Accueil Société Frénésie de la perfection physique: Quand le paraître prime l’être…

Frénésie de la perfection physique: Quand le paraître prime l’être…

La quête de la perfection physique semble atteindre son paroxysme, dans une société mondiale dominée, désormais, par l’apparence, voire par l’apparât. Il faut dire que la chirurgie esthétique marque d’une pierre blanche notre temps, apportant des solutions quasi miraculeuses pour émousser les complexes dus à une malformation physique et en faire un atout, parfaitement conforme aux nouveaux critères de beauté.

La Presse — Cela dit, l’ampleur que prend ce phénomène est telle, qu’elle incite à l’analyse et au questionnement : l’acceptation de soi est-elle devenue une monnaie rare de nos jours ? L’évolution naturelle du physique vers le vieillissement est-elle devenue intolérable car vue comme étant horrible ? Et quel est l’impact de cette fixation presque collective sur la perfection physique à tout prix, sur les jeunes générations ?

Pour comprendre ce phénomène, il est nécessaire de creuser dans ses origines psychologiques. Le Dr Anas Laouini, psychologue, justifie la quête de la beauté par des demandes internes et autres, culturelles et sociales. « L’être humain cherche à être beau, de nature. Cette quête a toujours existé sauf qu’elle était limitée, jadis, aux tenues vestimentaires, aux accessoires, au maquillage…Mais les temps ont changé. Nous portons moins de vêtements et nous vivons dans une société mixte. Le physique se trouve, ainsi, plus visible qu’avant, plus présent dans l’espace public. Parallèlement, l’avancée de la médecine esthétique évolue, perpétuellement, permettant des changements ahurissants qui étaient considérés, avant, comme des rêves impossibles à réaliser», explique-t-il.

Le trouble de la dysmorpho-phobie

Puisant dans une certaine aisance matérielle, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, s’adonnent à la chirurgie esthétique et à tout produit à même de leur apporter des changements physiques spectaculaires. La frénésie que fait naître la chirurgie esthétique n’est point restreinte aux stars. Ces traits devenus standardisés, que l’on voit dans les médias et sur les réseaux sociaux, représentent les composants d’un modèle de beauté bien défini, auquel tout le monde aspire. «Les demandes internes et externes motivent ainsi les gens à entamer leur amélioration physique. C’est ainsi qu’ils comptent renforcer leur estime de soi. Sauf que, chez certains, cela trahit des problèmes psychologiques voire pathologiques», souligne le Dr Laouini. Il prend pour exemple représentatif le cas d’une dame, qui s’est fait opérer du nez à trois reprises, alors que son nez était en parfait état. Sa quête de la perfection relevait de causes totalement psychologiques. «J’ai reçu une patiente âgée de seulement vingt-quatre ans qui s’était fait toute sorte de chirurgie esthétique. Tout son physique a été retouché par la chirurgie. Cela nous amène, poursuit le psychologue, à diagnostiquer un trouble psychologique sous-jacent : le trouble de la dysmorpho-phobie. Il s’agit d’un trouble obsessionnel, dû à la sous-estime de soi. D’ailleurs, bon nombre de personnes présentant ce trouble ne sont pas satisfaites du résultat de l’intervention chirurgicale et succombent à la dépression post-chirurgicale. Leur dysmorpho-phobie les pousse, en fait, à avoir des attentes grandioses, des changements idéaux, ce qui n’est pas toujours le cas».

Les récompenses d’une société  vivant  de superficiel

La dysmorpho-phobie trouve, dans notre société, un terrain plus que favorable. C’est que le sens du mérite s’éclipse, de plus en plus, cédant la place à l’apparence et à l’apparât. D’après le Dr Laouini, les nouveaux critères de beauté socialement reconnus et appréciés sont, essentiellement, des critères sur fond sexuel et ceci est valable aussi bien pour les femmes que pour les hommes. On a tendance, en effet, à mettre en valeur les atouts féminins et autres, de virilité. «Pis encore, continue-t-il, plus on est conforme aux nouveaux critères de beauté plus on est récompensé sur le plan social. D’ailleurs, les récompenses sociales se traduisent par des «j’aime» sur les réseaux sociaux, du nombre de vues, important. Sur les plateaux de télé, la présence des personnes conformes à ces critères de beauté est quasi systématique. Même dans le domaine professionnel, on a tendance à favoriser une personne dotée desdits critères et ce, indépendamment de sa compétence et de son mérite».

Quel message pour les jeunes générations ?

L’effet boule de neige de la chirurgie esthétique et des critères de beauté sur fond sexuel avance à pas de géant pour influencer ceux et celles qui n’ont y jamais prêté la moindre attention ! Pire encore : ce sont, désormais, des références sociales pour les jeunes générations. Ces dernières sont convaincues, preuve à l’appui, que seul le physique compte et que la compétence et le background intellectuel viennent au second plan ! «Nous ne sommes plus dans la logique de la concurrence du savoir, mais dans celle du paraître. Du coup, nos sociétés encouragent, désormais, à la médiocrité et à l’ostentatoire», souligne le psychologue. Néanmoins, il garde une lueur d’espoir en appelant à l’acceptation de soi et d’autrui, de ce qui est différent. «Le but initial de la chirurgie esthétique, rappelle-t-il, consiste en la rectification d’un défaut visible et flagrant, d’une déformation ou d’une séquelle physique due à un accident. Elle s’avère être, dans de pareils cas, une solution salutaire et ne devrait, aucunement, alimenter des troubles de dysmorpho-phobie». Aussi convient-il de transmettre le message aux jeunes générations. «Les parents, les éducateurs, les médias et les réseaux sociaux sont vivement appelés, en outre, à mettre en avant les bons exemples à suivre, les leaders qui ont brillé par leurs idéologies, leurs inventions, leurs parcours, leurs réformes et dont les noms sont, à jamais, reconnus par l’Histoire.

Ces grands hommes et femmes ont brillé par leur mérite, par leur être et non par leur paraître», conclut le Dr. Laouini.

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