Accueil A la une Présidentielle 2024 | Application de la loi électorale, l’Isie se veut vigilante

Présidentielle 2024 | Application de la loi électorale, l’Isie se veut vigilante

 

Assurer l’égalité des chances pour tous les candidats, garantir la transparence du financement des campagnes électorales, tout en faisant preuve d’impartialité et d’indépendance en vue de garantir le bon déroulement de la présidentielle. Ce sont-là en substance les principes fondamentaux de la loi électorale que l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) s’est attelée à appliquer minutieusement, depuis le dépôt des candidatures pour la présidentielle. Des dix-sept dossiers déposés au départ, trois seulement ont été retenus à l’arrivée.

Le nouvel amendement de la Constitution et l’application stricte de la loi électorale n’ont pas permis à d’autres candidats de rester dans la course, en dépit des recours déposés auprès du Tribunal administratif et des jugements prononcés en leur faveur et qui ont fait couler beaucoup d’encre depuis. 

Selon le calendrier établi par l’Isie, la présidentielle se tiendra sur le territoire national le 6 octobre 2024, et dans les circonscriptions électorales à l’étranger les 4, 5 et 6 octobre 2024. La campagne électorale se déroulera du 14 septembre jusqu’au 4 octobre 2024 à minuit, et à l’étranger du 12 septembre jusqu’au 2 octobre 2024. Quant aux résultats préliminaires, ils seront proclamés le 9 octobre 2024 et ceux définitifs le 9 novembre 2024. Un second tour sera organisé, le cas échéant, entre les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix, deux semaines après l’annonce des résultats définitifs.

Campagne électorale, importantes règles et conditions générales

La décision de l’Isie n° 2019-22 du 22 août 2019 fixe les règles et les procédures régissant cette campagne.

Selon ces règles, et durant la campagne, il est impératif de garantir la neutralité de l’administration, des lieux de culte, et des médias nationaux, ainsi que la transparence de la campagne en ce qui concerne les sources de financement, l’utilisation des fonds alloués, l’égalité des chances entre tous les candidats. Il faut également respecter l’intégrité physique des candidats et des électeurs, leur réputation et leur dignité, et ne pas porter atteinte à leur vie privée et à leurs données personnelles. Il est interdit d’inciter à la haine, à la violence, au fanatisme, à la discrimination, et à la diffusion de fausses informations susceptibles d’induire les électeurs en erreur.

La campagne désigne l’ensemble des activités menées par les candidats, les listes candidates ou leurs partisans, ainsi que par les partis politiques au cours de la période légale, dans le but de présenter le programme électoral, en utilisant divers moyens de propagande autorisés par la loi, en vue d’inciter les électeurs à voter le jour du scrutin. La campagne est suivie d’une période de silence qui comprend le jour de silence électoral et le jour du scrutin, jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote.

L’Isie établit les règles et conditions générales que les médias doivent respecter pendant la campagne électorale. Elle fixe aussi les règles, procédures et modalités de financement de la campagne électorale et les moyens de propagande. De leurs côtés, l’administration, les institutions et les entreprises publiques sont tenues de traiter tous les candidats, listes et partis avec objectivité et équité, sans favoriser un candidat, une liste ou un parti, ni entraver leur campagne électorale.

Il est à préciser que la  propagande électorale est interdite, par tout moyen, dans les administrations, institutions publiques, lieux de culte, établissements scolaires, universitaires et de formation, établissements hospitaliers, institutions d’assistance sociale, ainsi que dans les établissements privés non ouverts au public. Cela inclut l’organisation de réunions ou rassemblements, la distribution d’annonces ou de documents, l’affichage de slogans ou la présentation de discours électoraux, sous quelque forme que ce soit.

Interdit de faire des dons en espèces ou en nature

Les espaces relevant de l’administration, des institutions et établissements publics, destinés aux activités publiques, peuvent être mis à disposition pour la tenue de la campagne électorale ou de promotion de référendums. Cette mise à disposition doit être accessible à tous les candidats, listes ou partis, sur la base de l’égalité des chances.

