse vient nous rappeler, que quelle que soit l’ampleur d’un malheur qui vient troubler notre vie, pas question de craquer, de céder». Ainsi, faudra-t-il tenter de trouver une issue, un début de solution pour se sortir de cet état. D’où l’importance de la prise en charge médicale et du soutien des proches.
Le suicide des enfants
Et les enfants ? Il y a de plus en plus d’enfants qui se suicident, sans distinction entre pays pauvres et pays riches. Selon l’OMS, le suicide est désormais la troisième cause de décès chez les adolescents, avec 75 mille cas recensés chaque année dans le monde. D’où la décision prise, l’année dernière, par cet organisme, de décréter une «Journée mondiale de prévention contre le suicide chez l’enfant». En incluant ce phénomène dans son 14e programme d’action, pour la période 2025-2028, adopté récemment. «Si un adolescent opte pour le suicide, assure notre psychologue, c’est que quelque chose l’y a poussé. Encore fragile mentalement, il subit, parfois rapidement, les conséquences d’un encadrement parental défaillant. C’est plus fort que lui, surtout avec l’invasion sauvage des réseaux sociaux, outre les effets psychiques des stupéfiants. En outre, ce duo, violence et drogue, est liée et dont les répercussions sont visibles dans les établissements scolaires où on a enregistré, d’après les chiffres publiés le mois dernier par le ministère de l’Éducation, 20 mille cas de violences en un an». Et notre interlocuteur de conclure, en lançant un appel aussi bien à tous les ministères concernés, à savoir l’Education, la Santé, la Femme, l’Intérieur, la Culture, les Affaires sociales et Jeunesse et sports, à collaborer étroitement avec la société civile pour identifier les formules appropriées afin de réduire le nombre de suicides en relayant cette donnée : le suicide n’est pas une fatalité».
Le ministère de la Santé a publié récemment un excellent guide pratique pour le traitement médiatique de ce phénomène et programmé d’ici à 2035 la création d’une structure chargée de l’application et du suivi des actions ciblant la santé psychologique de l’adolescent et son addiction aux stupéfiants, en prélude à la création d’un observatoire national de lutte contre la drogue.