Ligne d’or: Nudge, ou l’art de guider sans imposer

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En 2017, l’économiste américain Richard H. Thaler, professeur à l’université de Chicago, obtient le «prix Nobel» d’économie pour ses travaux en économie comportementale. Parmi les théories développées Thaler, la méthode du Nudge, littéralement «coup de coude» ou «pousser doucement», en anglais. «Le Nudge est en fait une méthode d’influence destinée à agir sur le processus de prise de décisions d’individus ou de groupes. Il mobilise la suggestion et la motivation plutôt que la contrainte et le contrôle, tout en protégeant la liberté de choix», explique la revue de gestion (publication canadienne).

La méthode Nudge repose sur le fait que les gens ne prennent pas toujours des décisions rationnelles, contrairement à ce que l’on pourrait espérer ou exiger en milieu professionnel. Nous sommes forcément influencés par des habitudes, des émotions et le contexte dans lequel nous prenons nos décisions. Le Nudge utilise cette compréhension pour orienter les comportements de manière bénéfique.

Prenons un exemple simple. Dans votre entreprise, vous souhaitez encourager la réduction de l’impression papier au bureau. Eh bien la solution la plus intuitive serait d’imposer des quotas d’impression ou interdire certaines impressions. Seulement voilà, l’option «Nudge» (prouvée par des études comportementales) suggère qu’on obtiendrait de meilleurs résultats si on optait pour la tactique suivante : modifier les paramètres par défaut des imprimantes pour que l’impression se fasse automatiquement en recto-verso et en noir et blanc au lieu de couleur. De plus, un message s’affiche à l’écran avant d’imprimer pour rappeler aux employés : « Avez-vous vraiment besoin d’imprimer ce document ?».

Pourquoi ça marche ? Tout simplement, les gens ne veulent pas faire un effort supplémentaire et se contentent généralement de l’option par défaut, plus écologique. Par ailleurs, le message avant l’impression agit comme une petite incitation à réfléchir si l’impression est vraiment nécessaire.

En appliquant la méthode mise en place par ce prix Nobel, on réduit ses coûts d’impression et son empreinte écologique sans imposer de règles strictes ou sans pénaliser les employés, qui restent en théorie maîtres de leurs choix.

Le «Nudge» peut aussi bien fonctionner en entreprise que dans les politiques publiques. À titre d’exemple, informer les gens que leurs voisins consomment moins d’énergie qu’eux peut les pousser à réduire leur propre consommation. Dans certains pays, les citoyens sont automatiquement inscrits comme donneurs d’organes (avec la possibilité de se désinscrire), ce qui augmente les dons sans, finalement, forcer qui que ce soit.

Et parce qu’on termine généralement cette chronique par un exemple d’entreprise qui a opté pour cette option, British Airways, la compagnie aérienne britannique, qui voulait réduire sa consommation de carburant pour faire face aux enjeux financiers et écologiques, n’a rien ordonné ou imposé aux pilotes. La compagnie a choisi une voie subtile, inspirée de la méthode Nudge. Chaque mois, des rapports personnalisés ont été transmis aux pilotes. Ils y découvraient où ils se situaient par rapport à leurs collègues, dans une comparaison rendue anonyme. Le même rapport suggérait enfin quelques astuces : couper les moteurs plus tôt après l’atterrissage, ajuster les trajectoires, et voilà que l’incitation se glisse là où l’imposition aurait échoué. Le résultat ? Une baisse notable de la consommation de carburant, juste à travers un ajustement presque imperceptible des comportements.

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