
On attend, certes, du nouveau coach, des résultats immédiats. Tout en se posant la question si cet entraîneur assez pragmatique sera en mesure de révolutionner l’équipe et lui donner l’aspect esthétique et spectaculaire qu’on cherche.
La Presse— La nouvelle de la nomination de Sami Trabelsi comme sélectionneur de l’équipe de Tunisie n’avait pas pris de court les observateurs qui suivaient de très près le processus du choix, puisque son nom avait circulé parmi les postulants possibles. Mais il faut reconnaître qu’il n’était pas le premier sur la liste de Moez Nasri. Ce n’est qu’après le désistement de Mouîne Châabani qui avait décliné l’offre puis l’échec des discussions entamées par la suite avec Mahdi Nafti, que Sami Trabelsi a été sollicité par le directeur sportif Zied Jaziri. Trabelsi a donné, sans réfléchir deux fois, son accord pour reprendre les manettes de team national, douze ans après une première aventure couronnée par la montée sur le podium et le sacre inattendu lors du Chan 2011, mais ombragée aussi par la CAN 2013 en Afrique du Sud et une sortie décevante dès le premier tour après une victoire sur l’Algérie par 1 but à 0, une large défaite devant la Côte d’Ivoire ( 0-3 ) et un nul par 1 à 1 avec le Togo. Sami Trabelsi a saisi la perche que lui a tendue le destin pour renouer avec l’équipe de Tunisie, cette fois plus aguerri, plus expérimenté et fortement motivé pour relever un défi très dur qui enrichira son palmarès : une qualification à la Coupe du monde 2026 puis une CAN réussie au Maroc dans moins d’un an.
Rigoureux
Lors de sa première conférence de presse après sa nomination, le nouveau sélectionneur de l’équipe de Tunisie est resté de marbre, fidèle à son portrait de technicien qui travaille beaucoup et parle très peu. Il est donc allé droit au but et livré le fond de sa conception de la tâche qui l’attend. En trois mots : liberté totale dans les choix, refus d’ingérence dans ses prérogatives et aucun passe-droit pour les joueurs qui seront appelés en sélection. Son staff, il l’a lui-même composé avec Hamadi Daou comme premier adjoint. Mohamed Sahli, annoncé comme deuxième adjoint mais qui n’a pas rejoint le staff, ne sera pas remplacé pour le moment. Preuve que Sami Trabelsi a un œil sur un jeune technicien qui fait ses preuves en ce moment avec son équipe en haut du tableau (Anis Boujelben). Si, bien entendu, tout se passe bien après les deux matches contre le Libéria et la Namibie. «Mon contrat avec la Fédération est moral avant d’être écrit, a-t-il affirmé. J’ai placé moi-même un premier objectif à atteindre : la Coupe du monde 2026, sinon je m’en irai sans qu’on ait à me le demander». Première de son groupe avec 10 points, avec deux bonnes longueurs d’avance sur la Namibie deuxième, la Tunisie a son destin en main et toutes les chances d’arracher cette qualification qui conditionnera l’avenir de Sami Trabelsi. C’est pourquoi ce premier pari n’a pas l’air d’être trop risqué même s’il va falloir cravacher dur pour le gagner. Le deuxième objectif de Sami Trabelsi, si le premier est atteint, sera le carré d’as et le podium pour la prochaine Coupe d’Afrique. Et c’est parce que ce deuxième pari est plus difficile et n’est pas gagné d’avance que le nouvel entraîneur national n’en a pas fait une condition pour continuer sa mission. En guise de réponse évasive, juste un «pourquoi pas la finale et même le titre».
Changement d’ADN
Mais derrière ces objectifs affichés, il y a une attente non moins importante : le changement de l’ADN de l’équipe sur le terrain. Sami Trabelsi, adepte du 4-2-3-1, avec la priorité dans ce dispositif pour la sécurité, est un entraîneur pragmatique. Sa longue carrière d’arrière central comme joueur et ses 80 sélections en équipe A ont ancré dans sa philosophie de jeu ce souci d’être avant tout fort défensivement, de ne jamais toucher à l’équilibre du dispositif en place. Il ne faudra pas donc s’attendre à une grande révolution dans le jeu, à une équipe toujours d’attaque avec ces schémas audacieux en 3-4-3 ou en 3 – 4-2-1, avec de la qualité dans l’animation offensive, le pressing haut, la prise de risque devant. Pourtant, c’est ce changement d’ADN sur le terrain et cette révolution dans jeu avec un football efficace tout en été spectaculaire qu’on exigera du nouveau sélectionneur.
La liste des convoqués pour les deux matches en mars donnera les premiers indices sur la volonté de Sami Trabelsi d’oter son habit de coach conservateur et d’aller dans cette grande métamorphose dans le jeu de la sélection. Mais la question classique qui se pose : peut -on construire ce neuf avec du vieux ? Car Sami Trabelsi n’a pas été clair sur le rappel de quelques joueurs de métier, écartés de la sélection durant la courte période intérimaire de Kais Yâakoubi après le départ de Faouzi Benzarti. La porte a été laissée entrouverte avec un seul message très fort adressé : venir en sélection est un devoir et non pas une faveur et l’accepter c’est être disponible à tout moment et dans toutes les circonstances avec l’obligation de s’engager à tout donner. Pas très difficile de savoir pour qui cette mise en garde est adressée et quels sont les joueurs qui sont visés. Sami Trabelsi veut entamer sa mission en portant un gant de fer. Cette fois, il n’est pas prêt à revivre la même expérience de la CAN 2013 et tolérer les dépassements de l’époque qu’il a refusé de dévoiler ?