Les analyses économiques de la conjoncture économique au terme du troisième trimestre de 2024, qui s’attèlent à étudier et à prévoir les fluctuations de l’économie nationale, ont fait ressortir le besoin crucial de réformes pour libérer le potentiel de croissance.
Si les performances de l’économie nationale en 2024, sont globalement satisfaisantes, malgré des chocs externes et internes successifs depuis des années, des réformes globales s’avèrent nécessaires pour renforcer les perspectives de croissance à moyen terme. Parmi ces chocs, notons la pandémie du Covid-19, qui a causé des dommages structurels à l’économie, la guerre en Ukraine, qui a provoqué une hausse des prix internationaux des hydrocarbures, mais a également entraîné un choc alimentaire mondial qui a alourdi le coût des importations, ainsi que les sécheresses récurrentes qui ont aggravé les pressions inflationnistes.
Les prévisions de clôture pour 2024 font ressortir aussi une multiplicité de défis et risques au niveau mondial et national en 2025. Ces derniers sont le résultat d’une interaction de conflits en cours, des incertitudes économiques et de grands changements technologiques et géopolitiques. Les guerres en Ukraine, à Gaza, au Liban… alimentent l’instabilité et fragilisent la sécurité mondiale. L’économie mondiale est en phase de ralentissement (3,2 % en 2025) en raison des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, de la montée des politiques industrielles, de la baisse de confiance des consommateurs des pays avancés et de l’anticipation d’une remontée de l’inflation. Le changement climatique est un autre vecteur de risque sous forme de raréfaction de ressources mondiales.
Détente relative du budget de l’Etat
À l’échelle nationale, et durant les neuf premiers mois de 2024, la croissance du PIB a connu une légère amélioration due au bon comportement du secteur agricole, alors qu’en dehors de l’agriculture, la croissance continue à se situer à un niveau faible. L’inflation, malgré une certaine détente, se situe encore à un niveau élevé et le taux de chômage augmente.
Selon les indicateurs publiés dans la note de la conjoncture économique trimestrielle du Forum Ibn Khaldoun pour le développement (Fikd), «la situation de la balance des paiements continue à s’améliorer sous l’effet du progrès de la situation de la balance commerciale et de l’augmentation des recettes touristiques, mais aux prix du ralentissement de la croissance et de la baisse de l’investissement qui reflètent notamment la baisse des indicateurs relatifs au climat des affaires et à la compétitivité de l’économie tunisienne».
Selon la même source, le budget de l’Etat a connu, de son côté, une détente relative, puisque l’équilibre du budget s’est traduit par un excédent, alors que les besoins de financement ont été couverts par un recours massif aux crédits intérieurs reflétant les difficultés de mobilisation des crédits extérieurs.
Les estimations issues des comptes nationaux trimestriels montrent que le Produit Intérieur Brut (PIB) en volume a enregistré une croissance au taux de 1.8 % sur un an au cours du troisième trimestre de l’année 2024. En rythme annuel, la croissance marque ainsi une nette amélioration comparativement à celui du deuxième trimestre de l’année 2024 (1.0 %). En glissement trimestriel, c’est-à-dire par rapport au deuxième trimestre de l’année en cours, le PIB en volume aura progressé de 0.8 %, contre une augmentation au taux de 0.2% au trimestre précédent. Sur cette base, l’économie tunisienne a enregistré une croissance de 1.0% au cours des neuf premiers mois de l’année en cours. Cette croissance a bénéficié du bon comportement de l’agriculture (10.6 %) et de la poursuite de la dynamique observée dans certaines activités des services (1.4%). En revanche, l’industrie accuse une baisse de la valeur ajoutée de 1.5% par rapport au troisième trimestre de 2023.
D’après l’analyse du Fikd, «l’évolution lente du rythme de croissance dans des secteurs clés est préoccupante. Elle s’explique en partie par le ralentissement de la croissance dans la zone euro et partant de la demande adressée à la Tunisie. Dans la zone euro, la croissance s’essoufflera et atteindra à peine 1 % en 2024 et 1,7 % en 2025». Elle s’explique, également, par des facteurs structurels, le recul de l’investissement et la faiblesse de la compétitivité de l’économie tunisienne.
Progression des IDE
Pour ce qui est de l’investissement, il continue de baisser malgré la relance des investissements directs étrangers (IDE). Ceci est corroboré par la baisse en volume des importations de biens d’équipement, la baisse des dépenses budgétaires allouées à l’investissement et l’évolution modérée des concours à l’économie (3.4 % au mois de mai 2024 contre 5.5 % en mai 2023). Toutefois, quelques signaux d’amélioration sont enregistrés au niveau de certains indicateurs relatifs à l’investissement résultant notamment de la dynamique observée au niveau des investissements des étrangers. Les investissements déclarés ont progressé, selon la dernière lettre de conjoncture de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii) du premier semestre, de 5,7 % atteignant un montant total d’investissement de 911 MD. Les IDE ont connu, de leur côté, une progression soutenue de 21,5 % au cours des neuf premiers mois de 2024, atteignant 2.092,3 MD contre 1.726,6 MD en 2023. Cette dynamique est soutenue par des projets stratégiques dans les énergies renouvelables avec la signature de contrats pour la construction de stations de production d’électricité à partir des sources renouvelables et de la transition numérique.
Par ailleurs, selon les statistiques de l’INS, l’inflation ralentit en septembre 2024 à 7.2% sur an, contre 9.7% durant la même période de 2023. L’inflation demeure, toutefois, élevée notamment pour les produits alimentaires qui augmentent en glissement annuel, de 9,2% sur un an. «À moyen terme, les pressions inflationnistes risquent de persister en raison du renforcement récent des prix internationaux. De plus, les contraintes financières croissantes sur le budget de l’Etat pourraient nécessiter des ajustements à la hausse de certains prix administrés».
Les résultats des échanges commerciaux de la Tunisie avec l’extérieur durant les neuf premiers mois de l’année 2024 font ressortir une augmentation des exportations aux prix courants de 2,1% contre 7,5% durant la même période en 2023 et une hausse des importations de 0,8% contre une baisse de 3,7% durant la même période en 2023. À la suite de cette évolution, le déficit commercial a pratiquement stagné pour s’établir à-13 496,9 MD contre-13 976,1 MD durant les neuf premiers mois de l’année 2023. C’est dire enfin que l’augmentation enregistrée des déclarations d’investissement et l’augmentation sensible des IDE constituent des signaux d’amélioration qui augurent d’une relance de l’investissement dans le futur. Ceci nécessite le rétablissement de la confiance et la réalisation des réformes structurelles appropriées pour améliorer l’environnement des affaires.