Retour sur le film «Excursion» de Una Gunjak : Attendrissant !

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Loin de l’image de la jeune adolescente fragile et passive, Iman, comme le voulait Una Gunjak, est un personnage complexe que l’on a du mal à mettre dans une case. Aux allures androgynes (non prémédité lors de l’écriture du film), elle est la première de sa classe et donc tenue, selon la doxa, d’avoir un comportement exemplaire et une attitude raisonnée et prévisible. Trop peu pour la réalisatrice qui voulait montrer, dans son premier long métrage, la complexité des choses loin du manichéisme et les clichés régnants.

Dans une salle de classe sans adultes, Iman, une jeune adolescente, s’invente lors d’un jeu d’action/vérité une vie sexuelle. Plus tard, elle ira loin dans le mensonge et prétendra qu’elle est tombée enceinte. La jeune fille choisit de mentir sciemment à ses camarades, qui commencent dès lors à s’intéresser à elle et à la regarder, pour certains, (les filles surtout) avec admiration et compassion et pour d’autres avec consternation. Elle fait de l’autofiction une manière de détenir le pouvoir, de composer sur les rumeurs au lieu de les subir et devient le centre d’une controverse.

Tel est l’énoncé du film «Excursion» de la réalisatrice bosniaque Una Gunjak qui a accompagné la sortie de son film dans différentes salles à Tunis, Nabeul et Hammamet, en prenant part à une tournée de projections-débats les 11, 12 et 13 septembre derniers. Le film marque ses débuts en tant que réalisatrice de longs métrages et a ouvert le Concorso Cineasti Del Presente, le 4 août 2023.

Un fait divers assez marquant survenue en Bosnie-Herzégovine, celui de la grossesse de sept jeunes filles au cours d’une excursion, fut le point de départ de ce film. «J’ai découvert ce fait divers sur un portail d’information. J’ai demandé à ma productrice ce qu’elle en pensait et que, pour moi, c’était un film. La frénésie médiatique autour de cet événement était terrible. Tout le monde posait des questions qui n’avaient aucun rapport avec le fond du problème, évitant d’aborder le «trou» dans lequel se trouvaient ces jeunes filles. Elles étaient prises entre la sexualisation extrême du corps féminin et le dogmatisme et le conservatisme qui prévalent dans la société bosnienne», explique Una Gunjak lors d’une masterclass organisée par l’association Echos cinématographiques au CinéMadart Carthage. Et d’ajouter : «Je voulais développer un projet autour de ça.  La raison, je n’arrive pas à la déterminer précisément mais je ne voulais pas d’un film moralisateur».

Loin de l’image de la jeune adolescente fragile et passive, Iman, comme le voulait Una Gunjak, est un personnage complexe que l’on a du mal à mettre dans une case. Aux allures androgynes (non prémédité lors de l’écriture du film), elle est la première de sa classe et donc tenue, selon la doxa, d’avoir un comportement exemplaire et une attitude raisonnée et prévisible. Trop peu pour la réalisatrice qui voulait montrer, dans son premier long métrage, la complexité des choses loin du manichéisme et les clichés régnants.

Une rumeur lancée par un jeune voisin à elle qui fréquente le même lycée, selon laquelle ils ont eu des rapports sexuels, lui fait prendre conscience qu’elle peut être désirée. Elle décide alors d’inscrire cette image auprès de ses camarades et de s’auto-sexualiser (par la fiction). Une tendre manière aussi de sa part de préserver son voisin qui devient lui-même le sujet de son désir.

Au-delà du fait divers qui l’a inspiré (et qui est d’ailleurs abordé aussi dans le film) et de la polémique qu’il a suscitée, «Excusion», tout en ayant comme fond la question de la perception patriarcale et conservatiste de la société bosniaque, se veut avant tout un film sur le désir et sur le devenir du corps sexué et social de ces adolescents.  Il y a certes chez Iman (interprétée par Asja Zara Lagumdzija) un évident courage à se réapproprier ainsi un corps et une sexualité soumis aux jugements, aux règles et aux réprimandes de la société, mais tel n’est pas l’unique propos du film dont l’esthétique brute, non polie, bétonnée aux décors urbains propres à Sarajevo et l’écriture minimaliste, mettent au jour une histoire attendrissante autour du devenir femme (et homme aussi), des bouleversements de l’adolescence, avec ses contradictions, ses découvertes, ses joies et ses blessures.

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