En misant sur une conversion numérique réussie, en soutenant les médicaments locaux de qualité et en assurant une gestion optimale des ressources, la Tunisie est en mesure de retrouver son statut de leader régional.
Le ministre de la Santé, Mustapha Ferjani, a présidé une réunion stratégique le mercredi 18 décembre 2024, portant sur le développement du secteur pharmaceutique. Cette rencontre, qui a réuni les principaux acteurs du domaine, visait à identifier et lever les obstacles administratifs et financiers freinant la croissance de ce secteur essentiel, jadis fleuron de l’industrie nationale. Parmi les priorités évoquées, l’accélération de la publication des textes d’application réglementaires et le renforcement de la numérisation dans le cadre du programme stratégique « Seha » ( Santé ).
En outre et par décret n°657/2024 du 16 décembre 2024, publié au JORT n°153, Chokri Hamouda a été nommé président-directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT). Professeur hospitalo-universitaire et ancien directeur général de l’Instance nationale de l’évaluation et de l’accréditation en santé, il prend les rênes de cette institution cruciale dans un contexte de crise financière aiguë. Sa nomination veut marquer le début d’une série de réformes structurelles visant à renforcer la gouvernance et l’efficacité du secteur pharmaceutique.
Prévu pour entrer en vigueur en février 2025, le programme « Seha » constitue donc un pilier central des réformes. Il vise à instaurer un système durable et transparent d’approvisionnement en médicaments, tout en promouvant l’efficacité opérationnelle par le fait d’une numérisation massive des procédures. Ces innovations devront permettre une meilleure gestion des stocks et une traçabilité accrue des médicaments.
Redynamisation de l’industrie locale
Le ministre a souligné, à cette occasion, l’importance de mettre rapidement en œuvre les décisions adoptées lors du Conseil ministériel du 5 novembre 2024. Parmi ces décisions, la création d’un comité unifié chargé de fixer périodiquement les prix des médicaments, apparaît comme une mesure phare. Supervisée par l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé, cette structure inclura des représentants des ministères concernés, en vue de renforcer la transparence dans la fixation des prix. La réunion a également insisté sur l’importance d’accélérer les autorisations de mise sur le marché ; la fameuse (AMM). Cette démarche vise non seulement à renforcer l’autosuffisance nationale en médicaments essentiels, mais aussi à stimuler la compétitivité des industries locales. A cet effet, la promotion des médicaments génériques locaux est considérée comme un levier stratégique pour réduire les coûts et garantir une sécurité d’approvisionnement durable.
Des défis financiers persistants
De notoriété publique, la Pharmacie centrale de Tunisie fait face à une dette abyssale cumulée, de l’ordre de 1,1 milliard de dinars, partagée entre la CNAM et les hôpitaux publics. Ces retards de paiement, qui atteignent jusqu’à 13 mois envers les fournisseurs internationaux, ont directement menacé sa capacité à maintenir un approvisionnement constant. C’est ainsi que surviennent, de temps à autre, les pénuries de médicaments qui affectent le marché local et pénalisent les patients.
Parmi les mesures préconisées pour pallier ce déficit chronique, le gouvernement a alloué des ressources financières supplémentaires.
En outre, des réformes telles que la suppression de la subvention des médicaments ayant leurs produits équivalents localement et l’optimisation des stocks hospitaliers grâce à des outils numériques, sont en cours d’étude. Une collaboration renforcée avec la Cnam est également jugée cruciale pour assurer la régularité des paiements et éviter les emprunts bancaires, qui ont eu pour effet d’alourdir les charges financières.
Tolérance zéro face au détournement des médicaments
Autre fléau de taille qui gangrène le secteur pharmaceutique, les cas récurrents de détournement de médicaments perpétrés par le personnel médical et administratif, notamment ceux des établissements publics. Récemment, un fonctionnaire a été arrêté pour avoir falsifié un dossier médical afin de détourner des médicaments coûteux. Selon la Direction générale de la sécurité nationale, le suspect aurait utilisé le dossier d’un patient décédé depuis deux ans pour se procurer illégalement des médicaments. Cet énième scandale souligne encore une fois l’urgence de renforcer les systèmes de contrôle et d’adopter une gestion entièrement numérisée et traçable des stocks.
Une vision tournée vers l’avenir
La refonte globale se révèle ainsi indispensable pour mieux restaurer la stabilité et la performance du secteur pharmaceutique. Cela inclut une gouvernance renforcée pour garantir la transparence et une amélioration continue de la qualité des médicaments fabriqués en Tunisie. Cette critique récurrente selon laquelle certains médicaments locaux seraient de moindre qualité que leurs équivalents vendus dans les pays riches et développés, est une réalité qu’il faudra prendre au sérieux. Les efforts doivent également cibler le règlement des dettes accumulées par les caisses sociales et les hôpitaux publics.
En misant sur une conversion numérique réussie, en soutenant les médicaments locaux de qualité et en assurant une gestion optimale des ressources, le pays est en mesure de retrouver son statut de leader régional dans l’industrie pharmaceutique. Ces initiatives, associées à une gouvernance qui se veut désormais efficace, permettront de répondre aux besoins de la Tunisie, tout en réaffirmant son ambition légitime de se repositionner sur la scène régionale, et pourquoi pas, internationale.