«Macron bafoue le droit international», «une visite sur le dos du peuple sahraoui» : la presse algérienne n’a pas ménagé le locataire de l’Élysée, en critiquant avec «virulence» sa visite d’État à Rabat ainsi que son soutien appuyé à «la souveraineté marocaine» sur le Sahara occidental.
SYNTHÈSE — Sous le titre «Macron bafoue le droit international», le quotidien francophone El Watan a rappelé que le soutien renforcé, annoncé fin juillet par Paris à un plan d’autonomie du territoire proposé par Rabat «n’est pas passé sans conséquence en Algérie, provoquant une profonde crise entre les deux pays».
Pour El Watan, avec son discours devant le Parlement marocain mardi où il a estimé que «le présent et l’avenir» du territoire «s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», «Macron en remet une couche…au risque de sectionner définitivement le fil d’Ariane qui le retient encore à Alger».
El Watan a rappelé qu’Alger a retiré «avec effet immédiat» son ambassadeur à Paris dès l’annonce française de fin juillet, dénoncée par l’Algérie comme contribuant à «consolider le fait accompli colonial (marocain) dans ce territoire».
«Marché de dupes»
Le quotidien a cité des représentants saharaouis insistant sur la tenue d’un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, décidé lors d’un cessez-le-feu en 1991 mais jamais organisé.
Pour le site d’information TSA, le rapprochement entre la France et le Maroc «s’est fait sur le dos du peuple sahraoui et sous l’impulsion des lobbies français hostiles à l’Algérie».
Toutefois, pour ce média francophone, en contrepartie du soutien apporté au Maroc, M. Macron «devra repartir les valises presque vides» et il s’agit d’un «marché de dupes» car la position française sur le Sahara occidental est «symbolique, sans aucune valeur juridique».
«La récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne annulant les accords agricoles et de pêche entre le Maroc et l’UE est venue rappeler à tous que la +souveraineté+ sur les territoires, ce ne sont pas les Etats qui la décrètent».
«Quant au Maroc, ce n’est pas lui faire injure de dire qu’il n’a pas grand-chose à offrir» à la France car «le royaume n’est ni un marché de consommation ni un Eldorado pour les entreprises françaises», selon TSA.
Pour le quotidien arabophone Ecchorouk, proche du pouvoir, de «tous les objectifs que Macron a construits dans ses relations avec Alger, aucun n’a été atteint».
Et «malgré les tentatives de rapprochement du président français avec l’Algérie depuis 2020 (…) Paris continue de perdre les quelques intérêts économiques qui lui restent».
«Vous voulez qu’on soit amis, venez nettoyer les sites des essais nucléaires»
Il est à rappeler que le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait déjà écarté lors d’un entretien télévisé l’idée d’une visite en France, qu’il a jugée humiliante dans le contexte de relations de nouveau très tendues entre les deux pays.
On demande «la vérité historique», a martelé le président algérien, accusant une «minorité haineuse» en France de bloquer toute avancée sur le dossier mémoriel.
Abordant la question des essais nucléaires français en Algérie, le président Tebboune a lancé à la France: «Vous voulez qu’on soit amis, venez nettoyer les sites des essais nucléaires».
Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 17 essais nucléaires sur plusieurs sites dans le Sahara algérien. Des documents déclassifiés en 2013 ont révélé des retombées radioactives encore importantes, s’étendant de l’Afrique de l’Ouest au sud de l’Europe.
Le président Tebboune avait aussi évoqué l’accord franco-algérien de 1968 qui octroie un statut particulier aux Algériens en matière de droits de circulation, séjour et emploi en France. C’est devenu un «étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes» de droite en France, qui cherchent à l’abroger, a-t-il estimé.
L’accord de 1968
En décembre 2023, l’Assemblée nationale française avait rejeté un texte demandant aux autorités françaises de dénoncer l’accord.
Signé en 1968, alors que la France avait besoin de bras pour son économie, l’accord écarte les Algériens du droit commun en matière d’immigration. Ils n’ont, depuis, pas de carte de séjour en France mais des «certificats de résidence».
Ils peuvent s’établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante et ils accèdent plus rapidement que les ressortissants d’autres pays à un titre de séjour de dix ans.
La Presse de Tunisie avec agences et médias