Le conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie a décidé de maintenir son taux directeur inchangé à 8 %, selon un communiqué publié hier à l’issue de sa réunion.
L’institution estime que les perspectives d’inflation restent entourées de risques à la hausse, ce qui justifie, selon elle, la nécessité de poursuivre l’effort de réduction de l’inflation dans les mois à venir.
Une approche contestée
Réagissant à cette décision, l’économiste Ridha Chkandali a estimé que l’erreur ne réside pas dans le maintien du taux directeur, mais dans l’approche adoptée par la Banque centrale.
Dans un post publié sur sa page Facebook, jeudi 6 février 2025, il explique que l’institution applique strictement sa loi organique, qui considère l’inflation comme un phénomène monétaire principalement causé par la demande, et plus précisément par la consommation des ménages tunisiens. « On leur fait porter la responsabilité de l’inflation, comme s’il s’agissait d’un crime économique », déplore-t-il.
Selon Chkandali, cette approche justifie le maintien d’un taux d’intérêt élevé afin de limiter l’accès des ménages aux crédits à la consommation. « Ce n’est pas la Banque centrale qu’il faut blâmer, mais plutôt l’Assemblée des représentants du peuple, qui tarde à réviser la loi organique de l’institution. Cette réforme devrait impliquer toutes les compétences et les acteurs économiques afin d’éviter une nouvelle version aussi problématique que celle proposée par certains députés », souligne-t-il.
Un dilemme juridique pour la Banque centrale ?
L’économiste estime que la Banque centrale se retrouve aujourd’hui face à une contradiction. D’un côté, sa politique monétaire l’oblige à freiner la consommation. De l’autre, le nouveau cadre législatif régissant les chèques la contraint à encourager la consommation privée.
« L’institution devra inciter les banques à mettre en place de nouveaux mécanismes de financement pour compenser la baisse de l’utilisation des chèques comme moyen de paiement. Mais si elle le fait, elle ira à l’encontre de sa propre loi organique. Elle est donc dans une impasse juridique », analyse-t-il.
Toujours selon Chkandali, la Banque centrale maintient un taux d’intérêt élevé par crainte d’une résurgence de l’inflation, notamment en raison des prêts directs qu’elle a accordés à l’État à deux reprises, pour un total de 14 milliards de dinars.
« Il y a une contradiction flagrante : la Banque centrale prête directement à l’État des montants colossaux qui accentuent les risques inflationnistes, mais elle fait porter aux ménages la responsabilité de l’inflation en maintenant des taux élevés », affirme l’économiste.
Il conclut en soulignant que dans cette situation, c’est l’État qui est à l’origine de l’inflation, mais ce sont les ménages tunisiens qui en paient le prix, alors que leur consommation est en réalité un moteur essentiel de la croissance économique .
Il est à rappeler que selon les dernières données, l’inflation sous-jacente – excluant les produits alimentaires frais et les produits à prix administrés – s’est établie à 5,5 % en décembre 2024, contre 5,8 % en novembre et 8,5 % un an plus tôt.
Cette baisse est principalement due au recul marqué des prix des produits alimentaires transformés à prix libres, qui ont affiché une hausse limitée à 1,1 % en décembre, contre 2,4 % le mois précédent et 14,5 % un an plus tôt. Cette tendance reflète l’impact du repli quasi général des prix mondiaux des matières premières alimentaires, notamment l’huile d’olive, dont le prix a chuté de 9,8 % en décembre, contre une baisse de 3,1 % en novembre 2024.