On dit que « le climat, c’est ce à quoi on s’attend, la météo, c’est ce que nous obtenons ».
La Presse — Pour une population habituée aux hivers doux et aux étés chauds, le stress est vite arrivé lorsque le mercure s’approche de 0°C. A tous les niveaux, on est dans l’obligation d’intervenir pour faire face au froid.
Un froid si mordant que les autorités régionales ont été mobilisées pour prendre en charge ceux qui sont les plus démunis face à cette rigueur climatique. Pluie et neige ont accentué les effets de ce froid féroce qui, comble de malchance, survient alors que le pays connaît un dérèglement de la distribution du gaz butane, dont bien des foyers se servent pour le chauffage et pour d’autres usages domestiques.
Effectivement, le gaz butane a manqué sur le marché et pour en trouver, il faut faire le tour des kiosques qui sont servis en premier.
« Nous en recevons tous les jours et la demande ne baisse pas. Je suis sûr que cette situation durera le temps que durera ce grand froid. Il est difficile de se débarrasser de ce réflexe de défense naturel, qui se déclenche lorsque quelque chose commence à manquer sur le marché ».
Notre interlocuteur dirige un kiosque à l’entrée de l’Ariana. Il semble sûr de lui et ses paroles découlent d’une longue expérience.
Encore ce sur stockage
Comme par coïncidence, un camion décharge, au fond, des bouteilles de gaz butane. Une petite file d’attente est déjà en train de se former. C’est leur jour de chance.
« Déjà, poursuit-il, nous avons relevé avant les premiers signes de ce grand froid, un empressement des taxis qui viennent pour en acheter. Ils sont outillés et ne viennent pas pour acquérir une seule bonbonne. Ils prennent leurs précautions. C’est à croire qu’ils sont à l’affût des prévisions météorologiques.
Avec cette vague de froid qui a déferlé sur le pays, il y a eu une hausse inhabituelle de la demande. Cela a suffi pour dérégler le marché ».
Du côté de La Soukra, un autre gérant de kiosque, nous a assuré qu’il en recevait régulièrement tous les jours. « Mais cela part très vite. Il y a parfois deux personnes qui viennent dans un taxi ou en voiture pour acheter deux à trois bonbonnes à la fois. Il y a ceux qui achètent, contenant et contenu. Nous sommes bien obligés de les servir. Il y a des gens qui ont récemment acquis un chauffage à gaz. D’autres ont préféré le chauffage butane à leur chauffage central, qui revient avec le renchérissement de la facture de la Steg, plus cher. Néanmoins, nous relevons ces deux derniers jours moins de pression. »
Tout devient donc de plus en plus clair.
Cette « pénurie » est la conséquence d’un brusque changement d’habitudes, mais aussi de la pression imposée par ceux qui se sont préparés pour l’hiver en mettant de côté bois, vêtements chauds, légumes secs et ….des bonbonnes de gaz butane. C’est le cas de ceux qui habitent dans les régions où le froid est intense comme Testour, Thala, Amdoun, Nefza, Tabarka et Aïn Draham, etc. C’est le cas de tous ceux qui ne disposent pas de gaz naturel.
Une succession d’événements
Si nous ajoutons à tous ces arguments ce qui a été dit par le PDG de la Sndp-Agil, Khaled Bettine, lundi 6 janvier 2025, que « La pénurie récente est principalement due au retard dans le déchargement d’une cargaison de gaz liquéfié au port de Bizerte, un problème causé par les mauvaises conditions météorologiques de ces derniers jours. Il a précisé, sur les ondes de la Radio nationale, que les centres de remplissage de Bizerte, Radès et Gabès fonctionnent à pleine capacité, avec des horaires de travail prolongés pour répondre à la demande. La Tunisie ne traverse pas une crise liée à la disponibilité des bouteilles de gaz domestique ».
Disons que cette succession d’événements a précipité cette pénurie qui est actuellement en voie d’être surmontée.
Maintenant, quelle est la différence entre un paquet de sucre et une bonbonne de gaz butane ? Aucune. Lorsqu’un produit, quel qu’il soit et pour n’importe quelle raison, arrive à disparaître du marché, c’est le réflexe du stockage et du surstockage qui se déclenche. On s’évertue à rafler tout ce qu’on trouve à portée de main. Au cas où, pour ne pas tomber en panne.
Ce grand froid a perturbé les prévisions, mais les autres facteurs sont aussi importants et il ne faudrait en aucun cas les négliger.
Moins cher, plus sollicité
D’après les premières estimations, la consommation des bonbonnes de gaz a augmenté durant cette période de près de 60%. C’est énorme. Et cela implique une étude plus approfondie, à l’effet de remonter aux sources de cette augmentation de la consommation.
Les taxis qui utilisent le gaz butane, le grand froid qui s’est amené sans se faire annoncer, la multiplicité des métiers de bouche, les choix économiques des ménages qui ont délaissé, soit pour le chauffage, soit pour la cuisine et la salle de bain le gaz de ville, devenu trop cher et ont fini par revenir aux bouteilles, sont à prendre en considération. Dans tous ces créneaux d’utilisation, on n’achète pas une seule bonbonne !
Comme pour toutes les autres perturbations, on s’en sortira, mais il faudrait dorénavant analyser, sereinement, la situation et se préparer pour ce genre de d’alertes qui perturbent et donnent libre cours à des commentaires où la mauvaise foi est évidente.
Une réserve de sécurité stratégique
Il est quand même important et opportun pour prévenir ces perturbations du marché, que l’on s’évertue à constituer, comme pour les autres carburants, une réserve de sécurité stratégique, pour que le pays ne revive plus ce stress inutile. C’est dans l’intérêt de toutes les parties prenantes de ce problème qui a marqué les esprits.
Il n’en demeure pas moins que ce froid a ramené le sourire aux lèvres de ceux qui craignaient une crise beaucoup plus importante. Celle d’une autre année de sécheresse qui aurait réduit à néant bien des efforts de redressement.
Dans une quinzaine de jours, la température redeviendra plus clémente. Ce froid qui fait des dégâts sera du domaine de l’oubli. Il ne restera plus qu’un souvenir que les grandes chaleurs que l’on annonce, nous rappellera avec une pointe de nostalgie car « il faut toujours un hiver pour bercer un printemps ».