« Pour pouvoir rivaliser avec ses concurrents, la Tunisie doit garder un œil sur ses compétiteurs, analyser les tendances du secteur, mais aussi l’évolution des parts de marché… », a souligné l’ancien ministre du Tourisme, Slim Tlatli.
Plusieurs experts et spécialistes considèrent que le développement du tourisme dans le pourtour méditerranéen nécessite une coopération plus approfondie et plus renforcée non seulement entre les deux rives de la Méditerranée, mais aussi entre les pays sud du bassin. Cette coopération ne devrait en aucun cas annuler la compétition et la concurrence qui existent déjà entre les diverses destinations qui attirent des millions de touristes chaque année.
C’est dans le contexte méditerranéen que le concept de coopétition prend tout son sens. «Peter Drucker est le premier qui a parlé de coopération avec le concept de coopétition qui veut dire coopération-compétition. On peut coopérer tout en étant en compétition», a expliqué, à cet égard, l’ancien ministre du Tourisme, Slim Tlatli, dans une déclaration accordée à La Presse.
La coopération ne fera pas de l’ombre à la concurrence
L’équation est, en effet, simple : on coopère pour faire face à des défis communs, tels que la pollution, l’adaptation au réchauffement climatique, tout en rallumant la flamme de la concurrence, un élément essentiel qui permet à chaque destination de se démarquer grâce à ses atouts.
«Les défis dans le bassin méditerranéen sont communs et partagés. Aujourd’hui par exemple, il n’est pas judicieux que chaque pays traite seul, la question de la pollution de l’espace balnéaire, cela n’a aucun sens. Il faut que tous les pays coopèrent. Il y a, également, des défis communs liés à la hausse des températures et son impact sur l’élévation du niveau de la mer. C’est un fait aujourd’hui, on va perdre des mètres du littoral d’ici quelques années. Ces problèmes nécessitent des solutions qui ne peuvent être que globales, en coopération avec l’ensemble des pays des rives nord et sud de la Méditerranée», a ajouté le spécialiste.
Selon ses dires, cette coopération ne fera pas de l’ombre à la concurrence, car chaque destination « devrait se battre pour trouver les éléments différenciateurs qui vont lui permettre d’attirer plus de touristes ».
L’expert en tourisme a indiqué que, pour pouvoir rivaliser avec ses concurrents, la Tunisie doit disposer de plusieurs éléments et facteurs, dont notamment l’analyse stratégique. «On manque beaucoup de data», fait-il savoir. En effet, la veille stratégique permet à la destination de garder un œil sur ses compétiteurs, et ce, en analysant les tendances du marché, l’évolution des parts de marché dans ce même espace… Cette démarche est, selon l’expert, importante car elle permet de travailler sur les atouts de la destination.
« Les quelques chiffres dont nous disposons, notamment relatifs à l’évolution des recettes touristiques, ne nous font pas avancer. On ne sait pas où va le monde. Il faut faire de la veille stratégique. On n’en fait pas suffisamment. Il faut voir ce que font les destinations avec lesquelles nous sommes en compétition, quelles sont les nouvelles tendances, où va le monde… », a ajouté Tlatli.
« Participer à des foires ne sert plus à rien ! »
Par ailleurs, l’ancien ministre a indiqué que la Tunisie dispose de plusieurs atouts qui lui permettent de se différencier. « Aujourd’hui, il faut observer les attentes des consommateurs et tracer la voie pour un nouveau positionnement. Car le positionnement, qui se base sur la diversification de l’offre, se prépare et prend du temps. Le touriste d’aujourd’hui n’est absolument pas celui qu’on a connu il y a 30 ou 40 ans. Il a totalement changé, sa façon de consommer, de voyager… Ses attentes ont aussi changé et il faut analyser et comprendre cela », a-t-il poursuivi.
Tlatli a, dans ce contexte, ajouté que de nouvelles stratégies marketing basées sur le digital et les réseaux sociaux jouent, aujourd’hui, un rôle déterminant dans la promotion des destinations, considérant l’intégration de ces nouvelles méthodes dans la stratégie du ministère comme un point positif. «Participer à des foires ne sert plus à rien. Huit consommateurs sur dix choisissent leur destination de voyage sur le web. Donc, il est important de se faire une place sur le web », a-t-il affirmé. Il a, en outre, ajouté que la durabilité, le respect de l’environnement… font désormais partie des nouvelles attentes du voyageur. « Il faut s’engouffrer dans cette voie du tourisme éco-responsable et, d’une manière générale, du tourisme inclusif », a-t-il commenté. Mais ce changement de cap au niveau des politiques engagées par les acteurs du tourisme nécessite souvent des investissements et des financements conséquents. Interrogé à ce sujet, Tlatli a répondu que le tourisme est considéré par le secteur bancaire comme étant un secteur à risque, en raison du poids des impayés qu’il traîne. Ainsi, le spécialiste estime que l’une des actions à entreprendre, c’est de régler le problème de l’endettement du secteur. Cette décision va inciter les banques à financer les nouvelles tendances et les nouveaux produits qui peuvent être considérés comme risqués. Et l’ancien ministre de conclure : « Par ailleurs, je pense qu’il nous faut de nouveaux outils de financement qui prennent en charge les risques liés à ces nouvelles orientations qui peuvent être importants ».