Lors d’une cérémonie réunissant des artisans, des représentants gouvernementaux et des partenaires internationaux, la marque collective « Ragma » a été officiellement lancée le 07 novembre 2024 à Toujen, petite ville située dans le gouvernorat de Tataouine.
Ce nouveau lancement vise à valoriser le tissage traditionnel de cette ville en utilisant les outils de la propriété intellectuelle, afin de protéger le savoir-faire ancestral des artisans locaux, tout en ouvrant de nouvelles opportunités économiques et en alliant innovation et préservation des traditions.
Le projet, soutenu par l’Ambassade des États-Unis et financé par le programme Action Collaborative pour les Exportations de l’Artisanat (Acea), met en lumière l’importance de l’innovation dans la préservation du patrimoine.
Avec un budget de 6,4 millions de dollars, l’Acea œuvre depuis 2021 pour dynamiser les secteurs clés de l’artisanat tunisien, parmi lesquels le tissage traditionnel de Toujen. Ce dernier, réputé pour ses motifs complexes et sa technique transmise de génération en génération, fait aujourd’hui l’objet d’une mise en valeur au niveau mondial.
Projet alliant tradition et innovation
Le lancement de « Ragma » ne se résume pas à la simple création d’une marque. Il s’agit d’un véritable levier pour l’exportation et le développement économique de la région. Selon Zied Dekhil, représentant de l’Office national de l’artisanat tunisien (Onat), cette initiative repose sur le principe du clustering. En regroupant les artisans sous une même bannière, elle permet de renforcer la compétitivité de leurs produits, d’améliorer la qualité, et d’optimiser les coûts de production tout en répondant aux exigences du marché international.
« Ce projet n’est pas seulement une réponse aux besoins économiques locaux, mais aussi un moyen d’exporter une identité culturelle unique », a-t-il précisé, dans une déclaration accordée à La Presse.
En effet, grâce à l’enregistrement de la marque, les produits issus de Toujen sont désormais protégés, assurant ainsi leur authenticité sur les marchés mondiaux. Cette protection permet aux créations de se distinguer, non seulement par leur qualité, mais aussi par leur ancrage culturel.
Par ailleurs, le tissage de Toujen n’est pas seulement une technique artisanale, il est le reflet d’une histoire et d’une culture qui s’étend au-delà des frontières tunisiennes, touchant également le sud de l’Algérie et de la Libye.
Haifa Ben Saoud, Directrice de portfolio chez FHI 360, a souligné l’importance de cette dimension régionale en expliquant que la marque « Ragma » permet de préserver l’authenticité des produits tout en les positionnant sur des marchés internationaux. Elle a également évoqué la mise en place d’une stratégie de communication digitale pour accroître la notoriété de la marque à l’échelle mondiale, notamment via les réseaux sociaux et les plateformes en ligne.
Les artisans de Toujen ont d’ailleurs eu l’opportunité de présenter leurs créations lors de la foire internationale New York Now en été 2024, une occasion unique pour les faire connaître au marché américain et au-delà. Ces événements sont cruciaux pour élargir la visibilité des produits tunisiens et accroître leur rayonnement international.
Un pont entre tradition et innovation
Le projet « Ragma » s’inscrit dans une dynamique plus large de valorisation de l’artisanat tunisien, impliquant des entreprises locales telles que Wikipam (huiles essentielles), Barrama (poterie) et Oleart (bois d’olivier). Ensemble, ces acteurs collaborent pour renforcer la chaîne de valeur artisanale en Tunisie, améliorer les conditions de travail des artisans et développer une économie locale durable.
Ce partenariat multisectoriel offre aux créateurs une plateforme pour améliorer leur visibilité, mais aussi pour répondre à une demande mondiale croissante de produits artisanaux authentiques. Au-delà de la préservation du patrimoine, la marque « Ragma » génère ainsi des opportunités économiques concrètes : création d’emplois, hausse des revenus et stimulation du tourisme culturel dans la région.
Ainsi, plus qu’une simple marque, « Ragma » symbolise un pont entre tradition et innovation. En impliquant plus de 50 artisans, designers, et institutions publiques et privées, le projet cherche à moderniser les produits tout en respectant l’esprit originel du tissage de Toujen. L’objectif est de répondre aux exigences des marchés internationaux, tout en restant fidèle à l’héritage amazigh qui fait la spécificité de ce savoir-faire ancestral.
La protection de la propriété intellectuelle des créations est un des grands atouts de ce projet. Elle garantit l’authenticité des produits, renforçant ainsi leur attractivité sur les marchés internationaux. Bien que récent, le projet suscite déjà un vif intérêt, et nous pouvons s’attendre à une forte croissance de la demande pour ces pièces uniques, emblématiques de la culture tunisienne.
Et en alliant préservation du patrimoine et développement économique, le projet « Ragma » ouvre de nouvelles perspectives pour l’artisanat tunisien. Il démontre que la tradition peut se conjuguer avec l’innovation pour répondre aux défis économiques modernes. Si cette dynamique s’étend à d’autres régions de Tunisie, elle pourrait permettre à l’artisanat tunisien de se faire une place encore plus grande sur la scène internationale.