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Femmes et sciences exactes : La discrimination de genre existe encore !

Le Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (Credif) a organisé, jeudi dernier, en collaboration avec l’Institut national des sciences appliquées et des technologies (Insat), un atelier de travail portant sur les sciences exactes comme domaine à dominante masculine et de stéréotypes de genre. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre, aussi bien, du programme du Credif «La femme et la science» que de la semaine de la recherche en sciences et technologies de l’Insat. Les participantes et participants à cet atelier de travail ont mis à nu les conditions hostiles aux carrières des femmes dans le domaine scientifique et ce, sur fond de genre. 

La séance plénière a été consacrée au rôle des associations scientifiques dans la lutte contre les stéréotypes de genre. En effet, le rôle de la société civile dans la promotion de l’inclusion féminine dans les domaines scientifiques de pointe est immensurable. Il revient à une volonté commune de mettre en lumière les compétences tunisiennes et ce, indépendamment de leur genre. Il s’agit d’une reconnaissance en le mérite de celles qui excellent dans les domaines considérés, pourtant, comme masculins par excellence. 

Faire face aux obstacles

Néanmoins, le vécu des femmes spécialisées dans le domaine des sciences exactes n’est point facile. Les scientifiques encourent moult difficultés à s’imposer, en dépit d’un mérite amplement justifié. La Pr Salma Negzaoui, de l’Association des femmes tunisiennes mathématiciennes a axé son intervention sur les initiatives et les bonnes pratiques pour les femmes tunisiennes mathématiciennes.

Il convient, à son sens, qu’elles dépassent, avant toute chose, ce sentiment de culpabilité par rapport à leurs responsabilités familiales; un sentiment qui les ronge et qui constitue un obstacle de taille entravant leurs carrières. Elles sont, aussi, appelées à dénoncer toute forme de harcèlement auquel elles sont sujettes dans leurs domaines d’activité. «Il est impératif, par ailleurs, de renforcer la représentativité des femmes dans les conseils scientifiques et d’impliquer, davantage, les médias dans la lutte contre les stéréotypes de genre», recommande-t-elle.

25% des femmes scientifiques sont harcelées dans leur travail

La stéréotypie de genre dans le domaine scientifiques constitue un problème mondial. La Pr Yosra Soussi, de l’Association des femmes tunisiennes mathématiciennes, a rappelé que les femmes ne représentent que 30% des chercheurs dans le monde. Le prix Fields est un prix d’excellence, établi depuis 1936 et destiné à couronner les mathématiciens et les mathématiciennes dans le monde. Jusqu’à nos jours, seules deux femmes sur 64 lauréats ont été médaillées. L’oratrice a saisi l’occasion pour mettre en lumière les données véhiculées dans un livre de référence intitulé : A Global Appreach in gender Gap.

Il s’agit du fruit d’une enquête internationale réalisée entre 2017 et 2019 et qui a porté sur un échantillon représentatif des scientifiques dans le monde, soit 32 mille enquêtés relevant de 130 pays et dont 3.500 sont des mathématiciens et 2.400 des spécialistes en mathématiques appliquées. «Cette enquête a prouvé que 25% des femmes enquêtées avouent avoir été sujettes à des harcèlements sexuels pendant leur travail.

Les inégalités de genre touchent aussi bien le salaire que la profession, laquelle s’avère lente pour les femmes. D’autant plus que, poursuit-elle, nous ne disposons pratiquement pas de modèles de femmes scientifiques et mathématiciennes à suivre et ce, faute d’information». Pis encore, les femmes ayant emprunté des filières scientifiques semblent jeter facilement l’éponge, démotivées qu’elles sont par bon nombre de contraintes, à savoir la maternité, l’éducation des enfants et les obligations familiales. La Pr Soussi lance un appel aux femmes scientifiques les invitant à aller jusqu’au bout de leurs ambitions professionnelles et de résister aux contraintes pour s’imposer, avec persévérance et mérite, dans un parcours et pas des moindres.

L’irritant paradoxe !

Ces conseils et recommandations, Mme Nadia Zid Souissi, de l’Association tunisienne des femmes ingénieures en a fait les piliers du challenge. Ingénieure en génie civil, elle a choisi de briser tous les stéréotypes et d’aller de l’avant. En effet, elle avait créé en 2015 l’Association tunisienne des femmes ingénieures (AtfiI) pour un leadership fort et inclusif des femmes. «L’association apporte aux femmes ingénieures tout ce dont elles ont besoin pour exceller sur le plan professionnel, notamment le renforcement des capacités, l’accompagnement, le réseautage, la création d’opportunités, l’échange d’expérience, le partenariat et le partage; bref, tout ce dont elles sont privées dans le domaine mixte», indique-t-elle.

Cette association œuvre, aussi, pour l’amélioration de la visibilité des femmes ingénieures. «C’est une visibilité qui leur revient de droit ! Il faut rappeler que 60% des étudiants en ingénierie et 54% des diplômés sont des filles», ajoute-t-elle. Pourtant, l’état des lieux prouve une réelle discrimination de genre. Mme Zid Souissi indique que la Tunisie se distingue par un bon accès des femmes aux filières des sciences exactes. Sauf que seuls 10% à 15% d’entre elles accèdent à l’activité professionnelle. Dans les conseils scientifiques, la représentativité des femmes n’excède pas les 30%. Et même celles qui accèdent à la profession, leurs salaires sont inférieurs à ceux des hommes de 20% à 30%. Le taux des dirigeantes industrielles est inférieur à 5%…

Face à autant d’injustices sur fond de genre, l’expérience de la Société tunisienne d’immunologie (STI) apporte de l’espoir. «La femme et les sciences : c’est un débat largement dépassé au sein de la STI», indique fièrement Yosr Lakhoua Gorgi. Créée en 2000, la STI a été fondée par le Pr Khaled Ayed. «A cette époque-là, on était deux femmes et sept hommes. Depuis, la femme a su se frayer un chemin vers la direction de la société. Mieux encore : sur les sept mandats du bureau exécutif, quatre sont dirigés par des femmes contre seulement, deux par des hommes. D’ailleurs, le ratio homme/femme était, en 2002, de 1,5. Il est actuellement de 2,3», souligne-t-elle. 

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