Dynastie husseïnite – Mohamed Ennasser Pacha Bey : Le bey intransigeant

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Juste après le décès de Mohamed El Hedi Pacha Bey, le 12 mai 1906, son cousin Mohamed Ennasser, fils du mouchir M’hamed Pacha Bey, avait bénéficié de l’allégeance des membres de la cour, des vizirs, des dignitaires de Tunis, des commandants de l’armée et fut intronisé 15e bey issu de la dynastie husseïnite. Etait également présent à cette cérémonie, Stephen Pichon, le résident général qui, au nom de la France, avait, lui aussi, prêté le serment d’allégeance au nouveau bey tout en le décorant de l’insigne d’honneur française première catégorie.

Avec l’instauration du Protectorat français imposé le 12 mai 1881 au Bardo et entériné par la Convention de La Marsa le 8 juin 1883, deux types de souverains se distinguaient : le souverain soumis (le cas de Ali Pacha Bey III, voir La Presse du 22/9/24) et le souverain nationaliste qui veut s’affirmer aux dépens des responsables coloniaux et se comporte en tant que véritable chef du pays. C’était bien le cas de Mohamed El Hedi Pacha Bey qui s’est fait empoisonner par les autorités françaises.

Mohamed Enasser Pacha Bey se classe plutôt dans la catégorie des souverains nationalistes. En effet, le début de son règne s’était illustré par la nomination de quelques députés tunisiens au conseil de la «choura», dont le rôle consistait à valider le budget de l’Etat tunisien, préalablement établi par les services relevant du ministère français des Affaires étrangères. Auparavant, ce conseil regroupait uniquement des députés français.

L’état civil

Un autre fait à caractère civil et administratif avait pris forme lors du règne de ce bey. Il s’agit de l’établissement dès 1909 de l’état civil pour l’enregistrement des naissances et des décès auprès de la municipalité de Tunis (délivrance du bulletin de naissance et des extraits de décès). Ce nouveau mode administratif s’était généralisé par la suite sur tout le territoire du royaume.

Le revers de la colonisation de la Libye

En 1911, les forces italiennes avaient colonisé les villes côtières de la Libye. L’agressivité coloniale, dont ont fait montre les forces italiennes envahissant la Libye, régence ottomane, avait été mal vue à Tunis. Les habitants ont sympathisé en masse et se sont mobilisés pour défendre la cause de leurs frères libyens. Cette solidarité pour la cause libyenne avait, par ailleurs, eu un impact néfaste sur les relations internes entre les Tunisiens et les ressortissants italiens. En effet, la situation a dégénéré et plusieurs confrontations de différents degrés ont eu lieu.

La bataille du Djellaz

En 1911, la situation a empiré quand le conseil municipal de Tunis avait décidé un enregistrement de l’appropriation du cimetière du Djellaz. En effet, le 7 novembre 1911 fut une journée noire où des centaines de citoyens s’étaient révoltés contre l’éventuel enregistrement du cimetière en question. Une émeute populaire fut alors déclenchée devant le cimetière et il avait fallu l’intervention de la police pour mater le soulèvement. Plusieurs manifestants avaient lancé des pierres contre les forces de l’ordre, qui, à leur tour, ont riposté violemment par l’usage des armes à feu.

Le bilan a été relativement lourd en perte de vies humaines et de blessés. Les autorités avaient en fin de compte décrété l’état de siège, plusieurs manifestants ont été jugés et condamnés à mort, d’autres ont été soit emprisonnés, soit déportés.

Retombées de la Première Guerre mondiale

En 1914, à peine les effets de la colonisation italienne de Tripoli commençaient à s’estomper que la Première guerre mondiale se déclara. C’était au mois d’août 1914. Le royaume de Tunisie s’était placé du côté des alliés et avait participé à cette guerre en envoyant au front un nombre impressionnant de soldats. 12.000 Tunisiens furent massacrés.

La révolte de Khelifa Ben Asker

Durant cette guerre, plus précisément en août 1915, éclata, au sud-est du pays, la révolte de Khelifa Ben Asker qui avait réussi à regrouper autour de lui un nombre impressionnant de combattants libyens. Ceux-ci avaient pu s’emparer des centres militaires de Dhehibt, Ténine et Om Souik, ainsi que les centres militaires du sud, tels que Bik Kessira et Remada.

Cette révolte a été matée en fin ce compte par les troupes militaires qui avaient réussi à poursuivre et chasser Khelifa Ben Asker. Les centres militaires ont été, par la suite, récupérés. Tous les partisans de Ben Asker ont été exécutés.

Création du premier ministère tunisien de la Justice

En avril 1921 a été créée une nouvelle institution juridique, il s’agit du ministère tunisien de la Justice ayant pour fonction fondamentale de veiller à la séparation des pouvoirs.

Plusieurs tribunaux ont été implantés dans différentes régions du territoire tunisien. Taher Pacha Kheireddine, le fils de l’ex-grand vizir Kheireddine Pacha, a été nommé à la tête du nouveau ministère.

Ainsi, avec cette nouvelle nomination, le nombre de ministres tunisiens dans ce gouvernement mixte passait de deux à trois ministres soit : le ministre de la Plume et de la Concertation, le grand vizir et le ministre de la Justice.

Litige entre la cour beylicale et la résidence générale

Au départ, un différend d’ordre politique opposa, en avril 1922, le bey au gouvernement français. Ce différend a pris de l’ampleur quand Mohamed Ennasser Pacha Bey menaça, le 5 avril 1922, la résidence générale de déserter le trône au cas où l’ambassade de France refuse de publier un démenti concernant des divulgations erronées parues dans un journal de la place dont l’auteur est un journaliste français au nom de Dimasyar et au cas où le gouvernement français ne répondrait pas positivement aux doléances formulées par le parti destourien lors de sa création en 1920.

Tous les princes de la famille husseïnite se sont rangés du côté du bey. Ils avaient signé une pétition, un genre d’engagement sur l’honneur, qu’aucun d’entre eux n’occupera le trône en cas de vacance ou désistement.

Cette crise a été sciemment ménagée par le résident général Lucien Saint, qui avait promis au bey de se pencher sérieusement sur les doléances du parti destourien juste après la visite du président français qui devrait être effectuée au royaume de Tunisie en mai 1922.

Visite du chef d’Etat français

Effectivement, au cours du mois de mai 1922 et juste après le dénouement de la crise politique signalée précédemment, Alexandre Millerand, président de la République française, avait rendu une visite de courtoisie à sa majesté Mohamed Ennasser Pacha Bey qui l’avait reçu avec tous les honneurs dus à un grand chef d’Etat. Cette visite entrait dans le cadre de la consolidation du rapport d’amitié entre le pays protecteur et le royaume.

Source
«L’histoire de Tunisie» de Hassen Hosni Abdelwaheb
«L’héritage du trône chez les Husseïnites» de Mohamed Salah Mzali

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