Esquisse | Aroua, et c’est tout !

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Après avoir esquissé le profil de la seule Tunisienne à avoir porté un prénom, Monnica, qui s’est étendu aux cinq continents sous diverses formes (Monica, Monika, Monique), faisons cette semaine connaissance avec cette autre qui est célèbre par son seul prénom. C’est un acte majeur, un contrat de mariage, pour tout dire, qui est devenu associé à son prénom, le fameux « Contrat kairouanais ». De quoi s’agit-il ?

Au début du VIII° siècle, une lutte acharnée pour le pouvoir opposait les Omeyyades, possesseurs du califat installé à Damas, à des rivaux qui, plus tard, s’érigeront à Bagdad en dynastie, celle des Abbassides. Auparavant, vers l’an 762, celui qui n’était encore qu’un prétendant abbasside au califat, Abou Jaâfar Mansour, poursuivi par les agents du pouvoir à Damas, vint en Ifriqiya chercher refuge auprès du beau-père d’un cousin à lui qui était décédé, laissant derrière lui une veuve appelée Aroua. Celle-ci, fille d’un notable marié à une Amazigh, était d’une grande beauté et dotée d’une intelligence remarquable. Subjugué par la distinction de son hôtesse, al-Mansour demanda sa main au père. Lorsque celui-ci s’en ouvrit à sa fille, elle mit à cette demande une condition rédhibitoire : que le prétendant s’engage dans le contrat de mariage à ne jamais prendre une autre épouse ou une concubine ; dans le cas contraire, elle s’autoriserait à demander le divorce et des indemnités. Ce que le futur deuxième calife abbasside s’engagea à respecter. Ainsi est né le fameux « Contrat kairouanais » qui, par la suite, eut cours tant à Kairouan qu’en bien d’autres endroits en terre d’islam.

Parmi la descendance d’Aroua, son fils, al-Mahdi (744-785), troisième calife abbasside, qui succéda à son père al-Mansour en 775 et régna pendant dix ans, période considérée comme marquant le début de l’âge d’or de la civilisation islamique au cours de laquelle il se distingua par le lancement de la grande entreprise de traduction des auteurs grecs anciens en arabe.

La petite-fille de  Aroua, Zoubeida bint Jaâfar, a épousé le grand Haroun er-Rachid en 781 et lui a donné le futur calife al-Amine.

Pour avoir été l’ancêtre de toute la lignée venue après er-Rachid (y compris al-Amine et al-Ma’moun», Aroua a été surnommée « la mère des califes», un titre de gloire s’il en fût, mais qui n’éclipsera pas la brèche que cette digne descendante de ses aïeux amazighes a ouverte dans la législation islamique pour fonder dans la charia, douze siècles plus tard, la monogamie proclamée par le Code du statut personnel tunisien.

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