Accueil Economie Transactions économiques: La traite peut-elle remplacer le chèque ?

Transactions économiques: La traite peut-elle remplacer le chèque ?

Si le chèque demeure un outil privilégié des transactions différées, les récentes évolutions législatives et les contraintes bancaires imposent d’examiner d’autres alternatives. Quel sera donc le rôle de la traite dans les transactions économiques, quels seront ses avantages, mais aussi ses limites face aux exigences du marché ? Ridha Mrabet, ancien P.d.g d’une Sicar régionale, nous éclaire sur son impact en tant que moyen de règlement à terme.

La Presse — Une traite, aussi connue sous le nom de lettre de change, représente un document commercial émis par le fournisseur de biens ou le prestataire de services à son client, stipulant un paiement déterminé à une date et un montant, spécifiés, ainsi que le bénéficiaire de ce règlement.

En effet cette dernière repose sur un mécanisme de crédit impliquant trois parties: le tireur, le créancier émettant la lettre de change; le tiré, le débiteur tenu au paiement et le bénéficiaire, celui qui encaisse la somme due.

L’un des principaux avantages de la lettre de change est qu’elle permet au bénéficiaire d’obtenir des liquidités avant son échéance et constitue une garantie de recouvrement. En cas de non-paiement, le bénéficiaire dispose d’un délai de 48 heures pour établir un «procès-verbal de constatation» par huissier ou notaire, suivi d’une demande d’ordre de payer, permettant une exécution urgente sous 24 heures.

Un engagement et des procédures

Cependant, si la banque ne l’informe pas du défaut de provision dans un délai de 24 heures, le bénéficiaire perd la possibilité de déposer un rapport de protection dans les délais légaux. Il doit alors engager des procédures judiciaires plus longues, transformant la traite en simple présomption de dette.

Selon Ridha Mrabet, «une bonne coordination entre le client et sa banque est essentielle pour garantir un suivi efficace et respecter les délais de protestation. Or, dans la pratique, de nombreux bénéficiaires ne parviennent pas à établir le procès-verbal de protection à temps. De plus, une mauvaise rédaction de la lettre de change peut compromettre son efficacité : par exemple, cocher la case « non susceptible de protestation » empêche toute action par huissier et prive le bénéficiaire d’une exécution immédiate.

Un recouvrement efficace via la traite nécessite une parfaite maîtrise des démarches légales, à savoir : une connaissance des actifs du tireur pour garantir l’exécution rapide de l’ordonnance de paiement. Cependant, cette exigence est difficile à remplir car les biens du tireur sont souvent hypothéqués, notamment lorsque celui-ci est une entreprise dont la traite n’a pas été avalisée par son représentant légal.

«La banque du tireur peut garantir la lettre de change, tout comme un commerçant peut en garantir un autre. Toutefois, ces garanties ne suffisent pas toujours à protéger les droits du bénéficiaire, qui doit posséder les compétences nécessaires pour mener à bien la procédure de recouvrement», assure Mrabet.

D’après son analyse, l’usage généralisé de la traite semble donc inadapté aux petites structures. Il évoque l’exemple d’un magasin d’électroménager situé dans une région reculée: « Comment pourrait-il gérer ses ventes par traite face aux complexités du recouvrement? », se demande-t-il.

Ridha Mrabet souligne, par ailleurs, que ce mécanisme pourrait fonctionner si le tireur et le bénéficiaire étaient des institutions ou entreprises structurées, dotées d’un système d’information fiable et d’une transparence bancaire élevée. Or, la réalité économique tunisienne, marquée par des PME souvent classées à risque par la Banque centrale et aux actifs déjà engagés auprès des banques, rend cette condition difficile à remplir.

Pas vraiment commode pour tout le monde !

La traite devient encore plus complexe lorsqu’elle implique des transactions entre particuliers ou petits commerçants, qui ne disposent pas toujours des compétences pour exécuter les procédures de recouvrement. De plus, l’absence d’un système d’information centralisé empêche d’accéder aux biens du tireur, rendant les poursuites inefficaces.

Dans ce contexte, Mrabet explique que la traite ne pourra jamais remplacer le chèque, dont la simplicité d’usage et la force pénale en font un moyen de paiement à terme universellement accepté et fiable. «Face aux limites du chèque à terme, désormais encadré par une nouvelle loi, une alternative possible serait d’introduire un chèque à terme non endossable, assorti de sanctions pénales en cas de non-provisionnement à la date convenue. Si cette solution s’avérait juridiquement inapplicable, plusieurs réformes pourraient être envisagées pour moderniser la lettre de change», assure l’interlocuteur.

Selon lui, il est impératif de simplifier la rédaction pour limiter les erreurs et les omissions, de rendre implicite la condition de protêt, permettant une exécution immédiate dès réception d’une attestation bancaire de non-provisionnement. Il faut aussi mentionner l’objet de la transaction dans la lettre de change, afin de lui conférer un caractère pénal en cas de non-paiement et il est important également d’exiger une signature légalisée pour éviter toute contestation sur son authenticité et de développer un système d’assurance efficace pour sécuriser les transactions.

Il ajoute que, parallèlement, des mesures complémentaires pourraient renforcer la confiance dans les moyens de paiement à terme comme par exemple de fait de développer des solutions de financement adaptées aux besoins de la classe moyenne, comme les cartes de débit, de faciliter l’accès des PME au crédit bancaire et au financement en capital, de renforcer le rôle des agences du Bureau de Crédit pour améliorer la collecte d’informations sur les clients et réduire les risques d’impayés.

«Si la lettre de change présente des atouts en tant qu’outil de crédit, son efficacité est fortement limitée par la complexité des procédures de recouvrement et l’absence de garanties solides. Dans un environnement où la confiance et la rapidité des transactions sont essentielles, une modernisation des moyens de paiement à terme semble indispensable pour répondre aux attentes des acteurs économiques», résume Ridha Mrabet.

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