
La décision des États-Unis d’envisager l’activation de nouveaux droits de douane sur les importations en provenance d’Europe et de Chine suscite de vives réactions sur la scène internationale. Bien que la Tunisie ne soit pas directement concernée par ces mesures protectionnistes, leur impact pourrait s’avérer considérable pour son économie, en raison de sa forte intégration aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
Une interdépendance économique à double tranchant
L’économie tunisienne repose en grande partie sur ses relations commerciales avec l’Union européenne et, dans une moindre mesure, avec la Chine. Selon les données officielles, près de 75 % des exportations tunisiennes sont destinées au marché européen, notamment dans les secteurs du textile, de l’automobile et des composants électroniques. Toute déstabilisation de ces économies partenaires, en raison d’une baisse de la compétitivité liée aux taxes américaines, pourrait donc avoir des conséquences en cascade sur la production et les exportations tunisiennes.
Comme le souligne Walid Belhaj Amor, expert économique, dans une interview accordée à Express FM : “Si l’Europe et la Chine souffrent d’une baisse de leurs exportations vers les États-Unis, elles chercheront à répercuter cette perte sur d’autres marchés, y compris ceux avec lesquels elles ont des relations privilégiées comme la Tunisie”. Cette pression économique pourrait se traduire par un ralentissement des investissements européens et chinois en Tunisie, impactant directement l’emploi et la croissance.
L’un des effets indirects les plus redoutés concerne l’augmentation du coût des matières premières et des produits manufacturés. Si les industriels européens et chinois sont contraints d’absorber une partie des taxes américaines en augmentant leurs prix de vente, les importateurs tunisiens devront faire face à une hausse des coûts d’approvisionnement.
D’après un rapport récent du Centre d’études et de recherches économiques et sociales, “une augmentation de 10 % des prix à l’importation depuis l’Europe se traduit en moyenne par une hausse de 3 % des prix à la consommation en Tunisie”. Dans un contexte où l’inflation pèse déjà lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages tunisiens, cette nouvelle flambée des prix pourrait amplifier les tensions sociales et économiques.
Une opportunité pour la Tunisie ?
Face à cette conjoncture incertaine, certains experts estiment que la Tunisie pourrait tirer parti de cette situation en renforçant ses capacités de production locale et en diversifiant ses partenariats commerciaux. “Nous avons une carte à jouer dans la redéfinition des chaînes d’approvisionnement internationales”, affirme un analyste du Conseil d’Affaires Tuniso-Européen.
L’une des pistes envisagées serait de capitaliser sur la relocalisation industrielle de certaines entreprises européennes qui cherchent à contourner les tensions commerciales. La Tunisie, grâce à sa proximité géographique avec l’Europe et à ses accords commerciaux privilégiés, pourrait devenir une plateforme stratégique pour les industries souhaitant maintenir leur accès au marché européen tout en réduisant leur dépendance vis-à-vis de la Chine. Les conséquences des droits de douane américains sur la Tunisie ne seront pas immédiates, mais elles s’inscrivent dans une dynamique mondiale qui pousse les économies interconnectées à repenser leurs stratégies. L’avenir économique de la Tunisie dépendra de sa capacité à s’adapter à ces nouveaux paradigmes et à anticiper les déséquilibres mondiaux.
Dans un contexte où les tensions commerciales redessinent la carte des échanges internationaux, la Tunisie doit donc renforcer sa résilience économique en diversifiant ses partenaires et en misant sur l’innovation industrielle. La question n’est plus de savoir si ces changements auront un impact, mais comment le pays peut en atténuer les effets et en saisir les opportunités pour s’imposer comme un acteur économique stratégique dans la région.