Il est strictement interdit de mener une propagande politique lors de la période électorale ou du référendum, à l’exception des annonces publicitaires dans les journaux des partis, comme il est interdit lors de la période électorale ou la période de référendum d’annoncer dans les médias écrits, audiovisuels ou électroniques la mise à disposition d’un numéro de téléphone gratuit, d’un répondeur vocal ou d’un centre d’appels au profit d’un candidat, d’une liste candidate ou d’un parti.

Lors de la campagne ou du silence électoral, il est interdit de diffuser et de publier les résultats du référendum ayant un lien direct ou indirect avec les élections, le référendum, les études et les rapports médiatiques. Il est strictement interdit de faire des dons en espèces ou en nature dans le but d’influencer le choix de l’électeur ou de le dissuader de voter.

L’instance électorale s’engage, de sa propre initiative ou à la demande de toute autre partie, à surveiller le respect par la liste candidate, le candidat ou le parti des principes de la campagne ainsi que des règles et procédures la régissant.  Elle annule les résultats des gagnants, totalement ou en partie, à travers une décision justifiée, si elle constate qu’une violation des règles régissant la période électorale et son financement est commise.

Bien évidemment, il est utile de rappeler que, selon la loi électorale, les militaires et les agents des forces de sécurité intérieure ne participent pas aux campagnes électorales et aux réunions de partis et dans toute autre activité en lien avec les élections, conformément aux règles et procédures fixées par l’Isie .

Le plafond global des dépenses électorales fait l’objet de discordes

En ce qui concerne le volet du financement, le décret n° 2024-468 du 3 septembre 2024, est venu fixer le plafond global des dépenses de la campagne électorale présidentielle pour l’année 2024, ainsi que le plafond du financement privé et ses conditions.

Le financement de la campagne de l’élection présidentielle pour l’année 2024 se fait par l’autofinancement et le financement privé uniquement, alors que le plafond global des dépenses de la campagne de l’élection présidentielle est égal au total de l’autofinancement et du financement privé en numéraire et en nature.

Le plafond du financement privé, en numéraire et en nature, pour chaque candidat dont la candidature est définitivement retenue pour l’élection présidentielle, ne peut excéder l’équivalent des quatre cinquièmes du plafond global des dépenses de la campagne électorale.

Le plafond global des dépenses de la campagne électorale présidentielle pour chaque tour et au profit de chaque candidat dont la candidature est retenue est fixé à cent cinquante (150) mille dinars pour le premier tour, et cent (100) mille dinars pour le second tour.

Il est à souligner que le comité juridique de la campagne du candidat à l’élection présidentielle, Zouhaïr Maghzaoui, a déposé deux recours auprès du tribunal administratif (TA) pour dénoncer ce qu’il qualifie d’excès de pouvoir de l’Instance électorale. Le premier recours concerne un «excès de pouvoir suite au décret n°2024-468 du 3 septembre 2024, fixant le plafond global des dépenses de la campagne électorale présidentielle», a déclaré Hédi Ouritha, membre du comité juridique de la campagne, alors que le deuxième recours est déposé « pour excès de pouvoir à travers la décision de l’Isie fixant les prix de référence minimums pour les activités liées à la campagne présidentielle».

Selon Hédi Ouritha, le comité juridique a, également, déposé une demande de report et de suspension de l’exécution du décret et de la décision qui font l’objet de recours. Ce dernier estime que les montants fixés sont «très faibles» par rapport à l’envergure de cette échéance électorale. Ce montant empêchera, selon lui, le candidat à mener à bien sa campagne et limitera ses activités, a-t-il regretté.

Quelques délits électoraux

Notons qu’en dépit de ces règles et procédures régissant cette campagne, une trentaine de soupçons de délits électoraux avaient été constatés, dont 15 ont été déférés au ministère public, pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation sur internet, a dévoilé le porte-parole de l’Isie, Mohammed Tlili Mansri .  

