Qu’est-ce qu’une « déclar’action » selon Julien Blaine ? C’est un terme qui combine « déclaration » et « action ». Il faut chercher « d’autres éléments que les lettres de l’alphabet qui forment les mots du poème ». Et pour cela, le texte doit être lu, mais aussi incarné par la voix et les gestes.
La Presse — L’Alliance française de Tunis a accueilli lundi 27 janvier le poète français Julien Blaine, fondateur de Doc(k)s, la revue internationale des poésie d’avant-garde et l’une des plus vieilles revues de poésie contemporaine française. La rencontre a été modérée par Ahlem Ghayaza, universitaire et journaliste. Elle s’inscrit dans le cadre du forum culturel « La Fabrique des Arts ».
Julien Blaine tient sa célébrité à sa vision innovante de la poésie. Pour lui, un texte se lit, s’entend, mais surtout se regarde comme une véritable performance scénique. C’est ainsi que se définit « la poésie action » dont Julien est l’un des pionniers. Il est l’auteur de nombreux recueils et livres subversifs dont «Confidences» publié en juin 2024, et «La cinquième feuille-Aux sources de l’écrire et du dire», ainsi que «Introduction à la performance» parus en 2020. Ses ouvrages sont traduits en plusieurs langues, dont l’arabe.
Lors de sa présence à l’Alliance française de Tunis, il a souligné qu’il faut « sortir le poème des livres ». « Le livre est important, dit-il, c’est ce qui reste après la disparition du poète. Mais, il y a une seule trace du poème dans un livre et une infinité de « ‘‘déclar’actions ‘‘».
Qu’est-ce qu’une « déclar’action » selon Julien Blaine ? C’est un terme qui combine « déclaration » et « action ». En effet, il faut chercher « d’autres éléments que les lettres de l’alphabet qui forment les mots du poème ». Pour cela, le texte doit être lu mais aussi incarné par la voix et les gestes comme dans une performance théâtrale. « Je me comporte comme je dois lire le texte », indique le poète devant le public d’étudiants, écrivains et universitaires venus découvrir cette vision singulière de la littérature. « Le corps entier est investi », poursuit Julien Blaine. « Ça dépend de l’espace et des gens. Une ‘‘déclar’action’’ ne doit pas devenir mécanique. » Et pour faire une démonstration de la scénographique des poèmes, l’écrivain de 82 ans a interprété un de ses textes en simulant avec ses gestes et sa voix une sensation d’étouffement, quand on ne trouve plus la force de parler et que même la langue devient paralysée. Une performance digne d’une scène théâtrale qui a été soldée par de longs applaudissements. Les mouvements intégrés à la dynamique du texte servent à capter l’audience et à faire sentir des forces et des émotions que les lettres seules ne transmettent pas.
La vision de Julien Blaine, qui rompt avec la lecture classique, met en évidence un aspect novateur de la poésie : elle s’expérimente physiquement et devient ainsi, d’évidence, performative en solo ou avec différents partenaires, poètes ou musiciens. Le texte sort ainsi à chaque fois de ses points de repère habituels en fonction des éléments figuratifs et sonores qui instaurent une multiplicité de versions.
Au cours de cette rencontre, Julien Blaine a également évoqué la menace de disparition de la poésie par rapport au roman qui l’emporte sur les autres formes littéraires. Pourtant « La poésie est partout, dit-il. Tout m’inspire. »
Le poète français est aussi revenu sur son engagement politique depuis les années 60. Il est au cœur d’une controverse pour ses avis qu’il affiche à travers ses écrits et ses déclarations aux médias. Il dénonce constamment les guerres impérialistes et coloniales. Il a indiqué qu’il « ne peut tolérer leur racisme, leur barbarie, leur violence et leur cruauté qu’ils soient directement assassins ou complices ou protecteurs ». « Ma parole est libre, souligne-t-il. « Personne ne me la confisquera. »
En plus d’un demi-siècle dans la Poésie-action, Julien Blaine continue alors à se démarquer par sa vocation littéraire et artistique révoltée en dépit des critiques. Son passage est certainement mémorable pour le public qui se souviendra longtemps de sa « déclar’action ».
Rappelons que l’Alliance française de Tunis anime régulièrement des évènements, en collaboration avec de nombreuses universités tunisiennes et étrangères, avec des invités de renommée de la Tunisie et d’ailleurs.