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Promotion immobilière : En pleine zone de turbulences

Le secteur de la promotion immobilière semble, depuis quelques années, à bout de souffle. On assiste régulièrement à une érosion préoccupante du volume des affaires et à un déséquilibre de plus en plus profond entre offre et demande. Une situation critique qui impose des solutions urgentes et palpables.

La Presse — Les différents indicateurs de ces dernières années laissent croire que la promotion immobilière est en pleine zone de turbulences. Une situation délicate qui fonde les craintes de certains analystes d’un crash immobilier imminent, surtout avec la chute spectaculaire des ventes et l’importance du stock non commercialisé. D’ailleurs, les statistiques de 2024 ne sont pas pour autant plus rassurantes. Pour le premier trimestre de l’année écoulée, le marché a enregistré une forte régression par rapport à la même période de l’année 2023. La vente des terrains a encaissé une baisse de 13, 6%, celle des villas de 6,9 % alors que les ventes des appartements ont chuté de 23,3 %.

Une envolée spectaculaire

Les observateurs reconnaissent que la complexité de la conjoncture socioéconomique, la tendance inflationniste toujours conséquente et la forte pression sur les budgets des ménages ont renversé la donne et ont fini par créer une nouvelle échelle de priorités et dans laquelle le logement n’est pas en pole position. Selon les statistiques de l’INS, pour 2023, le logement occupait environ 30 % du budget familial. En juin 2024, il est seulement de 19 %. Un revirement très lourd de conséquences. Cette fuite en avant des demandeurs est une conséquence tout à fait logique de l’envolée spectaculaire du prix du logement, lui-même dicté par l’augmentation des coûts des terrains de construction, des prix des matières premières, de l’importance des charges salariales et de la revalorisation assez fréquente des obligations fiscales. Un état donc grippal qui place le secteur dans une crise structurelle touchant, sans exception, tous les acteurs. Les promoteurs se retrouvent ainsi enfermés dans une spirale financière délicate, en raison de leur impossibilité d’honorer leurs engagements bancaires, très importants. Selon les statistiques qu’il faut prendre avec beaucoup de réserve faute d’actualisation, le crédit bancaire couvre environ 80 % de l’investissement immobilier. Le recours au rééchelonnement des dettes et toutes les autres options similaires ne feraient qu’enfoncer encore plus les promoteurs dans les difficultés, surtout que les pénalités relatives aux impayés sont généralement aussi importantes que les taux d’intérêts eux-mêmes.

Une spirale infernale

Cela complique encore les choses, puisque les promoteurs, au lieu de chercher les bonnes parades pour gérer cette pression, et en plus de la réduction des projets d’investissements, optent souvent pour les solutions de facilité en répercutant, automatiquement les nouvelles charges sur les coûts de vente. Et à ce stade, c’est le demandeur qui se retrouve pénalisé et donc contraint de revoir le projet d’acquisition envisagé.

Les banques sont également piégées par ce déséquilibre du marché de l’habitat, car en plus des impayés des promoteurs et la baisse du volume des investissements immobiliers, les hausses, souvent assez fréquentes, des prix du logement affaiblissent le pouvoir d’achat du ménage et par conséquent réduisent les possibilités d’épargne, ce qui se traduit automatiquement par des ponctions importantes au niveau de leur bénéfice.

Il est clair donc que la situation du secteur de la promotion immobilière est à bout de souffle. Elle impose aujourd’hui des mesures d’urgence radicales. Plusieurs scénarios ont été avancés à cet effet.

Pour l’amélioration du niveau de vente, certains analystes estiment que la meilleure réponse serait de revoir le schéma de financement des acquisitions. L’élévation de l’âge maximal pour l’obtention d’un crédit, la prolongation de l’échéance de remboursement du crédit et la baisse du niveau de l’autofinancement ont été ainsi avancées.

Oui aux solutions durables !

D’autres pensent qu’une amnistie immobilière des pénalités de retard serait également de bon augure, puisqu’elle permettrait d’alléger la pression sur les promoteurs qui ne seront plus forcés de répercuter ces charges sur le coût du logement. Certes, de telles dispositions seraient bonnes à prendre car elles pourraient dégripper, progressivement, la machine immobilière, mais elles resteraient toujours conjoncturelles. Il faut donc chercher des solutions durables, et la réponse pourrait être, à ce stade, technologique. On reconnaît, en effet, que l’immobilier tunisien est encore dominé, dans une bonne proportion, par des procédés de construction traditionnels et qui ne sont plus en mesure de répondre aux exigences du marché, notamment en termes d’innovation, de respect de l’environnement, du coût et de rapidité.

Et sans parler, bien entendu, du gaspillage énergétique énorme qui pèse lourdement sur le budget de l’Etat. Il suffit de rappeler que, selon les statistiques disponibles, le bâtiment est le premier secteur énergivore avec un niveau de consommation de plus de 36 %, devançant même le transport.  Un coût énergétique élevé qui s’est traduit par une envolée spectaculaire des coûts des matériaux de construction.

Une approche technologique

Ce constat alarmant impose aujourd’hui à l’Etat l’accélération de la migration technologique dans ce domaine stratégique. Cela est d’autant plus urgent que notre pays s’est fixé pour objectif stratégique la réduction d’environ 56 % de la consommation énergétique (énergie primaire) dans le secteur du bâtiment d’ici 2030.

Un objectif tout à fait légitime, surtout qu’on dispose d’architectes-chercheurs qualifiés qui ont réussi, depuis de longues années, à mettre en place de nouvelles approches de construction compétitives. C’est le cas de Moncef Souissi, architecte-inventeur, qui a consacré toute sa carrière professionnelle à la recherche et à l’innovation. Une mobilisation qui a été couronnée en 2006, par la conception d’un nouveau procédé de construction en préfabriqué : « le Smhs ». Une technologie constituée d’«un plancher léger intégral, une cloison et un mur thermo-acoustique, un escalier à limon et à géométrie variable ». Un nouveau système « écologique, antisismique et peu coûteux ». L’inventeur affirme, en effet, que « cette technologie, à la fois simple et compétitive, est en mesure de réduire le coût du logement de plus de 40 % ». Toutefois, cette invention récompensée par cinq prix internationaux est restée sans réponse faute de disponibilité d’unités de fabrication et donc de financement. Pourtant, le montage de ce type d’unités pourrait se faire rapidement et à moindre coût en raison de la disponibilité de la matière première.

Une question à revoir sérieusement, surtout que ce projet se caractérise par un niveau d’intégration très élevé : création d’emplois, formation sur place de techniciens locaux et garantie d’une meilleure dynamique économique régionale. Mieux encore, il est en mesure de garantir à l’Etat d’importantes ressources financières, grâce surtout à sa large capacité à attirer les investisseurs étrangers et à assurer un meilleur accès aux marchés extérieurs, puisqu’il « n’existe pas de risque d’apparition de ce produit sur le marché international ou auprès de nos concurrents directs car s’agit d’un produit breveté », rassure Moncef Souissi.

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