Accueil A la une Marché des cosmétiques : Entre domination des monopoles et enjeux internationaux

Marché des cosmétiques : Entre domination des monopoles et enjeux internationaux

Un soutien stratégique et des incitations économiques pourraient offrir aux marques tunisiennes les moyens de rivaliser avec les grandes enseignes importées, tout en proposant aux consommateurs des alternatives accessibles et de bonne qualité.

La Presse — La Tunisie affirme son leadership dans le domaine de la médecine esthétique et anti-âge. Lors du 7e Congrès international des médecins esthétiques et anti-âge qui s’est tenu à Tunis, du 13 au 15 février, la docteure Randa Chaâbane, membre de l’Association tunisienne des médecins esthétiques et anti-âge (Tamas), a salué la reconnaissance officielle de cette discipline, qui met un terme aux pratiques non réglementées et renforce la crédibilité du secteur.

Avec des patients venant de France, d’Algérie, de Libye et d’Allemagne, la Tunisie s’impose comme une référence en matière de soins esthétiques. Cependant, cette attractivité pourrait être amplifiée par une meilleure organisation logistique. La coordination entre cliniques, agences de voyage et hôtels reste insuffisante pour garantir une expérience fluide aux patients étrangers.

Parmi les principales recommandations du congrès, les professionnels tunisiens ont plaidé pour une réduction des taxes sur les matériaux médicaux, affirmant que ces soins ne relèvent plus du luxe, mais répondent à un réel besoin pour de nombreux patients.

L’entrave des grands acteurs de la cosmétologie

Malgré le dynamisme du secteur, le marché de la cosmétologie en Tunisie reste sous l’emprise de quelques grands importateurs et distributeurs. Ces acteurs imposent des règles strictes qui limitent le choix et font grimper les prix. Prenons l’exemple des écrans solaires ; alors que sous notre climat, ils sont devenus une nécessité impérieuse et quotidienne, les grandes maisons ne proposent en Tunisie que de petits formats (50 ml) vendus à des prix prohibitifs, alors que des formats plus grands (100 ou 150 ml) de ces mêmes labels existent ailleurs à des prix plus compétitifs.

N’ayant pas le choix, les consommateurs tunisiens se voient contraints d’acheter des produits onéreux, alors que des alternatives plus accessibles et de meilleure qualité existent sur d’autres marchés. Et disons-le clairement, ce verrouillage du marché national profite uniquement aux grands distributeurs, au détriment du pouvoir d’achat des consommateurs tunisiens.

Les produits coréens écartés du marché

La cosmétologie coréenne s’est imposée comme une référence mondiale grâce à son innovation technologique, l’utilisation d’ingrédients naturels et des prix attractifs. Pourtant, ces produits restent inexistants en Tunisie, laissant le marché local en marge de cette tendance globale. Pourquoi ? Parmi les raisons, ces grands importateurs qui détiennent les franchises préfèrent restreindre l’offre plutôt que de voir leur monopole ébranlé.

Et lorsque certains consommateurs tentent d’accéder à ces produits, de véritables best-sellers à l’échelle mondiale, via des boutiques en ligne, ils se heurtent à un manque total de transparence. L’absence de traçabilité, la prolifération de contrefaçons et un service client quasi inexistant compliquent leur démarche. Cherchant à obtenir des informations sur la provenance des articles ou leur date de péremption, leurs questions restent souvent sans réponse. Pire encore, certains vendeurs, au lieu de rassurer leurs clients, choisissent de les ignorer, refusant d’apporter la moindre garantie. Ce manque de transparence ne fait qu’accentuer la méfiance à l’égard de ces circuits d’achat en ligne, exposant les consommateurs tunisiens à des risques majeurs, notamment en cas de produits périmés ou contrefaits.

Les marques tunisiennes, une alternative prometteuse

Face à ces blocages, quelques labels tunisiens commencent à tracer leur chemin, notamment dans les produits capillaires, les huiles essentielles et la cosmétique naturelle. Ces marques assurent une traçabilité rigoureuse et garantissent l’authenticité de leurs produits, répondant à une demande croissante pour des solutions locales, fiables et proposées à des prix étudiés. Toutefois, elles restent encore au stade expérimental, manquant de soutien pour se structurer et se développer à grande échelle.

Un accompagnement stratégique et des incitations économiques pourraient leur permettre de rivaliser avec les grandes enseignes importées et proposer des alternatives accessibles et de bonne qualité au consommateur.

Diversifier l’offre, une impérieuse nécessité

Des pays comme l’Égypte et le Maroc offrent une variété de produits accessibles à toutes les bourses. Cette stratégie bénéficie à la fois à leurs consommateurs et à l’économie locale. En Tunisie, cette diversification fait défaut. Qu’il s’agisse de cosmétologie, d’habillement ou de maroquinerie, le constat reste le même : des catalogues limités, des prix souvent excessifs et une qualité qui ne répond pas toujours aux attentes. Le marché semble figé, verrouillé par une poignée de distributeurs dont l’emprise façonne non seulement la disponibilité des produits, mais aussi leur prix. Il suffit, dès que l’occasion se présente, d’observer ces mêmes marques ailleurs, en Europe ou chez nos voisins, pour mesurer l’ampleur du déséquilibre. On y découvre alors des gammes plus variées, des prix plus compétitifs et une meilleure adéquation entre qualité et coût, révélant ainsi à quel point le marché tunisien subit les diktats d’un monopole soigneusement entretenu.

C’est pourquoi il est impératif que nos décideurs instaurent des règles plus justes et équilibrées, capables de briser l’hégémonie de quelques acteurs et de redonner au marché tunisien une véritable dynamique concurrentielle. Il ne s’agit pas seulement d’encourager la diversification des gammes proposées, mais aussi de garantir un accès équitable aux marques et aux produits, en évitant que les consommateurs tunisiens ne soient contraints d’acheter à des prix excessifs des articles dont la qualité, ailleurs, serait bien supérieure pour un coût moindre.

Cette réforme représente un enjeu majeur pour la transparence économique, pour la protection des consommateurs locaux et le développement d’un marché plus ouvert, afin que le choix ne dépende plus uniquement des grands importateurs.

Si la Tunisie s’affirme aujourd’hui comme une référence en médecine esthétique, il est évident que son marché cosmétique reste limité à une gamme restreinte de produits, dominé par quelques grands distributeurs qui font la pluie et le beau temps, imposent leurs choix, maximisent leurs marges et restreignent ainsi la diversité de l’offre. Pourtant, la diversité n’est pas un luxe réservé aux grandes puissances économiques, c’est une nécessité vitale pour garantir un marché plus équilibré, plus compétitif et plus respectueux des attentes et du pouvoir d’achat des consommateurs tunisiens.

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