Accueil Société Jeunes anciens détenus : Une véritable réinsertion post-carcérale

Jeunes anciens détenus : Une véritable réinsertion post-carcérale

 

Après un travail acharné et passionné qui a duré dix-huit mois, vingt et un jeunes, anciens détenus, ont réussi à décrocher leurs certificats d’assistants moniteurs sportifs en stand-up paddle et en kayak.

«J’étais assis, un beau jour de décembre, sur la plage de La Goulette. J’ai admiré cet espace naturel, à la fois vaste et motivant. Et puis, une idée m’a traversé l’esprit : et si on utilisait cet acquis de la nature pour concocter un projet en faveur de la jeunesse tunisienne !». Ce fut, alors, la genèse du projet Meta-Nautique, tel qu’il a été initié par Bilel Mahjoubi, membre actif de la société civile et fondateur d’Endor’fine Consulting.

Ainsi, le projet Meta-Nautique a touché à sa fin, tout récemment. Ses résultats ont été annoncés, fièrement, lors d’un atelier de clôture, organisé vendredi dernier à Tunis. Il faut dire qu’il s’agit d’un projet à cheval entre le socioéconomique et l’humanitaire, qui a suscité l’intérêt de plusieurs parties prenantes, gouvernementales et non gouvernementales, et ce, en raison de sa démarche innovante et prometteuse.

Etabli par Endor’fine Consulting, mis en œuvre par l’association «Ness» pour la prévention combinée et financée par la Fondation Drosos, ce projet a bénéficié, de surcroît, de la collaboration du Centre de défense et d’intégration sociale de Mellassine, relevant notamment du ministère des Affaires sociales, ainsi que d’Avocats sans Frontières.

Une approche novatrice

Cet élan revient, sans aucun doute, à l’aspect novateur d’une approche regroupant la réinsertion sociale, l’intégration professionnelle, la récupération de l’estime de soi, la quête du bien-être physique et la découverte des performances sportives refoulées. En effet, le projet consiste à absorber des jeunes en phase de post- détention, ayant séjourné dans les centres de correction pour mineurs, et ce, afin de les initier à des sports tendances et fortement demandés sur le marché professionnel : le stand-up paddle et le kayak.

Plus qu’une initiation sportive, il s’agit d’une réhabilitation intégrale et méthodique, puisant son essence de la thérapie bleue, mais aussi de la discipline et de l’esprit du groupe pour les aider à sortir de la sphère handicapante de l’exclusion et de la stigmatisation. «Le projet Meta-nautique, explique Bilel Mahjoubi, est le fruit d’un travail bien réfléchi. En 2014, un nouveau-né de la société civile a vu le jour sous le nom de D’Ar. Puis, on a décidé de changer l’appellation en optant pour Ness. L’association Ness pour la prévention combinée avait été lancée, officiellement en 2016, proposant une panoplie de prestations complètes, en faveur des catégories vulnérables sur le plan sanitaire, social, matériel, juridique, etc. Et depuis, elle s’active, en outre, pour former une nouvelle génération de jeunes compétences, investies dans la vie associative».

En effet, ce projet table sur la notion de seconde chance, en faveur de jeunes mineurs qui, maîtrisant mal leurs vies, leurs émotions et leurs pulsions à un moment donné, ont péché et ont été —suite à cela —pénalisés. Sauf que, pour eux, le retour à la vie normale est loin d’être aisé. La discrimination, la stéréotypie et l’exclusion sociale constituent, indéniablement, des pénalités impitoyables, car intolérables et durables ! «Pour arriver au Centre, ces jeunes endurent tant sur leur chemin qui n’excède pourtant pas les trois cents mètres… Le regard désapprobateur d’autrui les vexe tant…» fait remarquer M. Mahjoubi.

Sport, langues et appui humain

Pour les soutenir dans leur insertion socioprofessionnelle et dans leur lutte pour l’autonomie, une équipe pluridisciplinaire s’applique à la tâche, avec conviction et amour. De jeunes garçons, ayant été incarcérés dans des établissements de correction pour mineurs, provenant essentiellement de la banlieue nord de Tunis, et plus exactement du Kram, ont eu la chance d’explorer leurs potentiels respectifs, en tant que sportifs nautiques. Un coaching multidisciplinaire leur a été destiné pour s’initier au paddle, au kayak, mais aussi à d’autres beach-sports, et ce, afin de leur garantir une préparation physique indispensable aux deux sports précités.

Parallèlement, ces jeunes ont bénéficié de cours de langues étrangères, notamment l’italien et l’anglais. « Le choix de la langue italienne est en amplement justifié. La plupart des jeunes sont obsédés par l’idée de la migration clandestine vers l’Europe via l’Italie. Certes, nous faisons de notre mieux, afin de les dissuader quant à cette idée. Néanmoins, nous ne pouvons aucunement les en empêcher ! Aussi, mettons-nous à leur disposition des cours d’italien afin de leur permettre de communiquer au cas où ils décideraint de migrer clandestinement», indique Mlle Cyrine Bouajaja, coordinatrice du projet. Les jeunes ont bénéficié aussi de cours de théâtre ; un cours qui a fini par être interrompu, faute d’intérêt…

Encore faut-il souligner que le projet Meta-Nautique comprend, aussi, une prise en charge psychologique, un consulting juridique, ainsi qu’une médiation avec les familles des jeunes.

Les horizons de l’insertion professionnelle

Après un travail acharné et passionné qui a duré dix-huit mois, vingt et un jeunes ex-détenus ont réussi à décrocher leurs certificats d’assistants moniteurs sportifs en stand-up paddle et en kayak. «Ce sont les premiers moniteurs qui ont suivi une formation sur les techniques du stand-up paddle en Tunisie. Les certificats qu’ils viennent de décrocher sont fiables, car reconnus par le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Aussi, peuvent-ils travailler dans des salles de sport ou monter leurs propres projets», indique encore M. Mahjoubi. Et d’ajouter que la dernière formation donnée dans le cadre du projet a été axée sur le plan marketing et celui de la communication, et ce, afin d’éclairer les jeunes diplômés sur l’abc de l’initiative privée, sinon de l’insertion professionnelle.

Encore faut-il préciser que les vingt et un jeunes primés figurent parmi tant d’autres qui n’ont pas réussi à exceller, faute d’assiduité, de proximité ou en raison d’autres engagements comme les petits boulots et les études.

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