Accueil A la une JCC – Cinéma du monde «Les graines du figuier sauvage» de Mohammad Rassolof (Iran) Le prix de la liberté

JCC – Cinéma du monde «Les graines du figuier sauvage» de Mohammad Rassolof (Iran) Le prix de la liberté

Rassolof réussit à réaliser un film exceptionnel tant au niveau de la forme que du fond avec un scénario sobre et dépourvu de tout artifice comme souvent dans ses précédents films

S’inspirant du contexte de son pays, l’Iran, en proie à des émeutes relayées par de nombreuses vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux, Mohammad Rassolof raconte l’histoire d’une famille aisée de Téhéran qui va être secouée jusqu’à ses fondements par ces événements. Des slogans tels que «Femme, vie, liberté » ont fait le tour du monde, appuyés par des images répugnantes de la répression.

La narration est d’une forte intensité. Iman, père d’une famille, juge et complice du régime en place se heurte à ses deux filles adeptes des réseaux sociaux sous le regard d’arbitre de la mère. Les choses se gâtent lorsque l’arme du père disparaît mystérieusement, alors qu’une amie de l’aînée des filles est blessée lors d’une manifestation.

Pendant presque trois heures, le film prend progressivement, au fil du déroulement du récit, l’allure d’un thriller psychologique haletant et puissant. Avec quelques scènes seulement, le réalisateur réussit à réaliser un film exceptionnel tant au niveau de la forme que du fond. Comme souvent dans ses précédents films, le scénario est sobre et dépourvu de tout artifice permettant au spectateur de se concentrer sur les événements qui se produisent dans cette famille.

Iman est fraîchement nommé enquêteur au tribunal révolutionnaire, ce n’est qu’une étape pour qu’il devienne juge d’instruction. Mais il doit vite déchanter du fait qu’il se trouve contraint de signer des mandats d’exécution capitale sans avoir le temps d’étudier méticuleusement les dossiers. Sa nomination coïncide avec les protestations des femmes dans la rue. Un soulèvement qui crée le malaise et la panique chez les autorités qui répondent par de violentes répressions.

La mère et ses deux filles, l’une étudiante et l’autre lycéenne, vont subir les débordements violents et les accès de colère d’Iman qui vient de perdre son arme à feu, ce qui risque de lui coûter cher en perdant son emploi et pire en se retrouvant en prison. Ses filles découvrent à travers des vidéos filmées approximativement et diffusées sur les réseaux sociaux les manifestations des femmes qui sont traquées et matraquées par la police dans les rues de Téhéran au bord de l’embrasement.

Ces événements réels prennent de l’ampleur lors du décès de Mahsa Amini, étudiante arrêtée et battue à mort en septembre 2022 pour port de «vêtements indécents». Ce qui a ému le monde entier. Se basant sur ces incidents d’une actualité brûlante, Rassolof, pourchassé par le régime en place, tourne «Les graines du figuier sauvage » clandestinement. Le film présenté au festival de Cannes obtient le Prix spécial du jury.

Le ton est donné dès le premier plan rapproché qui montre les balles d’un revolver. Un début qui annonce déjà la fin tragique du film dont ce qui se passe dans la réalité affecte les relations entre les membres de cette famille, jusque-là unie, qui commence à se fissurer à cause des soupçons, des secrets, d’interrogatoires… Le père, craignant le pire de ce qui peut lui arriver en perdant son arme, se plie de plus en plus à l’ordre établi. Tandis que ses deux filles soutiennent le mouvement des femmes qui cherchent à se libérer. La mère, quant à elle, hésitant entre ses filles et son mari, essaie de ménager son mari et ses filles. De plus en plus agité à cause de la disparition inexpliquée de son arme, le père décide de quitter Téhéran pour s’installer avec sa famille dans sa maison de campagne, et c’est là que les événements prennent une autre tournure et l’histoire de basculer dans la violence.

Riche en métaphores, le film devient de plus en plus angoissant vers la fin où le suspense est à son paroxysme lorsque Iman, pris de folie, séquestre sa femme et ses filles. Ces dernières essaient de se libérer et c’est la plus jeune, symbole d’une jeunesse qui rêve de changement, qui délivre sa mère et sa sœur de la brutalité de ce père indigne. «Les graines du figuier sauvage» est une œuvre marquante et à forte teneur artistique.

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