Un communiqué du ministère de l’Education, en date du 12 novembre 2024, est venu rappeler les dispositions réglementaires strictes en matière de cours particuliers ou de soutien. Devant la propagation du phénomène, les parents ont commencé à sentir le poids des sacrifices consentis pour assurer un enseignement d’appoint à leurs progénitures.
Comme il est énoncé dans le décret gouvernemental n° 2015-1619 du 30 octobre 2015, fixant les conditions d’organisation des leçons de soutien et des cours particuliers au sein des établissements éducatifs publics, le phénomène est loin de s’atténuer.
Aveu d’échec ?
On a beau rappeler les dispositions réglementaires en vigueur, rien n’y fait. Alors que tout est clair devant toutes les parties concernées, on assiste chaque année à une amplification de ce fléau. Ce rappel à l’ordre émanant du ministère de l’Education va-t-il avoir l’impact escompté ou sera t-il ignoré royalement comme d’habitude ? En publiant ledit communiqué, le ministère a-t-il le moindre espoir que les enseignants concernés en tiendront compte ?
Cela fait des années que l’on essaie de gérer la situation, sans parvenir à des résultats tangibles. Pire: cela ne fait que s’aggraver. Il est vrai que de nombreux ministres avaient promis d’y mettre un terme de façon définitive. On a même parlé de déclarer la guerre aux cours particuliers en dehors des établissements scolaires. Personne n’a réussi. On se demande alors pourquoi.
Pour comprendre, il est important de noter que l’institution éducative n’est plus en mesure de remplir pleinement la tâche qui était la sienne. D’aucuns estiment qu’elle n’est plus capable d’encadrer, d’éduquer ou de dispenser ce savoir comme il se doit. Ajoutons à cela les nombreuses grèves et les boycotts des cours lors des dernières années. De ce fait, le niveau des élèves s’en est ressenti. D’où l’orientation des parents vers la voie de ces séances de cours complémentaires.
Commerce lucratif !
Pendant ce temps, les autorités n’ont pas réussi à trouver la parade en rétablissant la crédibilité perdue de l’institution éducative publique. C’est alors la course infernale à la recherche d’une issue favorable. Profitant de l’aubaine, certains enseignants du primaire et du secondaire en ont profité pour en faire un commerce très lucratif aux dépens du rendement dans leurs classes. Aussi, assiste-t-on, actuellement, à l’existence d’un enseignement parallèle qui est en train de marcher sur les plates-bandes de l’enseignement public gratuit.
Et c’est à leur corps défendant que les parents se voient entraînés dans le mouvement. Quand on voit les retombées économiques de ce “commerce”, on comprend vite l’enjeu. En effet, on estime à plus de 1.000 milliards de nos millimes les bénéfices engrangés par ces cours particuliers.
Une grande majorité des élèves les suivent de façon régulière du primaire jusqu’au bac. Les frais d’inscription à ces cours sont de plus en plus élevés et touchent jusqu’à 80% des élèves dans les classes terminales. Même l’éducation sportive n’échappe pas à la nouvelle mode. Notamment à l’approche des épreuves d’Eps pour les candidats au bac. Des sommes conséquentes sont dépensées à cet effet. Les séances vont de 50 à 70 D. Dans certaines salles de sport, les tarifs sont encore plus élevés en raison des équipements mis à la disposition des élèves. Pour ce qui est des cours dans les différents autres niveaux de l’enseignement, les tarifs varient selon la matière, la “réputation” du prof ou de l’instituteur, de la région et de la situation économique des familles.
Tarifs élevés
Il y a plusieurs variables qui entrent en jeu et déterminent, par conséquent, les prix des séances. Celles-ci sont, généralement, au nombre de 4. Si nous prenons l’exemple d’un professeur de physique-chimie, il faut compter entre 80 et 120 D les 4 séances. Cela dépend du niveau des élèves. C’est presque le même tarif pour un prof de maths. S’agissant des autres matières comme les sciences, l’arabe ou le français, les tarifs sont plus “cléments”. Ils oscillent entre 40, 50 ou 60 D selon les niveaux. On voit donc qu’il s’agit d’une charge de plus pour les familles tunisiennes qui croyaient avoir inscrit leurs enfants dans une école publique gratuite, mais qui s’aperçoivent qu’en fait, ils dépensent des sommes énormes rien que pour leur assurer un minimum de connaissances.
Devant cette nouvelle (ancienne ?) donne qui ne cesse de prendre des proportions alarmantes, le ministère était contraint, une fois encore, de sortir le carton jaune. Serait-ce suffisant ? En tout cas, on ne voit pas quels sont les moyens dont il dispose pour mettre en œuvre ces mesures.
Le premier outil pratique n’est autre que celui prôné par l’article 1 du décret gouvernemental n° 1619-2005. Ce dernier “fixe les conditions d’organisation des leçons de soutien et des cours particuliers au sein des établissements éducatifs publics, afin d’assurer la réalisation des objectifs éducatifs de ces leçons et dans le but d’aider l’élève à renforcer ses capacités cognitives et de consolider ses acquis et d’améliorer sa formation”. Or, ce type de cours de soutien n’est mis en œuvre qu’au niveau des écoles primaires. Il est rare dans les autres niveaux. Les enseignants n’ont pas tendance à se bousculer au portillon pour l’assurer. Les tarifs sont jugés trop “faibles” et trop contraignants (entre 30 et 45 D). Il y a, aussi, les prélèvements opérés au profit des responsables qui vont superviser l’opération ainsi que la part destinée à l’Organisation tunisienne de l’éducation et de la famille. Travailler en dehors de ce cadre est, assurément, plus rentable. De plus, les élèves n’adhèrent pas à ces cours et préfèrent faire leurs propres choix de l’enseignant. En un mot, ils fuient le cadre et l’environnement scolaire peu attrayants.
Sanctions
Des leçons de soutien sont organisées au sein des établissements éducatifs publics et en dehors de l’emploi du temps des élèves, lesdites leçons sont gratuites. C’est ce que stipule l’article 4 du chapitre II du décret gouvernemental sus- mentionné. Il est regrettable que tout cela n’existe que sur le papier. Dans les faits, c’est une autre paire de manches. Bien que tout soit clair, on ne s’explique pas pourquoi on n’a pas encore obtenu de vrais résultats. On sait (et c’est ce que veut souligner le ministère de l’Education) que l’organisation des cours particuliers au sein des établissements scolaires publics obéit aux dispositions de l’article 7 du chapitre II. Ce dernier précise qu’ «il est strictement interdit aux enseignants exerçant dans les différents établissements éducatifs publics relevant du ministère de l’Education d’exercer l’activité d’organisation des cours particuliers en dehors des établissements éducatifs publics».
Des sanctions sont prévues à l’encontre de tous les contrevenants. C’est ce que précise l’article 12 du chapitre IV du décret gouvernemental : “Outre le retrait de l’autorisation, toute infraction aux dispositions du décret gouvernemental entraîne, le cas échéant, l’application des sanctions disciplinaires et pénales prévues par la législation et les réglementations en vigueur.” L’article 13 ajoute que l’exercice de l’activité d’organisation des cours particuliers en dehors des établissements éducatifs publics entraîne la sanction disciplinaire du deuxième degré. En cas de récidive, la sanction de révocation peut être infligée à l’auteur de l’infraction.
Or, les élèves et leurs parents optent pour le côté pratique. Malgré les tarifs très élevés pratiqués par les profs qui donnent des cours particuliers à titre privé, c’est ce que la plupart des gens choisissent. Cela s’explique par la proximité du domicile ou par la flexibilité des horaires.