L’amour, la jalousie, la solitude, thèmes basiques de ce psychodrame porté par trois formidables comédiens pleins d’énergie, particulièrement Jamel Madani dont le rôle est taillé sur mesure.
« MhayerSika » marque le retour après plusieurs années d’absence du grand comédien et metteur en scène Béchir Drissi, dont le large public se souvient de sa prestation dans la pièce « Maréchal Ammar » de Ali Ben Ayed et que la télévision tunisienne continue de diffuser à chaque occasion. Mais Béchir Drissi n’est pas qu’un brillant comédien, il est aussi un metteur en scène fort talentueux qui a signé plusieurs pièces dont « Le manteau » d’après le texte de Gogol. Aujourd’hui, il revient avec « MhayerSika », psychodrame dont il a écrit le texte il y a quelques années. Dans ce texte simple et efficace, il brode sur le thème du triangle amoureux qui prend forme dans une mise en scène sobre et astucieuse du début à la fin. La pièce hors compétition a été présentée au Mondial dans le cadre de la 25e édition des Journées théâtrales de Carthage. Le décor se résume en un canapé, deux grands coffres et des livres éparpillés çà et là sur la scène. L’histoire est saisissante par sa simplicité. Un vieux prof acariâtre, divorcé, alcoolique et solitaire, vit avec une jeune femme, Safia, dont il est amoureux. Son disciple est lui aussi amoureux de la même femme. Mais cette dernière a des penchants pour le prof. Une situation qui engendre rivalité entre les deux hommes. Un affrontement se produit entre eux. Le jeune disciple accuse son prof de mensonges. Le prof lui répond par les vers de « Kalimets » de Mnawer Smadeh. Entre amour, désir, rejet ou peur d’abandon qui apprivoisera le cœur de Safia ? Dans ce triangle amoureux, il y a un vainqueur mais lequel ? Est-ce le vieux prof grincheux qui passe son temps à ruminer son existence ou le jeune disciple qui a les pieds sur terre et pense à l’avenir ? Entre fiction et réalité, les cœurs s’emballent et Safia doit choisir entre le cœur et la raison.
Les comédiens jouent leur partition avec pétillance et profondeur. Ils sont crédibles et convaincants. Jamel Madani avec sa voix rugueuse, dont le talent n’est plus à démontrer, est tout à fait bluffant. Il est ce monstre froid qui craquelle de l’intérieur. Face à lui, Slim Dhib, acteur au talent incontestable et au jeu aéré, qui, grâce à sa jeunesse et sa fougue, n’abandonnera pas la partie. Il continue à s’accrocher. La comédienne Fatma Abada incarne une femme à la fois forte et vulnérable hésitant dans ses sentiments entre les deux hommes.
Dans ce « Mhayer Sika », le charme opère grâce à la qualité du texte et de la mise en scène qui traite du rapport de force et de domination entre deux amoureux de la même femme. Un beau moment de théâtre sur les relations sentimentales et leur complexité.