Il a également confirmé que l’Isie a enregistré 12 infractions au cours de la campagne électorale, dans diverses régions de la République, comme l’organisation d’une activité ou d’une manifestation non autorisée, l’utilisation du drapeau et de l’emblème de la République, ou le recours à des médias étrangers, précisant qu’il ne s’agissait pas dans ces cas de violations graves, requérant d’être déférés au ministère public.

Quelles sont les sanctions encourues en cas d’infraction ?

En cas de non-respect des règles, plusieurs sanctions sont prévues par la loi . A ce titre, l’Isie peut annuler totalement ou partiellement les résultats des vainqueurs par décision justifiée, si elle estime que la violation des règles de la période électorale et de son financement a eu un impact significatif et décisif sur les résultats des élections.

Des amendes allant de 500 à 1.000 dinars sont prévues, en cas d’infractions enregistrées, dont notamment la violation de l’interdiction d’utiliser le drapeau ou l’emblème de la République tunisienne dans les affiches électorales, de publier les affiches électorales en dehors des lieux désignés, ou de retirer, déchirer, couvrir ou déformer les affiches, ou de les rendre illisibles de quelque manière que ce soit

Une amende de 3.000 dinars est également prévue, conformément à l’article 152 du code électoral, en cas de violation de l’interdiction, durant la période électorale, de la mise en place d’une ligne téléphonique gratuite, d’une boîte vocale ou d’un centre d’appels en faveur d’un candidat, une liste de candidats ou un parti.

En cas de violation de l’interdiction de distribuer des documents ou de diffuser des slogans ou des discours liés à la propagande électorale dans les administrations, les établissements publics ou privés non ouverts au public, une amende allant de 2.000 à 5.000 dinars est prévue, conformément à l’article 153 du code électoral.

L’amende est plus importante en cas de violation de l’interdiction de la publicité politique au cours de la période électorale, à l’exception des annonces publicitaires des journaux partisans, et de l’utilisation de supports publicitaires par les candidats à la présidentielle pendant la campagne. Elle varie entre 5.000 et 10.000 dinars. Elle peut aller jusqu’à 20 mille dinars, en cas de violation de l’interdiction de toute forme de propagande au cours de la période de silence électoral, conformément à l’article 155 du code électoral.

En cas de diffusion ou de publication des sondages d’opinion en lien direct ou indirect avec les élections et les référendums, ainsi que les études et commentaires journalistiques liés au cours de la campagne électorale, une amende de 20.000 à 50.000 dinars est prévue. Et pour terminer, une peine de prison de six mois à trois ans et une amende de 1.000 à 3.000 dinars sont prévues, en cas de violation de l’interdiction de fournir des dons en numéraire ou en nature en vue d’influencer l’électeur ou l’inciter à s’abstenir de voter.

Participation aux séances d’expression directe

La situation un peu spéciale du candidat à la présidentielle Ayachi Zemmal a nécessité récemment l’intervention du vice-président de l’Isie, Mohamed Naoufel Frikha,  pour lever l’équivoque quant à la participation de ce candidat à la campagne du fait qu’il a été condamné à un an et huit mois de prison et fait l’objet de poursuites judiciaires en rapport avec des parrainages frauduleux. « La présence physique est nécessaire », a-t-il tranché, conformément à la loi en vigueur.

On rappelle que le bureau de campagne du candidat à l’élection présidentielle, Ayachi Zammel, et à la suite du refus de la télévision tunisienne d’enregistrer le message libre du candidat par l’intermédiaire de son représentant, a insisté sur le droit du candidat en question de mener campagne dans les meilleures conditions et d’entrer en contact avec les électeurs en Tunisie et à l’étranger, à travers les émissions télévisées et les débats électoraux.

L’application stricte de la loi par l’Isie s’explique en particulier par le souci de conférer plus de transparence et d’intégrité à la présidentielle 2024. Même le financement des ONG a été passé au crible, entraînant le refus d’accorder l’accréditation à certaines associations en raison de « financement étranger provenant de pays avec lesquels la Tunisie n’a pas de relations diplomatiques ».

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