Accueil A la une Suicide d’un cadre de la Garde nationale: Accorder plus d’intérêt aux cellules d’écoute et de soutien

Suicide d’un cadre de la Garde nationale: Accorder plus d’intérêt aux cellules d’écoute et de soutien

Confrontés le plus souvent à des situations stressantes en permanence, certains agents se sentent esseulés, sans soutien. Ainsi, feront-ils l’objet de troubles psycho-affectifs pouvant les mener au suicide. En l’absence de mécanismes de soutien, d’écoute et de suivi, les membres de la famille de la victime, ses collègues et ses chefs hiérarchiques ne voient rien venir.


Qu’est-ce qui pousse une personne à mettre fin à ses jours ? C’est d’emblée la première question qui surgit immédiatement à l’esprit quand on est informé d’un suicide. Le cas du chef de poste de la Garde nationale de Douar Hicher (La Manouba) qui s’est donné la mort avec son arme de service dans son bureau n’a pas manqué de soulever plusieurs questions autour des motifs qui l’ont conduit à cet acte. Certes, une enquête a été ouverte pour en déterminer les causes, sur ordre du procureur près le Tribunal de première instance de La Manouba, mais n’est-il pas grand temps pour que les autorités de tutelle se mobilisent davantage sur la question du suicide au sein des forces sécuritaires puisqu’il s’agit d’un corps appelé à assurer la sécurité nationale ?

Remise en question des cellules d’écoute et de soutien

On ne s’arrêtera pas sur les causes réelles qui ont été à l’origine de ce drame par respect à la famille de la victime. Des causes qui, pour mieux éclairer le lecteur, sont d’ordre personnel et n’ont rien à voir avec sa vie professionnelle, comme nous le confirme une source sécuritaire proche de la victime. Toutefois, nous croyons qu’il est indispensable d’aider à briser certains tabous et de sensibiliser aux risques de suicide dans le secteur des forces de sécurité. Certes, on ne dispose pas d’informations concernant l’existence d’une cellule d’écoute, de suivi et de soutien psychologique au sein du département de l’Intérieur. Néanmoins, les sécuritaires travaillent en majeure partie sous une double pression, celle du temps et celle de leurs chefs hiérarchiques dans l’exercice de leurs fonctions, ce qui est de nature à les exposer à une situation de stress permanent susceptible d’impacter leurs relations personnelles et en particulier leur vie conjugale.

A ce propos, la députée Fatma Mseddi a publié après ce cas de  suicide un post sur son compte sur les réseaux sociaux dans lequel elle exprime «ses regrets face à l’augmentation des cas de suicide parmi les agents de sécurité», tout en appelant à «aborder sérieusement cette question et à examiner la situation sociale de ces agents en vue de préserver la sécurité nationale».

Constat d’échec

Le sociologue Sami Nasr nous explique que  le cas de suicide d’un cadre du ministère de l’Intérieur doit être abordé sous un angle différent en raison de l’absence de facteurs de risque et de vulnérabilité socioéconomiques qui conduisent généralement à de tels actes. «Les causes qui mènent au suicide sont en train de connaître des changements et on ne peut plus se contenter de parler de fait social avec des variables bien connues à certains niveaux », mais plutôt de « tsunami social ravageur» qui emporte tout sur son chemin. Ni les campagnes de sensibilisation, ni les discours ou les mesures préventives n’ont pu venir à bout de ce phénomène. C’est un constat d’échec qu’on ne peut dissimuler.

D’après notre expert, le suicide menace aujourd’hui toutes les catégories sociales et toutes les tranches d’âge. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Il est inhérent parfois à des difficultés d’intégration et d’adaptation face aux changements qu’a connus le pays depuis 2011. Gérer le stress et aborder les difficultés et les défis de manière positive n’est plus possible pour certaines personnes. Le suicide de ce cadre sécuritaire ne fait que confirmer cette thèse et il faut toutefois accorder plus d’attention aux conséquences de cet acte dans le milieu professionnel et faire le diagnostic nécessaire auprès de la famille de la victime. Malheureusement, on n’accorde pas beaucoup d’intérêt aux tentatives de suicide et à la contagion suicidaire, ce phénomène célèbre dans le milieu infantile, nous confie-t-il.

La Tunisie parmi les  quatre pays arabes où le taux de suicide est le plus élevé

Au niveau arabe, les statistiques ont confirmé que pas moins de 2.000 cas de suicide surviennent quotidiennement dans tous les pays arabes, contre 3.000 cas de suicide en Europe, et le taux de suicides dans les pays arabes a atteint 4 cas pour 100.000 habitants depuis le début du nouveau millénaire. Si l’on considère les tentatives de suicide, les statistiques officielles de l’Organisation mondiale de la santé indiquent que pour chaque suicide réussi, il y a 20 tentatives de suicide ratées. Les quatre pays arabes les plus touchés par le taux de suicide sont l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie, tandis que le Liban, la Syrie et les pays du Golfe se trouvent au bas de l’échelle.  

L’absence de statistiques officielles sur le plan national ou même d’études se rapportant au nombre réel de cas de suicide dans les rangs des sécuritaires dans notre pays ainsi que leurs causes confère plus de difficulté au travail des médias à ce propos. Néanmoins, la mise en place d’une cellule dédiée spécialement à l’écoute et à l’accompagnement psychologique au sein du département de l’Intérieur contribuera indubitablement à éviter d’éventuels cas de suicide. Il est bien évident que parler du suicide devant un spécialiste peut contribuer à déceler les principaux signes avant-coureurs et à sauver des vies car celui qui parle d’acte de suicide s’abstient de le  faire, soulignent les  psychologues. Notons que sur le plan social, le ministère de l’Intérieur est doté de plusieurs structures et services dédiés au soutien du personnel des forces de sécurité intérieure sur tous les plans. 

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